Ils ont trouvé les gendarmes dans leur brigade, ont bastonné un élément, défoncé la chambre de sûreté et libéré de force deux des leurs qui avaient été arrêtés suite une altercation avec un notable de Darou Mousty. Comme si cela ne suffisait pas, les Baye Fall ont déchiré le drapeau national avant de se fondre dans la nature. L'humiliation était forte et les gendarmes ne pouvaient rester inertes. Alors ont-ils déployé, hier, l'artillerie lourde pour laver l'affront. L'assaut final contre les Baye Fall, talibés de Serigne Modou Kara Mbacké, a été lancé vers les coups de 17 h Près d'une centaine d'éléments du Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (Gign), encagoulés, portant des gilets pare-balles et armés jusqu'aux dents de fusils de lance-grenades, ont fait irruption dans les Daaras de Serigne Modou Kara. Et c'est au Daara de Choukory que l'opération a été la plus musclée. Des talibés Baye Fall trouvés sur place ont été sévèrement malmenés et molestés, avant d'être jetés dans le panier à salade. Les femmes n'ont pas été épargnées et ont subi le même traitement que les hommes. Parmi elles, la sœur de Modou Kara qui a été tabassée et a vu son portable ‘volé par un gendarme’. Une autre personne qui était en position de spectateur, a été maltraitée par les gendarmes qui lui ont, par ailleurs, arraché une dent. Ce dernier menace, d'ailleurs, de porter plainte contre la gendarmerie.
La brutalité des opérations a été telle que des informations révèlent que le Khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké, qui a suivi de très près les événements a fustigé l'attitude des gendarmes qui se sont pris à des chefs religieux, les ont malmenés et ont proféré des insultes à leur égard.
Auparavant, le porte-parole de la famille de Borom Darou, Serigne Bassirou Abdou Khoudouss, est monté au créneau pour exiger à la haute hiérarchie d'arrêter immédiatement les opérations. Des opérations qui, à ses yeux, n'avaient pas leur raison d'être. Surtout que, ‘les deux Baye Fall incriminés ont été livrés à la gendarmerie’. Aussi pense-t-il que ‘la gendarmerie a violé le pacte qui les liait’. Par ailleurs, a-t-il demandé à ce que des innocents arrêtés par les ‘hommes en bleu’ soient libérés sans condition. Et le porte-parole de la famille de Borom Darou de laisser entendre que ‘la poursuite de telles opérations peut installer l'impasse. Ce qui n'est pas souhaitable’.
La sortie du chef religieux a tout de même produit des effets. Quelques heures après sa déclaration, les gendarmes ont arrêté les opérations, ramenant le calme dans les rues de Darou Mousty. Et aux environs de 19 h, les populations ont commencé à vaquer à leurs préoccupations.
Les proches de Modou Kara Mbacké ont dénoncé l'attitude des gendarmes. Une attitude qui, à leurs yeux, frise ‘l'acharnement’. N'empêche, ils refusent de cautionner le comportement des Baye Fall qui, non seulement, ont défié l'autorité des gendarmes, mais les ont attaqués dans leur brigade pour libérer deux des leurs.
La gendarmerie garde un mutisme total. Ni sur le nombre d'interpellés encore moins sur la suite à donner aux événements, les gendarmes n'ont pas voulu se prononcer. Il reste que le nombre de personnes interpellées avoisine la vingtaine. Parmi elles, des badauds qui conduisaient des charrettes et qui ont eu la malchance de croiser le convoi de la gendarmerie, fort d'une dizaine de véhicules.
Les populations entre soulagement et désolation
Les opérations menées, hier, dans la ville sainte de Darou Mousty ont été diversement appréciées par les populations. Une bonne partie pense que l'opération est venue à son heure. Leur conviction est que cela permettra de nettoyer la ville des centaines de Baye Fall. Lesquels perturbent, à leurs yeux, ‘la quiétude des populations, règnent en maître absolu dans la localité, s'attaquent aux femmes, insultent les commerçants et refusent de prendre de petites aumônes’. Une attitude qui fait que les habitants pensent que les gendarmes devraient être accueillis à bras ouverts et aidés dans leur tâche de traquer ‘des pseudo-musulmans qui se cachent derrière des chefs religieux pour semer la terreur’. D'un autre côté, des personnes voient le contraire et fustigent l'attitude des gendarmes. Une attitude qu'ils assimilent, d'ailleurs, à une humiliation faite à leur localité. Laquelle ne mérite pas, selon eux, ‘un tel traitement’. Ils se fondent sur ‘le manque de respect que les jeunes gendarmes ont fait montre à l'égard de certains chefs religieux qui ne faisaient que suivre l'opération’. Et très vite, ont-ils décelé ‘des considérations politiques’ qui se cachent derrière l'opération musclée de la gendarmerie. Comme arguments, ils avancent la brutalité avec laquelle la sœur du marabout politicien a été traitée mais aussi les insultes proférées à l'égard des chefs religieux et des journalistes.
Au chapitre des dénonciations est venue s'ajouter la voix du président du Conseil rural, Serigne Modou Bakh Mbacké qui invite à ce que ‘ces genres d'opérations soient menées avec des gens qui connaissent la localité’. Ce qui aurait permis, pense-t-il, d'éviter les écarts.
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