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Politique

MACKY SALL LEADER DE L’APR : « Wade partira en 2012 si l’opposition travaille bien »

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MACKY SALL LEADER DE L’APR : « Wade partira en 2012 si l’opposition travaille bien »

La page de Wade semble définitivement tournée pour le leader de l’Alliance pour la République (Apr), Macky Sall. C’est du moins ce qu’il soutient dans cet entretien réalisé avec la Radio futurs Médias (Rfm), dans le cadre de l’émission Grand Jury. L’ex-numéro deux du Parti démocratique sénégalais (Pds) est sans concession avec son ancienne formation politique, même si du reste, il avoue compter dans ses rangs, des amis. Jusqu’où ira Macky Sall ? Des retrouvailles sont-elles possibles ? Quel est l’état de ses relations avec Benno Siggil Senegaal (BSS). Comment se positionne-t-il par rapport aux conclusions des Assises nationales ? Il répond à toutes ces questions. Souvent de façon directe, parfois avec une langue de bois qui cache mal les énormes enjeux liés justement à la conquête du pouvoir.  Horizon 2012…     

Plus d’un an après votre divorce avec le Parti démocratique sénégalais (Pds), peut-on dire que vous êtes aujourd’hui un opposant aguerri ?

Je ne suis pas dans mon baptême du feu dans l’opposition. Toute ma vie durant j’ai été un opposant. J’ai fait onze ans au Pds avant l’avènement de l’alternance. Bien avant cela, j’ai eu à militer à And jëf/Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle (Aj/Mrdn) juste deux ans. Mais également pendant les années universitaires, j’ai été du combat pour la démocratie au sein de l’espace universitaire. J’ai été le premier président de l’amicale des élèves ingénieurs. C’est dire que je me suis opposé bien avant l’avènement de l’alternance. Je n’ai pas perdu les automatismes. Je me suis réadapté à ma situation nouvelle d’opposant sérieux dans ce que je fais et conscient qu’il faut modifier les conditions de vie des Sénégalais, qu’il faut changer la gouvernance de notre pays.

Comment peut-on vous qualifier ?
 
Je suis un opposant. Je n’essaie pas d’être radical ou mou. Je m’oppose selon mes convictions et mes principes. Il appartient à l’observateur de me qualifier. Mais je m’oppose selon mes principes auxquels je crois dans la vie. Je m’oppose contre les déviances que connaît notre pays, contre les dérives également, contre la vassalisation des institutions, je m’oppose pour une renaissance et un renouveau au Sénégal. Je m’oppose pour des conditions meilleures pour toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais.

Que répondez-vous à ceux qui demandent comment vous pouvez être un opposant crédible à Wade ?
 
J’ai servi loyalement à Wade, parce que je suis un homme loyal dans mon engagement. Lorsque je suis dans une chose, j’y suis à fond. Je vis mes convictions en toute liberté. Lorsque j’étais avec le Président Wade avant qu’il ne soit président, je l’ai servi loyalement pendant onze ans, dans l’opposition, dans des conditions très difficiles pour les cadres à l’époque. J’ai continué à le servir loyalement dans l’exercice du pouvoir, mais j’ai surtout servi loyalement mon pays le Sénégal. Aujourd’hui que je ne suis plus avec lui, naturellement, je m’oppose à lui de façon loyale, dans mes convictions et dans l’intérêt du Sénégal.

On peut aujourd’hui nourrir des soupçons, si on se fonde sur l’expérience politique récente. Djibo Kâ, en 2000, avait fini par rejoindre Diouf contre qui il avait battu campagne. Mahmout  Saleh qui est avec vous est témoin de cela. Peut-on dire qu’entre Me Abdoulaye Wade et vous, c’est bien fini ?
Je pense qu’il ne faut pas personnaliser le débat. Mes choix sont clairs, constants et définitifs. J’ai, en toute liberté, décidé de quitter mon ancienne formation politique. Personne ne m’a contraint. C’est vrai qu’on m’a fait des choses, mais j’avais des mandats.
On vous a quand même poussé vers la porte
On m’a destitué de mes fonctions de président de l’Assemblée nationale. On  m’a mis à l’étroit. Et moi, lorsqu’on me met à l’étroit, j’en tire les conséquences. Donc c’est souverainement, et seul, que j’ai décidé de quitter le Pds. Et c’est aussi souverainement, qu’avec mes compagnons, on a décidé de créer l’Alliance pour la République. Donc cet appel, pour un parti qui a 16 mois d’existence, a été entendu. Je ne suis pas de cette catégorie de politiques qui bougent en fonction des intérêts immédiats. Quand je fais une action, c’est en parfaite connaissance de cause, en parfaite conviction que je la fais. Donc n’attendez pas de moi qu’au dernier moment, sur des jeux d’alliances, j’abandonne la dynamique dans laquelle je suis.

Lorsqu’on vous entend parler, on a l’impression que vous avez la conviction que Me Wade n’a plus aucune chance. Prévoyez-vous le scénario où il vous battrait tous.
Non, ce scénario n’est pas pertinent. Moi,  j’essaie d’être objectif. Il ne faut pas être passionné ou aigri quand on analyse une situation politique. Il faut faire une analyse froide.

C’est quoi les éléments de l’analyse, selon vous ?
En 10 ans de pouvoir, il y a l’usure, il y a un certain nombre de crises profondes qui  ont secoué le régime. Il y a surtout le plus  important, l’attente déçue des populations. C’est cette demande forte mais non satisfaite qui est le facteur accélérant du processus de désaffection qui aujourd’hui affecte le pouvoir. Donc si l’opposition travaille correctement, je pense qu’il y aura un changement en 2012.

Pourtant, cette opposition réunie au sein de Benno Siggil Senegaal vous reproche de saper l’unité en voulant coûte que coûte vous présenter et donc de ramer à contre-courant des conclusions des Assises nationales.
Qui me le reproche ?

Certains leaders, à l’image par exemple du Professeur Bathily.

Non, ce n’est absolument pas le cas pour moi. D’abord, je n’ai jamais été candidat à une élection présidentielle. Tous les leaders dans Benno, à l’exception de Macky Sall, pour la plupart ont été candidats une fois, deux ou trois fois. Je crois que ce droit, on ne peut pas me le dénier. C’est une question démocratique simple. Je crois qu’on devrait comprendre que ce qui les avait poussés à se présenter doit pouvoir me permettre d’être candidat à la présidentielle, si j’en ai envie.

Vous voulez en même temps vous peser, naturellement… ?
Je veux changer la situation de mon pays.

En vous pesant aussi.
Absolument, moi je suis pour la transparence. En démocratie, il faut se peser. Et c’est cela qui guide les alliances par la suite, car chacun saura ce qu’il pèse. Maintenant, pour ce que vous dites des Assises nationales, je tiens quand même à apporter certaines précisions. On n’était pas membre au départ des Assises. Mon parti est né après la conclusion des Assises. J’ai suivi les travaux alors que j’étais encore président de l’Assemblée nationale. À la fin des Assises, nous avons signé la Charte pour la bonne gouvernance avec une réserve. Mon parti n’est pas pour un régime parlementaire. D’ailleurs, j’en ai discuté avec le Président Mbow. L’Apr signe par solidarité puisque pour l’essentiel, nous sommes d’accord avec les conclusions.  D’ailleurs, la réponse du Président a été de dire : «les conclusions sont là, mais nous avons prévu de poursuivre la réflexion. Nous avons une commission composée de quatre ateliers pour approfondir et poursuivre la réflexion.» Donc si la réflexion se poursuit sur la question de la nature du régime, on est d’accord. Car le problème du Sénégal, ce n’est pas le problème de la Constitution.

C’est quoi donc le problème ?
Le problème du Sénégal, c’est celui de l’abus dans l’exercice du pouvoir. C’est l’absence de garde-fous dans la Constitution pour justement la séparation des pouvoirs. Mais ce n’est pas la nature du régime qui pose problème. Aujourd’hui, si nous allions à des élections législatives et que Benno gagne, le Premier ministre et le gouvernement seraient issus de l’opposition qui exercerait leur politique en toute liberté parce qu’ils auraient la majorité à l’Assemblée nationale. La Constitution actuelle le permet. Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est renforcer les dispositifs de sûreté pour éviter que  l’Exécutif ne soit tenté de manipuler le Parlement à des fins purement politiques. Et pour cela, comme on l’a dit dans la Constitution de 2001, la forme républicaine de l’Etat ne peut pas être remise en cause. On ne peut pas la changer. Donc il faudrait que d’autres dispositions de cette nature puissent être trouvées.

Dans les faits, Abdoulaye Wade a trouvé une Constitution qu’il a changée pour se donner plus de pouvoirs. Quelle garantie avec vous si vous accédez à la magistrature suprême ?
Justement, ce n’est pas seulement une affaire de textes, c’est aussi une affaire de démocrate et surtout une affaire de dispositif constitutionnel. Il faut, dans la Constitution, garantir le mandat, qu’on ne puisse pas y revenir, par exemple en mettant dans la Constitution : aucun chef d’Etat ne peut réformer la durée du mandat. Comme aujourd’hui avec la forme républicaine de l’Etat etc. Aujourd’hui, personne ne peut dire qu’on va changer la Constitution pour dire qu’on est devenu un royaume ou un empire. Donc il faut verrouiller. Mais la question du régime parlementaire, si on voit ce qui se passe ailleurs, on se rend compte que ce n’est pas le meilleur régime. Car, pour l’essentiel, c’est un régime d’instabilité.  C’est un régime des partis. Les majorités se font et se défont en  fonction des rapports de force. On a vu ce qui s’est passé au Liban. En l’état actuel de notre développement démocratique, on ne peut pas dire que le régime parlementaire est une panacée.

Vous semblez bien optimiste, mais lorsque vous jetez un regard sur le rétroviseur avec tous ceux qui vous ont lâché, ne vous arrive-t-il  pas de tempérer cet optimisme ?
D’abord, beaucoup ne m’ont pas lâché. En tout cas, pas dans le cadre du parti. C’est vrai que certains qui étaient avec moi au pouvoir ne m’ont pas rejoint à l’Apr. Mais il faut relativiser, parce que ceux qui ont fait avec moi l’aventure de l’Apr, vous n’en trouverez pas deux qui sont partis.

Vous ne craignez donc pas une saignée dans vos rangs ?
Je ne le crains pas. Et même s’il y avait une saignée, cela ne m’ébranle pas car on n’arrête pas la mer avec ses bras. Et si le débauchage devait détruire un parti, le Pds ne serait jamais arrivé au pouvoir. Jusqu’en 1998, il a été démantelé et la moitié du parti avait quitté. Moins de deux ans après, le Pds est arrivé au pouvoir. Le centre d’intérêt, ce ne sont pas les responsables, mais bien les citoyens à la base.

Il semble que vous avez des hommes pour le moment encagoulés au Pds dont le premier ne serait autre que Souleymane Ndéné Ndiaye.
Non, je pense qu’il faut rendre justice à Souleymane Ndéné Ndiaye, parce que ce genre d’argument est en vérité utilisé par ses adversaires. Vous savez, lorsqu’on a engagé ce qu’on a appelé la «démackysation», chaque  fois qu’on a voulu liquider quelqu’un, on a dit qu’il est proche de Macky. Peut-être qu’on lui cherche des poux sur la tête. Mais ce qui est constant, c’est que c’est un ami. Nous avons quand même partagé des moments importants de notre vie. On a ensemble partagé la même chambre à l’Université. Ça, on ne peut pas l’effacer. On ne peut pas changer parce qu’il est Premier ministre et moi dans l’opposition, sinon ce ne serait pas sérieux. Maintenant nous ne sommes pas dans le même parti. Nous sommes des adversaires  politiques, mais cela ne change pas nos rapports personnels. 

Peut-être qu’en quittant la primature, il va vous rejoindre ?
 
Peut-être qu’il peut me rejoindre, peut-être qu’il va rester au Pds. Je ne sais pas par rapport à son avenir politique. J’insiste, c’est un ami.

On insiste aussi : les portes de l’Apr lui sont ouvertes ?
Les portes de l’Apr sont ouvertes à tout le monde.

Vos relations avec Idrissa Seck ? Toujours tendues ?
Ce sont des relations civilisées. Idrissa, on a entretenu des relations très fortes au sein du Pds, d’abord pendant les années d’opposition. Mais comme je l’ai remplacé, il y a eu un peu de surchauffe au départ, mais cela a été dépassé. Nous avons des relations cordiales.

Vous n’êtes pas en contact ?
Non. Je ne suis même pas en contact avec le Premier ministre. D’ailleurs, au Pds, j’évite d’appeler au téléphone les gens. Je ne veux pas les sacrifier. Dès lors qu’il y a l’affolement dans leur cas… Mon centre d’intérêt, c’est ailleurs.

Il semble que vous êtes aujourd’hui fauché. Vrai ?
Non, mon entourage comme moi-même, nous vivons les conditions d’un opposant. Si vous me jugez par rapport à ce que je fus lorsque j’étais chef du gouvernement, bien sûr, vous pouvez considérer que je suis fauché. Je suis sans revenu. Je ne peux donc pas avoir le même niveau de vie que lorsque j’étais Premier ministre avec les fonds politiques ou à la tête de l’Assemblée nationale. Mais je ne me plains pas car on arrive à faire ce qu’on peut avec les moyens dont nous disposons. Mon entourage aussi, beaucoup ont perdu des positions, mais ils gardent leur dignité, parce que dans la vie, tout ne peut pas se résumer à une question de position de pouvoir. Si on raisonne comme cela, on est toujours obligé de trahir ou de suivre le sens du vent. Nous pouvons assumer notre statut d’opposant et c’est ce que nous faisons aujourd’hui en toute dignité.

D’où tirez-vous l’argent pour financer les activités de votre parti ?
 
Il ne faut pas trop se focaliser sur les financements de notre parti, puisqu’ils ne sont pas très importants. C’est un parti qui paraît riche simplement parce que nous avons à sa tête un ancien président de l’Assemblée nationale, un ancien Premier ministre, d’anciens ministres et d’anciens députés, et des cadres qui ont assumé des charges dans des postes de direction. Je ne suis pas un homme pauvre, mais je ne suis pas un homme riche non plus. La preuve, je vous reçois dans une maison en location. Je suis toujours en train de transformer une maison que j’avais achetée à Fenêtre Mermoz, une simple terrasse. Je suis obligé d’élargir et de faire un niveau en haut. Je n’ai pas une richesse particulière. Lorsqu’on est passé par toutes ces fonctions, on a des revenus licites qui permettent de faire un certain nombre d’actions sociales en faveur d’un certain nombre de personnes, dont certains sont restés fidèles, alors que d’autres sont partis dès qu’il y a eu la raréfaction des ressources. Puisque l’opposition, par définition, c’est un milieu où il n’y a pas de revenus. Nous avons dans l’Apr des militants qui nous appuient volontairement dans le cadre du fonctionnement du parti. Il y a d’autres qui interviennent, qui mettent leur véhicule, leur carburant. Tout cela réuni n’est pas important. Puisque dès le départ, j’ai indiqué à tous nos camarades que je ne suis pas dans une logique d’argent, parce que je n’en ai pas. Deuxièmement, je veux une rupture. Si demain, par la volonté des Sénégalais et de Dieu nous accédons au pouvoir, je ne suis pas dans cette dynamique.

Vous ne renverrez pas l’ascenseur à ceux qui vous appuient ?
 
Si nous accédons au pouvoir, nous allons exercer ensemble le pouvoir. Il y a exercer le pouvoir et faire une politique de dilapidation des ressources publiques. Je m’opposerai à cela, parce que je le condamne aujourd’hui. Même du temps du Pds, je condamnais les millions utilisés pour des petits accueils. Il faut engager le pays vers une politique de rigueur, en mettant les moyens de l’Etat dans des combats utiles, dans des dépenses sociales pour lesquelles les populations attendent depuis des décennies. Non pas entretenir une clientèle politique qui, en définitive, constitue une bourgeoise parasite contre la majorité des Sénégalais. Cela ne rapporte rien. Je suis contre ça et je ne suis pas dans cette dynamique. J’ai parcouru 290 localités. Je suis parti trouver les gens chez eux. Tout ce que j’ai payé c’est le carburant des véhicules et l’hôtel dans certaines zones, lorsque nous n’étions pas hébergés, car la plupart du temps nous sommes hébergés par nos militants qui assurent la restauration. Ce n’est pas très cher. Nous avons une organisation adaptée à nos ambitions et à notre façon de faire la politique.

D’où venaient ces fameuses 7 milliards de Taïwan ?
J’ai répondu à cette question dans une émission, il y a deux ou trois mois. Une émission sur le net. Avec des correspondants sénégalais aux Usa. Je vous répète ce que je leur ai dit. Je suis un homme de devoir. Ca ne veut pas dire que je ne suis pas pour la transparence. Mais lorsqu’on assume un certain nombre de fonctions à l’Etat. On est tenu par un devoir de réserve sur certaines questions. C’est fondamental. C’est comme ça que marche un Etat. On ne peut pas tout mettre dans la presse, on ne peut pas tout mettre sur la place publique. Tous les Etats fonctionnent sur un certain nombre de registres dans cette norme. N’attendez pas de moi que je me mette à divulguer tous les secrets de l’Etat. Parce que quand on est Premier ministre, on est chef du gouvernement. On a tous les dossiers de l’Etat entre les mains. A la limite on autorise tout, parce que le Premier ministre dispose de l’administration. il autorise tous les marchés. Il est le responsable au premier chef en dehors du président de la République de toute l’administration. il y a des dossiers sur lesquels on peut parfaitement communiquer. Il y a des canaux appropriés qui permettent de le faire. Si l’Assemblée nationale prenait ses responsabilités, et crée une commission d’enquête parlementaire sur la question de l’argent de Taïwan, ils peuvent me convoquer. Je serais obligé de répondre. En ce moment devant une commission d’enquête parlementaire je peux dire tout ce que je sais sur les fonds de Taïwan. Je suis républicain. Même si je suis opposé au régime je ne peux pas m’amuser à divulguer des secrets d’Etat. Comme ça. Cela dit, je pense que vous aviez eu la version du chef de l’Etat qui avait mis à la disposition du gouvernement ces 7 milliards et ce qu’il en avait dit.

Revendiquez-vous un droit d’inventaire ?

Je dirais plutôt un devoir d’inventaire. Le droit d’inventaire supposerait que je fasse un jugement ou le bilan de l’alternance en m’y soustrayant. Ce qui n’est pas dans mon intention. Je suis solidaire de tout ce qui a été fait pendant les années où j’étais dans le pouvoir, en bien comme en mal. Et je l’assume puisque je pense que l’alternance n’est pas une mauvaise chose. En 2000, c’était une volonté populaire importante après 40 voire cinquante années de régime socialiste. Elle a essayé bon an  mal an de développer le Sénégal. Avec des réussites et des échecs. C’est surtout à partir de 2007, après la réélection du président de la République, véritablement, que les choses ont commencé à diverger et que le Sénégal a commencé à tanguer, de mon point de vue. En tant qu’ancien Premier ministre, j’ai senti les choses bouger après les élections de 2007. J’assume ma part dans l’action publique. Évidemment, je n’étais pas le chef de l’Etat. Étant Premier ministre, on a des responsabilités, mais des responsabilités limitées puisqu’en définitive, seul le président de la République est dépositaire de la confiance et du suffrage des Sénégalais. Et le responsable pour la définition de la politique de la nation. Tous les autres sont ses collaborateurs dans le cadre de l’exécutif. Évidemment il y a les autres pouvoirs. Lorsqu’on est Premier ministre, ministre, directeur général, on a une parcelle de pouvoir attribuée sur la base de la confiance. On a des responsabilités, et on doit être jugé par rapport à ces actions-là. Je suis prêt à répondre de toutes les actions que j’ai posées en tant que directeur général, ministre d’Etat et Premier ministre et président de l’Assemblée nationale.

Vous sentez-vous aussi responsable de la loi Ezzan ?
 
Je pense qu’il serait très réducteur de symboliser le mal par la seule loi Ezzan qui a été une loi d’amnistie que tout le monde ne partageait pas dans l’espace Pds. Je n’étais pas à l’aise dans ce sujet. Puisque si le régime n’avait rien à se reprocher, il n’avait pas l’obligation d’aller vers une amnistie par rapport aux assassins de l’ancien président du Conseil constitutionnel. C’était quelque part très gênant, mais il arrive parfois qu’on assume lorsqu’on est dans un cadre et que les positions on les défend à l’intérieur des structures auxquelles on appartient à l’intérieur des appareils. Si ces positions passent, c’est tant mieux. Si elles ne passent pas et qu’en fait, elles ne constituent pas un point de rupture majeur, en ce moment, on les assume solidairement. Si maintenant les contradictions sont telles qu’on ne peut pas les assumer, en ce moment, on quitte. On démissionne, et on fait autre chose. C’est ce que j’ai fait à partir du moment où les dérives ont amené certains à vassaliser l’Assemblée nationale, à mettre un Sénat créé dans des conditions discutables au-dessus de l’Assemblée nationale qui est la représentation nationale et qui symbolise la souveraineté du peuple sénégalais. À partir du moment où le régime, par des lois scélérates, a tenu à modifier la Constitution pour se débarrasser de quelqu’un qui était devenu gênant, je dis là il y avait rupture. C’est en toute liberté que j’ai quitté ce parti et ce régime, qui est encore au pouvoir, pour emprunter une voie nouvelle qui permettrait de formuler de nouvelles propositions à même de développer notre pays. Et de créer les conditions d’un développement solidaire, en faveur de nos compatriotes.

Êtes-vous convaincu que tout a commencé quand vous avez convoqué le fils du président de la République ?
 
Tout est parti de là, en termes chronologiques et en termes factuels. Mais tout n’est pas dans la simple convocation. Au-delà de cet argument qui a été brandi à l’époque, il y avait une volonté de se débarrasser de quelqu’un qui commençait à devenir gênant par rapport à un certain nombre de schémas qui étaient en perspective. Le prétexte a été la convocation de responsables de l’Anoci et d’autres structures de l’Etat à l’Assemblée nationale. Ça a été le prétexte pour la destitution du président de l’Assemblée nationale.

Ce schéma, vous l’avez identifié ?
 
C’est le schéma dont tout le monde parle et que tout le mode vit. À partir de ce moment, les choses sont devenues claires.

Allez-vous vous opposer à ce que Karim Wade succède à son père à la tête de l’Etat ?
 
Le problème ne se pose en ces termes. Le projet n’a pas été posé sur la table. Jusqu’à présent, il n’est pas posé sur la table. Le projet est rampant.

Il a dit qu’il est le meilleur financier du monde, qu’en pensez-vous ?
 
C’est un jugement qui n’engage que lui. Je ne peux pas lui refuser d’avoir une opinion sur quelqu’un. C’est sa liberté. Notre liberté à nous aussi est d’accepter cet argument ou de le récuser. C’est sa vision et sa volonté, mais ce n’est pas forcément celle de l’écrasante majorité des Sénégalais. Ils l’ont d’ailleurs démontré le 22 mars. Il est libre de dire ce qu’il a dit, je ne vais pas le répéter. Lorsque dans la pratique de tous les jours, un Etat pose des actes, ou lorsqu’un pouvoir entraîne un débat national voire international sur la nature de ses actes, il appartient à chacun, à l’intérieur comme à l’extérieur, de se déterminer. Parce que la succession n’est pas un concept acceptable dans une République ou une démocratie. Le concept de successeur ne peut être utilisé qu’en termes  chronologiques. Abdou Diouf a succédé à Senghor. Encore que là il y a la question de l’article 35 qui est gênante et inacceptable pour des démocrates. Ngalandou a succédé à Blaise Diagne. Senghor a succédé à Lamine Guèye au Palais Bourbon… Ce sont des faits chronologiques mais pas sous l’angle d’une dévolution. La République a tué cela avec la monarchie. En tant que Républicain, on ne saurait accepter l’utilisation du terme succession. Le pouvoir se transmet par le peuple à travers le suffrage universel. À travers des élections libres, démocratiques et transparentes. La souveraineté appartient au seul peuple. Elle n’appartient pas au chef de l’Etat ni à qui que ce soit. Elle appartient au peuple sénégalais. C’est à ce peuple de décider à qui il la confie. À qui il faut donner cette confiance.

N’avez-vous pas le sentiment que la famille du président occupe beaucoup d’espace au sein de l’Etat ?
 
Elle est envahissante. Je n’ai pas de pudeur à parler de ça, c’est un tempérament. Je ne veux pas être insolent, je ne veux pas être vindicatif. Mais j’ai mon vocabulaire. Ce qui est sûr c’est que je suis très ferme sur mes principes. Je peux avoir un langage policé, diplomatique ou ce que vous voulez, mais il est clair que de mon point de vue, la famille du président de la République doit avoir sa place dans la vie sociale du chef de l’Etat, même dans la vie politique et institutionnelle. Mais cette place ne doit pas être envahissante, débordante et gênante. Sans rancune aucune, les citoyens doivent pouvoir condamner des faits lorsqu’ils se posent avec gravité. C’est aujourd’hui le cas malheureusement dans ce que nous vivons au Sénégal.



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