Vendredi 26 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

[ Chronique ] L’embarras des choix contradictoires

Single Post
[ Chronique ] L’embarras des choix contradictoires

Pour tout observateur, partisan, indépendant, ou neutre, le Président Abdoulaye Wade fait face à la crise la plus généralisée que le pays ait connue depuis la survenue de ce qui est appelée l’Alternance en l’an 2000. Non seulement, cette crise est profonde, multidimensionnelle, mais elle échappe également à tout contrôle aussi bien du pouvoir que de l’opposition.

Face à cette situation, Abdoulaye Wade, qui déteste profondément perdre l’initiative politique, est obligé d’opérer des choix qui peuvent, selon le cas, le mener dans une direction qui exclut toutes les autres ou entre en conflit direct l’une contre les autres. Voyons une à une les directions en question et éventuelles conséquences

Maître Abdoulaye Wade peut continuer dans la direction choisie depuis qu’il a réussi à se débarrasser de tous ses alliés non « Libéraux » qui l’ont accompagné dans sa conquête du pouvoir. Dans une opération d’ « épuration » systématique, il a éloigné de lui, des hommes et des femmes qui étaient convaincus qu’ils devaient leur position dans les stations de pouvoir à leur contribution à la victoire de Wade, ou à leurs compétences.

Depuis le départ de Moustapha Niasse et de ses alliés, Abdoulaye Bathily et ses camarades, Amath Dansoko et les membres du PIT, le Président de la République s’est systématiquement employé à ne s’entourer que d’hommes et de femmes qui lui doivent tout. Ceux, qu’un ancien membre de son staff appelle des « hommes de main », et que le Président qualifie lui-même « d’anoblis

Puis, le Chef de l’Etat s’attacha à disloquer le cercles de ces mêmes « anoblis ». Piégeant les uns, provoquant d’autres, donnant aux uns les moyens de se débarrasser des autres. Les premières « victimes » furent Modou Diagne Dada et Idrissa Seck. Pourtant, le premier nommé confiait à un ami, que pour leur groupe, Abdoulaye Wade ne songerait pas politiquement se séparer d’eux politiquement « après tout ce qu’il a investit dans la formation et l’encadrement de ces jeunes cadres ». D’autres affirmaient « que Idrissa Seck, Diagne Fada, Lamine Ba, Pape Diop, Awa Diop et Aminata Tall avaient tellement d’emprise sur le nouvel élu que sans eux, ce dernier n’oserait pas poser des grands actes fondateurs de la nouvelle administration ». C’est ainsi qu’ils rapportent que dès les premiers moments de l’administration Wade, le chef de l’Etat ne cessait de demander leur soutien pour faire passer la Loi Ezzan qui a amnistié les tueurs de Maître Babacar Seye. Mais Abdoulaye Wade a toujours essuyé leur refus catégorique. Idrissa Seck, Modou Diagne Fada, Aminata Tall, Lamine Ba et consorts se sont dès le départ, opposés à cette initiative dont le but était de faire sortir de prison les tueurs et d’amnistier les commanditaires de ce crime crapuleux.

Ce cercle de proches, dont la moyenne d’âge n’atteignait pas 50 ans, ignorait que Wade avait déjà un plan bien élaboré pour se séparer d’eux afin de gouverner seul avec sa famille et ses obligés. Diagne Fada, Lamine Ba, Aminata Tall, Abdou Fall, (considéré à l’époque comme un intrus au Pds, et politiquement dangereux), sont écrasés et écartés, ne serait ce que temporairement pour certains d’entre eux).

En ces temps-là, même si la question de la succession ne se posait pas encore publiquement, le Président, en bon Cayorien, avait bien assimilé le concept du Roi Tanorub Gon Taara : « Ay doole, yiw doole ». Quand le dernier prétendant au trône de Tee_ du Baol a tué le capitaine de l’armée coloniale française qui a dirigé l’essentiel des batailles contre les petites royautés de la colonie et défait leurs seigneurs de guerre, l’administration coloniale a invité Tanorub Gon à Saint Louis du Sénégal, « à une rencontre de paix et de réconciliation ». Par conséquent, Tanorub Gon n’avait pas jugé utile de répondre à cette invitation accompagné de ses guerriers. Tanor Tee_ accepte alors l’invitation en disant : « ay Doole, yiw Doole » (« Je viens avec mes forces et prêt à répondre à toute éventualité ».

C’est cette philosophie qui a poussé Wade à faire croire à Idrissa Seck dans un premier temps qu’il était en position de « quasi-président de la République ». Puis dans un deuxième temps, Wade l’a présenté aux Sénégalais comme un homme pressé et mais surtout comme un ingrat.

Et comme si cela ne suffisait pas, Wade a réussi à donner d’Idrissa Seck la plus mauvaise image qu’un homme puisse présenter à ses compatriotes : celle d’un voleur de milliards de francs Cfa dans un pays où la majorité a comme principale unité de compte, mille francs.

Pendant ces moments épiques du duel Wade/Seck, Macky Sall qui s’y croyait déjà, lui qui a servi de bâton, n’en revint pas de se voir passer à la moulinette. Pourquoi alors s’arrêter en si bon chemin ? Moustapha Niasse piégé, Idrissa Seck neutralisé, Djibo Kâ affamé qui frappe furieusement à la porte, Modou Diagne Fada marginalisé pour cause de sympathie avec Idrissa Seck qui ne l’associe à rien d’ailleurs, continue à offrir ses services sans être sollicité. Abdourahim Agne, grand cadre du Fuuta, calmé par son court séjour carcéral, Pape Diop « the Insider » par excellence, « échaudé » par ce qui est arrivé à Seck qu’il a longtemps bichonné, rentre dans les rangs, Ousmane Ngom se voyant sans avenir politique hors la maison du père est revenu en rampant, Cheikh Tidiane Sy dont le fils Thierno Ousmane Sy, est le leader spirituel et occulte (et non Hassan Ba, le bon bluffeur, comme beaucoup le pensent) d’un mouvement naissant appelé Génération du Concret, est un ami sûr » . Avec tous ces « atouts » Wade donc, se dit que la consolidation de pouvoir n’est plus une question à l’ordre du jour. Elle est dans la poche.

La prise du pouvoir assurée, la consolidation de celui-ci dans la poche, qu’est ce qui reste ? Préparer la succession. Wade, en bon Mandingue, partageant la même culture que ces cousins Pulaar, se dit « neddo bandum. » On n’est jamais mieux servi que par sa propre descendance. Pourquoi pas mon fils après moi ? D’autant que ce dernier à force d’insister a fini par vaincre les dernières résistances paternelles.

Cette première direction serait l’idéale, si elle est réalisable. Cependant, elle se heurte à la deuxième direction, qui, face à l’urgence de gérer une crise qui était certes prévisible mais pas prévue par Wade et son entourage composé uniquement d’obligés et jeunes prétentieux agglutinés autour de son fils Karim Wade, qu’ils ont réussi, avec l’aide de la Première dame, à convaincre qu’une étoile est née. L’occupant du Palais de l’Avenue Roume joue avec cette deuxième direction depuis plusieurs mois sans oser y aller carrément.

Elle consiste à réunir tous les « fils égarés » de la deuxième génération du Sopi pour relancer la fameuse machine qui a assuré la survie de la carrière politique d’Abdoulaye Wade quand il n’avait d’autres choix que d’aller se réfugier en France durant les deux ans qui ont précédé l’Alternance. On a vite fait d’oublier que cette dite Alternance était plutôt un vote contre Abdou au lieu d’en être un pour Abdoulaye Wade, « le Président par défaut. »

Sans Idrissa Seck, il serait difficile, pour l’opinion de croire aux retrouvailles de la famille libérale. Idrissa Seck quant à lui pose comme seule et unique condition une prise de position publique et sans équivoque de Maître Wade, qui consisterait à poser des actes montrant que Karim Wade n’est pas le successeur.

Selon les proches d’Idrissa Seck, ce dernier ne veut pas discuter d’autres choses avec son père spirituel tant que ce dernier ne se décide pas à dire à Karim Wade que son « grand frère » sera le prochain président du Sénégal.

La troisième voie qui est en train d’être empruntée sans que cela ne découle du choix conscient de qui que ce soit, est l’aventure. Elle est portée et encouragée entre autres, par le non-officiel « Premier Ministre » Farba Senghor, qui n’est en fait que la voix de (son) Maître Wade. Tous ceux qui sont prêts, à se faire « bien » connaître du Président de la République, à organiser des « sabars (séances de dance) anti Assises nationales », pourvu que leur noms soient prononcés à la radio et à la télévision nationale.

Le danger pour le « régime » Wade est qu’en empruntant cette troisième direction, c’est la rue qui risque d’être l’arbitre.

Il est prouvé dans l’histoire des grandes transformations sociales, que les peuples votent pour ceux qui sont capables de leur présenter les rêves les plus fous, comme Wade l’a fait et réussi durant les deux dernières élections présidentielles. Ce sont ces mêmes peuples qui adorent les rêveurs, dans les bureaux de vote, qui investissent la rue dès que les dirigeants qu’ils se sont eux-mêmes choisis aux dirigeants qui « dérapent », pour faire face à des situations qui n’offrent aucune perspective de solution démocratique.

A ce titre, la dernière direction susmentionnée, risque d’être la meilleure chance d’un Ousmane Tanor Dieng et son parti qui ont su attendre le bon moment pour présenter aux Sénégalais de la rue, cette colère contrôlée.

Abdoulaye Bathily, Amath Dansoko, El Hadj Momar Samb, Talla Sylla et tous les autres « radicaux » ont tellement et de manière répétitive, montré aux Sénégalais qu’ils sont prêts à faire face à Wade « radicalement » que leurs déclarations ne sont plus prises que comme un élément du décor politique ordinaire.

Alors que les « PS » tels que Khalifa Sall, Ousmane Tanor Dieng, Aïssata Tall Sall, et surtout Barthélémy Dias, à la différence des Serigne Mbaye Thiam, Ibrahima Sene du PIT, ont attendu le moment où la rue cherche désespérément quelqu’un pour la diriger contre les nouveaux riches, des leaders « décevants » de l’Alternance.

Le plus vieux politicien du Sénégal, encore en activité, Abdoulaye Wade, ne s’est jamais trompé sur la menace que le Parti socialiste représentait contre son pouvoir. Dès le mois d’octobre 2001, il demandait à des visiteurs lors d’un voyage dans un pays occidental, si ses hôtes pensaient qu’une procédure de dissolution du parti de Ousmane Tanor Dieng pouvait être une bonne chose.

L’objectif final poursuivi par Abdoulaye Wade est que s’il est forcé de prendre la dernière direction qui aboutirait à un arbitrage de la « Rue Publique », le grand gagnant pourrait être Ousmane Tanor Dieng. En s’intéressant subitement aux comptes des partis politiques des dissolutions pourraient survenir qui mettraient fin aux activités politiques de tous ceux qui sont contre la dévolution familiale du pouvoir.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email