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Politique

INSTABILITÉ GOUVERNEMENTALE : Avis de spécialistes

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INSTABILITÉ GOUVERNEMENTALE : Avis de spécialistes

Trois spécialistes d’horizons divers nous ont donné leur lecture de cette instabilité gouvernementale. Il s’agit du président de la Fédération des syndicats de la Santé, M. Mballo Dia Thiam, le docteur Saliou Ndour, spécialiste des industries culturelles, et de Abdou Aziz Diop, analyste politique.

Pour ce qui est de l'instabilité du département de la Santé, le président de la fédération des syndicats de la Santé, M. Mballo Dia Thiam en a une idée assez nette. Dans sa première lecture, notre interlocuteur dira que, de manière générale, les différents remaniements sont souvent accompagnés d'une répartition des services de l'État. A la faveur de ces changements tous azimuts, M. Thiam note une mauvaise répartition, surtout pour le cas spécifique de la Santé du fait de directions qui ont été délogés du ministère de la Santé à chaque remaniement, fait-il remarquer. Il a cité les exemples de la direction des infrastructures, de l'Équipement et de la maintenance, la direction Prévoyance et l'Action sociale. Selon lui, ces leviers qui servent à prévenir ne sont pas entre les mains du ministre de la Santé. C'est le cas pour les directions de Maintenance et de la Construction sanitaire qui sont logées au ministère de l'Habitat. S'agissant de cette direction de la Construction sanitaire, le syndicaliste fait savoir que c'est un des leurs qui monnaie son talent hors du département de la Santé.
Cette situation est valable aussi pour l'Action sociale qui a migré vers le ministère de la Solidarité.

"Incohérences et anomalies au minsitère de la Santé"

Aux yeux de notre interlocuteur, un tel fait pose problème. Car "l'Action sociale n'a rien à voir avec la solidarité". M. Mballo Dia Thiam qui n'a pas caché sa déception de voir le département de la Santé amputé de ses démembrements soutient que l'argent de l'État réservé à l'aide sert beaucoup plus aux marabouts, aux hommes politiques et aux citoyens nécessiteux. Autre anomalie, l'Hygiène et l'Assainissement avant le dernier remaniement étaient éclatés entre quatre ministères. Au même moment, fait remarquer notre interlocuteur, "la direction de l'Hygiène publique était une coquille vide" parce qu'étant logé au ministère de la Santé. Malgré le fait que les morceaux ont pu été recollés, M. Thiam pense que la mayonnaise tarde à prendre. Par ailleurs, l'autre grille de lecture qui se dégage face à l'instabilité de ce ministère, c'est par rapport aux objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Selon le spécialiste de la Santé, cette situation a fait naître un impact négatif dans la gestion du choléra dans notre pays, le tout corroboré par un défaut de maîtrise des maladies.
De l'avis du secrétaire Général du Syndicat des travailleurs de la Santé et de l'Action sociale, il est difficile de dissocier la prévoyance médicale de l'Environnement, pour plus de pertinence. La preuve, il note que quand l'Hygiène était gérée par le ministre Lamine Bâ, il y avait télescopage avec Issa Mbaye Samb qui avait la Santé. Dans la croisade contre le choléra, il y avait conflit de compétences sur le terrain, avec un train par-ci et une caravane par-là. M. Mballo Dia Thiam soutient également que ces changements qui se succèdent les uns après les autres ont des impacts sur les revendications et les accords signés avec le ministère de la Fonction publique. D'ailleurs l'exemple le plus patent est la signature des accords en 2006 entre la fédération des syndicats de la Santé et la tutelle. Pour lui, ces accords tardant à être matérialisés influent sur la confection du budget. S'agissant du ministère de la Fonction publique en charge de la revendication des travailleurs, cinq ministres s'y sont succédés.
Cette situation fait dire au syndicaliste que tous les dossiers signés par les syndicats déposés sur la table de ministre qui arrive sont rangés dans les tiroirs. C'est pourquoi, dit-il, "il y a beaucoup de rappels de salaires, de mise à niveau du fichier, de retraite, etc... ".

"La culture n'est pas une priorité"

S'agissant des nombreux changements opérés à la tête du département de la Culture, un spécialiste des industries cultures embouche la même trompette. Pour le Dr. Saliou Ndour, l'instabilité au niveau du ministère de la Culture constitue une entrave au développement du secteur. D'emblée notre interlocuteur a cité dans ses propos Colin Mercer qui disait lors de la Conférence de Melbourne en 1993 : "La Culture n'est souvent pas prise en compte dans les politiques de développement, du fait d'une mauvaise appréhension ou même d'une reconnaissance incomplète de ce secteur". Partant de là, le sociologue en déduit que "la Culture ne constitue pas une priorité dans la politique de développement de notre pays". "Les ministères sérieux dont on pourrait citer les Affaires étrangères, l'Éducation, l'Intérieur, les Forces armées jouissent d'une relative stabilité", soutient-il. En réalité, derrière ce changement permanent, se cache "l'absence d'une véritable politique culturelle". Mieux, l'enseignant de l'université Gaston Berger dira que le ministère en charge de ce secteur est souvent "assimilé au ministère du folklore et des reliques du passé". Il indique d'ailleurs que, du fait de cette instabilité, le ministre n'a pas les coudées franches.
Tout ce qu'il fait l'est sous l'impulsion du chef de l'État, le protecteur des Arts et des Lettres. A en croire le Dr. Saliou Ndour, les nominations obéïssent à une logique purement politique qui l'emporte sur la compétence et l'efficacité. Conséquence : "Ce qui fait que le ministre, se sachant sur une chaise éjectable, veut plaire à celui qui l'a nommé à cette fonction. Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête. On ne voit pas, dans ces conditions, comment il pourrait remplir avec sérénité sa mission".

Problème de continuité du service public

Selon le spécialiste des industries culturelles, il s'y ajoute que la continuité du service public n'a aucun sens ici d'autant que toutes les actions entreprises par le ministre sortant n'engage pas le nouveau venu. Notre interlocuteur a donné l'exemple du Programme national de développement culturel (Pndc) qui a été initié par les prédécesseurs de l'actuel titulaire du poste. Pour M. Ndour, bien qu'il ait évoqué dans le discours de politique générale du Premier ministre (Ndlr, Hadjibou Soumaré) le programme est demeuré un voeu pieux. Et pourtant dans un contexte de mondialisation, le "problème de développement devient "tout-sectoriel".
Par conséquent, aucun secteur ne doit être occulté. Il convient donc que l'État identifie les avantages qu'il pourrait, aujourd'hui, tirer de la Culture. Dans ce domaine, le sociologue pense que notre pays recèle d'énormes potentialités et la culture est devenue une industrie, secteur à forte valeur ajoutée. Pour illustrer ses propos, il a fait référence aux projections de l'hebdomadaire "The Economist" du 17 octobre 1992 : grâce à la libéralisation de la radio et de la télévision et la commercialisation, la marge de progression du secteur de la culture à l'échelle mondiale serait de l'ordre de 10 %, c'est-à-dire plus élevée que beaucoup d'autres secteurs industriels et commerciaux. Pour ce faire, notre interlocuteur dira que cette dynamique du secteur de l'économie de la culture peut beaucoup profiter au Sénégal. Par ailleurs, le Dr. Saliou Ndour cite un autre spécialiste du domaine : "Frédéric Bard ne déclarait-il pas au Masa 95 que dans les pays en voie de développement, l'industrie culturelle est peut-être aussi importante que l'industrie pétrolière ?".
Étant donné que "le produit qui alimente celle-ci a franchi la barre des 100 dollars le baril hypothéquant dangereusement l'économie du pays". Pour toutes ces raisons, le professeur de sociologie pense qu'une option sérieuse doit être prise pour changer radicalement d'orientation en optant pour un ministère de l'Économie et du financement de la Culture, qui aura pour vocation de développer les industries culturelles. A l'en croire, ce ministère va contribuer aussi bien au rayonnement de nos cultures dans le monde qu'au développement de l'économie de notre pays, avec à la clé des missions bien définies.

L'inamovibilité de Gadio

En dépit des remaniements et autres réaménagements, avec parfois des ministres qui changent à plusieurs occasions de portefeuilles, le titulaire du ministère des Affaires étrangères est l'un des rares ministres de Wade à demeurer inamovible à son poste. Depuis l'installation du premier gouvernement de l'Alternance, Cheikh Tidiane Gadio reste un "baobab" à la tête de la diplomatie du Sénégal. L'analyste politique M. Abdou Aziz Diop a d’ailleurs fait une lecture de cette constante. Selon le politologue, il suffit tout simplement de "scruter" Wade, de regarder sa diplomatie, pour comprendre le maintien de Cheikh Tidiane Gadio au poste des Affaires étrangères. "Le président Wade n'a pas de diplomatie", martèle notre interlocuteur. Pour étayer ses propos, il revient sur la manière dont ce dernier avait obtenu l'accord de cessez-le feu en Côte d'Ivoire, en mettant au devant de la scène son ministre des Affaires étrangères. Aussi, M. Diop évoque l'irruption du président Wade dans le champ politique du Zimbabwe. Autant d'immixtions qu'il qualifie de "coups d'éclat".
Mieux, il soutient que ces coups d'éclat de Wade ne correspondent pas à une bonne politique diplomatique. Dans ce cas, celui qu'il a nommé chef du département des Affaires Etrangères ne portera que le titre de "porte-parole". C'est ce qui explique que Gadio est irremplaçable, parce que "bilingue". Et ce dernier joue un véritable rôle de porte-parole de coups d'éclats de Wade.

"Tous les pouvoirs sont entre les mains du président Wade".

Au cours des trois premiers gouvernements qu'il avait mis en place, le président de la République, Me Abdoulaye Wade, n'avait nommé jusqu'ici qu'un seul ministre d'État. Il s'agit de son directeur de campagne de la présidentielle de 2000, M. Idrissa Seck. Ce dernier avait cumulé le portefeuille de ministre d'État avec celui de directeur de Cabinet du président. Avec sa "migration" vers la station primatoriale, ce qui était devenu une constante au regard des différents changements dans la sphère étatique ne l'est plus. Le nombre de ministres d'État passant, ainsi, de un à quatre (Ndlr, Macky Sall, Landing Savané, Youssoupha Ndiaye et Cheikh Tidiane Gadio). Et plus on change de Premier ministre, plus le nombre de ministres d'État grippe.
Faisant l'analyse de la question, Abdou Aziz Diop est parti d'un seul constat à savoir la Constitution de janvier 2001. A l'en croire, ces textes fondamentaux de notre République consacrent "l'absolutisme". "Tous les pouvoirs sont entre les mains du président Wade. Il s'identifie à l'État. La subordination du ministère de l'Intérieur au président Wade. Il a le contrôle des Finances, des Forces armées", a -t-il souligné. Et M. Diop de dire que "ce pouvoir absolu explique nombre de remaniements". Pour lui, Wade est conscient qu’un tel pouvoir absolu a besoin d'un ministre de l'Intérieur, d'un ministre des Affaires étrangères, d'un ministre des Forces armées, d'un ministre de l'Économie plus près du président. Tout cela pour "contrôler le pouvoir absolu". "Le grand nombre de ministres d'État conforte le pouvoir absolu" (ndlr, 10 ministres d'État), a-t-il laissé entendre avant de poursuivre qu'"un ministre d'État est avant tout un ministre qui dépend directement du président de la République et non du Premier ministre".


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