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Politique

INTERVIEW : MOUSTAPHA GUIRASSY SUR L'AFFAIRE SEGURA " Les faits nous donnent raison"

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INTERVIEW : MOUSTAPHA GUIRASSY SUR L'AFFAIRE SEGURA " Les faits nous donnent raison"

C’est au moment où l’Etat du Sénégal est éclaboussé par l’affaire du cadeau de 65 millions offert à Alex Ségura par des autorités sénégalaises que le porte-parole du gouvernement accepte de se confier à l’Observateur pour asséner ses vérités sur cette question. Ses convictions dites, Moustapha Guirassy dévoile le plan d’attaque du gouvernement sur le plan de la communication et les réformes à engager pour booster son secteur.

Un séminaire a été organisé la semaine dernière sur la communication gouvernementale dans le but de penser d’autres stratégies. N’est-ce pas là un échec d’une politique de communication ?

Non, ce n’est pas en termes d’échec, c’est en termes d’amélioration continue. C’est un processus. Avant l’alternance, il y avait une communication gouvernementale et, depuis 2000 il y a une autre qui est déroulée par les différents ministres de la Communication. Pour rendre efficace cette communication et être sûr que le citoyen sénégalais est au courant de ce que fait le gouvernement, je pense qu’il est normal d’améliorer cette communication. C’est ce qui explique le séminaire de Saly. Quand on parle de communication gouvernementale, l’on a tendance à penser à une communication propagandiste d’un régime ou d’un parti, mais lorsqu’on se situe dans l’espace républicain, l’on se rend compte que tout citoyen a droit à l’information, à tout ce que l’Etat fait ou prévoit de faire pour son compte. D’où la nécessité de tout faire pour faire parvenir à ce citoyen cette information. Ce qui lui permet, demain, de prendre la bonne décision aux plans économique, politique, électoral…

Quels sont les axes autour desquels va s’articuler cette communication ?

 Les travaux étaient articulés autour de trois points, à raison d’un point par atelier. D’une part, il y avait un point qui traite des réformes nécessaires car, l’on confond souvent le conseiller en communication au journaliste et à l’attaché de presse. C’est un problème fondamental et il crée quelques difficultés dans la transmission de l’information. En général, quand un ministre nomme son conseiller en communication et le met dans son cabinet pour des raisons politiques, l’on comprend aisément que ce conseiller travaille plus pour le compte du ministre que pour celui du ministère. En effet, c’est le citoyen qui est lésé. Ainsi, une forte recommandation a été faite pour que le recrutement des conseillers en communication se fasse par le ministère de la Communication, en rapport avec le ministère de l’Emploi. Cela permet de donner un statut permanent au conseiller en communication, mais aussi cela le rendra moins dépendant du ministre qui peut venir et repartir du ministère à tout moment. Et comme c’est un élément fondamental qui constitue ma mémoire du ministère, nous avons jugé nécessaire de lui donner plus de garantie. D’autre part, il a été question de voir comment rendre encore plus visibles les actions du gouvernement. Ce n’est pas facile dans un univers où il y a beaucoup de supports de communication comme l’Internet, la presse écrite, les radios… L’aspect politique joue aussi dans la transmission de l’information, car nous sommes dans un champ qui, parfois, pollue et biaise l’information. Quelle est la bonne information qui doit parvenir au citoyen pour lui permettre de prendre la bonne information ? A cette question, un atelier s’y est penché au séminaire de Saly. C’est un défi à relever.

 

Avez-vous dégagé des stratégies pour y arriver et lutter contre la déformation de l’information à laquelle vous faites allusion ?

La première étape du plan d’actions a été de faire l’état des lieux. L’autre étape consiste à identifier les différentes cibles. Mais, il faudrait que l’on s’entende sur une chose : la finalité de la communication gouvernementale, ce n’est pas le gouvernement, c’est plutôt le citoyen, les groupes de citoyens, les collectivités locales, entre autres. Il faut les identifier, les sérier et voir les meilleurs supports de communication pour les atteindre. Ça peut être les magazines, la télévision, Internet, ainsi de suite.

 

Ces supports existent déjà, mais il ne serait pas exclu que vous en créiez d’autres ?

Oui, on peut créer d’autres organes mieux adaptés, mais c’est à l’épreuve que nous allons nous rendre compte du support privilégié. Ça peut être l’Internet ou l’envoi d’un Sms. Il y aura aussi la mise en place d’une cellule de coordination, car jamais le ministère de la Communication n’a eu à tenir des réunions de coordination hebdomadaires avec les conseillers en Com afin de dégager les meilleures stratégies et corriger certaines imperfections. Ces réunions me semblent très importantes.

L’autre volet de la communication à laquelle nous devons travailler, c’est l’implication de nouveaux acteurs. Car, dans la Com, on a toujours confondu la stratégie à l’action de parler ou d’être devant le micro. C’est bien loin de cela. Il y a des acteurs très importants qui ne sont pas impliqués dans la communication, c’est le cas des archivistes, des documentalistes qui doivent jouer aussi leur rôle dans la stratégie. C’est pourquoi nous avons associé à la réflexion la direction des Archives nationales, l’Ecole nationale des archivistes et documentalistes (Ebad) et d’autres acteurs qui étaient jusque-là en marge de la sphère de la communication gouvernementale. Par ailleurs, un troisième atelier portait sur les relations entre la presse et l’Etat. Il s’est agi de réfléchir sur le statut du journaliste, sur les techniciens de la communication, la carte de presse…

Justement, vous avez évoqué la question des rapports entre la presse et le pouvoir. Est-ce qu’une bonne collaboration entre ces deux entités ne signifie pas un renoncement quelque part ?

Non. C’est bien possible même si les logiques ne sont pas les mêmes. C’est normal que chacun ait une mission qu’il déroule, mais je pense qu’on peut être dans des logiques différentes et se respecter. Il faut que l’Etat accompagne les entreprises de presse, c’est sa mission régalienne. Il lui revient aussi de garantir la liberté d'expression. Il faut qu’il garantisse aux journalistes le plein exercice de leur métier dans les meilleures conditions. Pour cela, l’on est bien accord sur ce point, mais il faut que le journaliste, dans l’exercice de ses fonctions, puisse aussi respecter le citoyen, la loi, l’Etat... Je pense qu’à ce niveau, des deux côtés, nous sommes tous conscients qu’il faut ce respect, cette reconnaissance mutuelle des différentes missions. S’il y a cette reconnaissance des différentes missions, normalement la collaboration intelligente devrait pouvoir être réalisée. Donc, je ne vois pas de fatalité, de dichotomie extrême qui puisse apporter un camp où un autre à ne pas respecter la loi ou à faire ce qu’il veut. L’Etat ne peut pas se le permettre, les entreprises de presse, non plus, ne peuvent pas être dans cette posture.

 

Vous avez évoqué tantôt le problème de l’aide à la presse, mais l’on a vu, depuis quelque temps, que les procédures traînent. Ne pensez-vous pas que cela diminue l’ardeur de la presse à accompagner l’Etat ?

D’abord, il faut quand même saluer les avancées significatives que le Sénégal a enregistrées dans le domaine de la démocratie et dans l’amélioration des conditions de travail des journalistes. Maintenant, je suis d’accord qu’il y a eu des couacs ici ou là. Dans l’un ou dans l’autre cas, il s’agira maintenant de situer les responsabilités. Parfois c’est la responsabilité des journalistes, et je suis heureux de voir la mise en place d’un organe comme le Cored qui est le Tribunal des pairs. Il condamne l’attitude de certains journalistes, c’est pour dire que dans l’exercice de ce métier, certains ne font pas bien leur travail. De l’autre côté, il faut déplorer la lenteur de certaines actions, de certaines décisions de justice. Par exemple, le cas de Kambel Dieng, Karammoko Thioune. Que la justice soit rendue ! Je ne veux pas que l’on lie cette situation à un manque de liberté dans l’exercice de ce métier de journalisme. En effet, on se souvient de ce qui s’était passé. Maintenant la justice, c’est un autre niveau et il faut que la justice fasse son travail. Mais, il ne faut pas saisir ou se saisir de ce cas pour justement en faire une généralité. L’on a vu des journalistes s’exprimer sur un ton extrêmement libre sans être inquiété et ils sont tout tranquilles. Le cas de Kambel et Kara est regrettable, mais il y a eu des discours, des articles, des attaques beaucoup plus durs que cela et pourtant, nous avons passé l’éponge.

 

Est-ce qu’on ne devait pas accompagner ces efforts en augmentant ou en réorientant l’aide à la presse ?

Ce sont des décisions qui sont déjà prises. L’orientation qui est prise, c’est d’augmenter cette aide à la presse, d’améliorer les conditions de travail des journalistes, de mettre les entreprises de presse dans de meilleures conditions, mais aussi de mieux les accompagner du point de vue fiscal. Une batterie de dispositions qui doivent permettre à la presse de se développer, d’être mieux structurée, d’être mieux organisée. Mais aussi, il est normal que le secteur puisse se protéger en évitant que n’importe qui s’investisse dans ce créneau. C’est d’ailleurs une doléance des professionnels du secteur. Un des responsables l’avait suggéré ; c’est d’ériger des barrières à l’entrée pour ne pas restreindre les parts de publicité et le potentiel des organes déjà existants. Des mesures aux plans institutionnel, juridique, économique, fiscal, humain, doivent accompagner le secteur de façon  générale.

 

Y a-t-il des actions envisagées dans ce sens ?

 La première grande action qui est souhaitée par les acteurs de la presse depuis longtemps, c’est d’avoir une réforme du Code de la presse. C’est un pas très important. D’abord, le chef de l’Etat le souhaite, il le veut et a l’ambition d’avoir le meilleur Code de la presse au monde. C’est légitime d’avoir cette ambition et, dans une logique de concertation, je pense qu’on peut y arriver. C’est un aspect important et l’on va déposer sur la table un projet de loi qui va réformer complètement le Code la presse au Sénégal.

 

D’aucuns aussi voient en ce nouveau Code la presse un moyen pour restreindre la liberté des journalistes avec des pièges qui y seraient glissés à dessein…

Pourquoi y voir des piéges ? Il faut respecter les journalistes qui ont travaillé sur la question depuis 2004 et ceux qui représentent leurs confrères au moment de ses discussions, de ses négociations. Je pense que ce sont de grands messieurs qui participent à ces rencontres de manière très transparente. Je ne vois pas pourquoi on devrait voir un piège. Bien sûr, il y a une discussion, l’Etat a ses préoccupations : il faut mettre de l’ordre. D’ailleurs, il y a une préoccupation qui est partagée avec les journalistes : il faut mettre de l’ordre. Car n’importe qui se proclame journaliste. C’est aussi une menace pour le métier de journalisme et aussi une menace pour ces organes de presse qui peuvent perdre toute crédibilité.

 

Est-ce que l’Etat et des cercles qui sont proches de l’appareil d’Etat n’ont pas une part de responsabilité dans cette situation, d’autant plus qu’ils ont encouragé la prolifération des journaux ?

C’était dans un souci de démocratie que l’Etat a encouragé la prolifération des organes de presse. Maintenant, il y a le revers de la médaille. C’est qu’en renforçant la démocratie, s’il n’y a pas un arsenal juridique, réglementaire, un Tribunal des pairs, pour organiser tout cela, c’est sûr qu’une prolifération présentera beaucoup plus d’inconvénients. Je suis conforté à l’idée de savoir que les journalistes prennent la question en charge et ont décidé d’instituer un Tribunal des pairs. Et à propos de ce Tribunal des pairs, l’Etat veut donner un imperium à ce Tribunal. Parce que c’est bien de se juger en bonne fois, il est bon que l’Etat donne plus de poids et de force à ce Tribunal des pairs pour que les décisions qu’il rend puissent être importantes.

 

Récemment, vous aviez annoncé une réforme dans la restitution du communiqué du Conseil des ministres. Pourquoi et comment allez-vous vous y prendre ?

Nous avons tous trouvé là le communiqué du Conseil des ministres qui est très long et qui ne s’adapte pas à certains médias. Je pense à une télévision, car elle s’adapte très difficilement à un communiqué lu de dix pages. La Rts est un bien de l’Etat, donc un bien des citoyens. Et il n’est pas normal qu’on la tue pour des actions comme celle-là, qui ne la rende pas donc attrayante. Et les citoyens pensent que la Rts doit survivre. C’est un organe qui doit être solide financièrement, plus viable économiquement. Pour permettre à la Rts de survivre, il faut éviter de lui donner un contenu que les citoyens sénégalais n’apprécient pas. Donc, c’est la façon de présenter le communiqué qu’il faut changer, pas le communiqué lui-même, parce que c’est ce sont des décisions importantes. Il faut l’adapter à l’espace communicationnel, aux exigences de la télévision, de l’audiovisuel.

 

Qu’allez-vous faire concrètement ?

 Concrètement, il faut le faire en deux temps. Une partie par écrit dans des supports tels que le Soleil ou le Net. Et une partie interactive comme un point de presse sur les points saillants et je pense que pour l’audiovisuel et la télévision, ce serait un peu plus adapté.

 

L’actualité est marquée par l’affaire Alex Ségura avec «le cadeau» offert à ce dernier. Le dossier a évolué, car le Fmi a déclaré avoir retourné le cadeau aux autorités sénégalaises. Quel discours vous tenez maintenant après que vous aviez dans un premier temps juré que l’Etat n’est en rien lié à cette affaire ?

Tout est parti d’une information donnée par une radio selon laquelle, l’agent du Fmi était arrêté avec 500 millions d’euros ou de dollars. L’on disait aussi que des autorités sénégalaises lui auraient donné de l’argent. Sur le premier point, l’agent du Fmi n’a pas été arrêté par la France, je crois qu’un communiqué très clair de l’ambassade de France l’a démenti, un autre communiqué du Fmi est venu pour dire que la presse sénégalaise dit des contrevérités. Donc, il n’y a pas eu d’arrestations. Il n’y a pas eu de signalement de cette nature au niveau des frontières. La position du Sénégal reste toujours la même. C’est une position claire et sans détours : Le gouvernement du Sénégal n’est pas du tout impliqué, ni de près ni de loin, à cette affaire. Donc, il n’y a pas eu de changements, il n’y a pas eu de variation de point de vue ou de conviction. C’est vrai, le Fmi, dans un communiqué, dit qu’on a retourné l’argent aux autorités. Mais nous aussi, nous disons que notre position n’a pas changé.

 

Est-ce que vous avez reçu le cadeau comme l’a bien dit le Fmi ?

Encore une fois, nous ne sommes ni de loin ni de près concernés par cette affaire. La position du gouvernement ne varie pas sur ce cas.  En tout cas, les faits nous réconfortent. Sur les trois éléments que j’ai cités, il y a des bouts qui font que la position de l’Etat du Sénégal sur cette question ne peut varier. Nous sommes restés constants et les faits nous donnent raison. Pour dire que l’Etat n’a pas du tout été impliqué dans cette affaire. Maintenant, je profite de l’occasion pour dire que c’est notre pays, et son image est aussi importante pour les Sénégalais que pour les gouvernants. Il faut la protéger et en toute vérité, la défendre. Lorsqu’un Etat donne sa position, il faut la respecter. C’est une façon de respecter son pays. Nous avons été clairs depuis le début sur cette histoire. C’est un débat que je voudrais clore.



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