Les dessous de la création d’un courant politique: La scission est devenue inévitable au Ps

Il faut maintenant se rendre à l’évidence : le Parti socialiste (Ps) vit des moments fatidiques qui le mèneront immanquablement à des ruptures en série. Ce n’est rien d’autre qu’une scission qui a fini de dessiner ses contours avec la publication du «Manifeste des onze» annonciateur d’un courant de pensée dénommée «Démocratie et Solidarité.» Il instaure de fait une nouvelle carte politique avec ses conséquences dans la vie d’une frange de l’opposition qu’est le Cadre permanent de concertation de l’opposition (Cpc). Dans un avenir proche, le Ps est appelé à configurer malgré lui une nouvelle carte de moindres dimensions politique et électorale. Un traumatisme parti de la tête pour miner ce qui était resté du bassin électoral du Parti. La logistique pourra suivre en vue de prendre en charge les moyens de fonctionnement de quelques activités du Bureau politique. Et probablement sans plus. Qu’arrive-t-il au Ps ? Comment cela est-il arrivé ? Quelles sont les conséquences dans le paysage politique ?

Il n’est pas un secret pour les observateurs avertis de la scène politique nationale. Si la défaite historique du 19 mars 2000 a précipité un exode massif pour ne pas utiliser le fameux terme de transhumance, un nombre relativement important de responsables de la Direction du Ps et quelques militants de base avaient préféré attendre encore pour voir la suite venir. Il fallait aussi compter avec les réminiscences du Congrès de 1994 supprimant le poste de Président du Ps.
La résistance organisée lors du Conclave de Savana avec un grand Conseil des sages pour l’orientation et la réorganisation qui a eu le mérite de maintenir le moral pour certains. Pour d’autres, le choc des ambitions au sein du Ps avait ses motivations au regard du patrimoine, moins pour des considérations politiques et idéologiques que matérielles et financières. Le Ps ne pouvait pas arguer de la perte du pouvoir après plus de quarante années d’exercice ininterrompu pour se prétendre démuni aux regards des membres de la famille socialiste à l’intérieur comme à l’extérieur du Sénégal.
Très vite, Mamadou Diop, ancien maire de Dakar qui reste à l’Assemblée nationale avec son mandat de député, Abdoul Khadre Cissokho qui a perdu la présidence de l’Assemblée nationale pour celle du Conseil Régional de Tambacounda n’ont jamais caché leur désir de voir éclore des courants de pensée. Avec un autre signataire du «Manifeste des onze» , Moustapha Kâ, membre du Bureau politique qui passe pour être, dit-on, la tête pensante du mouvement de rupture ainsi amorcé. Il y a eu d’autres que ne peuvent pas se cacher, Socé Niang, membre du Comité Central du Ps basé à Diourbel et deux autres de ses camarades d’instance de la direction nationale. Parmi les plus en vue, figure Robert Sagna, un autre endosseur du «Manifeste de Janvier 2006» du Ps , assimilable à Robespierre pour ce qui est du «Comité de Salut public» version Ps.
Robespierre avait dirigé la Convention de 1793 en France. De neuf, elle était composée de 12 membres. Seulement Robert Sagna au lieu d’instituer la Terreur s’était très tôt élevé contre les départs qu’il jugeait terrifiants de Djibo Leïty Kâ et de Moustapha Niasse du Ps. La critique était ouverte et acerbe à l’endroit de Ousmane Tanor Dieng, encore investi de la légitimité pour occuper le poste de Premier Secrétaire. Souvent en marge des activités du Bureau politique, Robert Sagna s’était plutôt cantonné à sa Mairie de Ziguinchor avec un sens aigu des affaires dans son terroir.Il fut ministre de 1978 à 2000.

Ce qu’on savait déjà
Pour autant, on se gardera de minimiser le poids actuel de quelques responsables Ps à Kolda ou ailleurs pour les considérer comme du menu fretin.
Un risque à ne pas courir dans le jeu politique en évolution et ses effets d’entraînement. Jacques Baudin bien que naguère favorable aux courants, a modulé dans le contexte actuel son langage. Secrétaire aux Relations internationales du Ps, il semble être astreint à une réserve.
Sa nouvelle stature à l’Internationale Socialiste (Is) à côté de Ousmane Tanor Dieng qui siège au Comité d’Ethique y serait pour quelque chose. Me J. Baudin n’est pas signataire du «Manifeste». Aura-t-il laissé ce soin à Socé Niang de Diourbel qui a connu plusieurs législatures du temps des «années de splendeur» du Ps.

Ce qu’il faut savoir du texte
A la lecture du «Manifeste», il y a des non-dits et des imprécisions sur les notions de «Courant» et de «Tendance», cette dernière est abhorrée dans le langage des Socialistes Sénégalais.
Qu’on se le dise, en politique, le «Courant» traverse avec une certaine intensité toute la formation.
Il a commencé à produire les effets d’un court-circuit qui est fortement ressenti dans la direction. En ce qui concerne la «Tendance», c’est à la fois une orientation politique et intellectuelle pour ne pas dire idéologique. Elle est par essence un vecteur de courant d’opinions au sein d’un parti. Le texte ne parle nulle part de sensibilité(s). Dans le déficit d’éducation et de formation politiques qui caractérise un bon nombre de partis au Sénégal, on va vers des remises en cause douloureuses qui n’épargneront aucun des responsables. Même si on est enclin à penser que Madia Diop pourrait drainer la classe ouvrière regroupée au sein de la Confédération nationale des Travailleurs du Sénégal (Cnts) tantôt affiliée tantôt intégrée au Ps, rien n’est moins sûr.
Les femmes siégeant au Bureau politique se sont rendues discrètes, quand on songe à Aminata Mbengue Ndiaye, Aïssata Tall Sall et Aminata Mbaye. Oulimata Diom député (Ps) à l’Assemblée nationale est par ailleurs épouse de Amath Cissé.
Sur un autre registre le document a amputé la dénomination du Groupe parlementaire du Ps en enlevant «Justice» au milieu pour conserver «Démocratie-Solidarité», deux concepts politiques qu’il ne faut pas manier à la légère. Comme une sorte d’épitaphe sur la tombe de Jean Jaurès les signataires ont conclu leur rédaction par «Conserver sur l’autel des anciens, la flamme et non les cendres». Belle prose de grands dignitaires, dirait-on. Le Ps était, loin d’être préparé à cet état qui s’est imposé à lui à quelques encablures du 30 juin 2006 pour la prorogation du mandat des députés et 2007 , les échéances électorales en vue.

Le malaise dans les rangs du CPC
Au Cpc, Samir Abourizk avait des élans de générosité pour le Ps mais c’était sans compter, pour lui, avec les ressorts internes de la formation de Ousmane Tanor Dieng plutôt que du comportement politique de quelques alliés. Un coup qui est déjà considéré avec amertume comme dur dans les rangs du Cpc qui constate un début de gâchis.
Un rebondissement est attendu le mercredi prochain avec la réunion du Bureau politique du Ps. Il est prévu un grand déballage si ces assises se tiennent pour vite arranger les choses. Il y aurait, croit-on savoir, encore de la place pour un deuxième courant qui porterait le nom de « Vision socialiste nouvelle. »