Le président Wade vient de préciser les conditions dans lesquelles Idrissa Seck pourrait regagner le giron libéral. Quelle analyse faites-vous de cette sortie ?
Écoutez, je ne sais pas pour quelles raisons il dit que c’est le Comité directeur qui doit trancher le débat. Mais, de mon point de vue, le Comité directeur ne peut aller que dans le sens voulu par Me Abdoulaye Wade, en ce sens que les hommes et les femmes qui sont dans cette instance y sont par sa seule volonté. Toutefois, on peut espérer que les membres du Comité électoral puissent opérer une insurrection militante pour s’opposer de manière systématique au retour de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. De mon point de vue, le fait même d’envisager le retour de cet homme est une agression contre les populations sénégalaises. Parce qu’il ne faut pas que l’on oublie qu’après la présidentielle, le président de la République nous avait dit qu’Idrissa Seck avait détourné de l’argent. Entre-temps, nous n’avons pas vu la couleur de l’argent. Nous ne savons pas ce qui a été fait et sur quoi ils sont tombés d’accord pour qu’on veuille lui aménager un retour au Pds. Donc, à mon avis, aujourd’hui, le frère Secrétaire général national tout comme Idrissa Seck doivent donner aux Sénégalais des explications. Premièrement, sur l’origine de l’argent qui est à la base de leur brouille. Deuxièmement, le montant de cet argent. Combien Idrissa Seck avait pris ? Combien il a restitué, s’il a restitué ? Et, qu’est-ce qu’on doit faire de l’argent ? Je crois que les réponses à ces questions-là sont des préalables pour qu’on puisse envisager le retour d’Idrissa Seck. L’autre aspect, c’est qu’à mon avis, aujourd’hui, le Pds, tout comme Abdoulaye Wade, n’a pas besoin de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, en ce sens qu’Abdoulaye Wade vient d’être réélu, son parti dispose d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et ceci sans Idrissa Seck, surtout contre Idrissa Seck. C’est pourquoi je pense que, politiquement, il ne nous est d’aucune utilité. Son retour ne peut aussi rien apporter au Sénégal, en ce sens qu’on l’a expérimenté pendant quatre ans au cours desquels il a été Directeur de cabinet, donc premier collaborateur du président de la République, ensuite Premier ministre. Et au cours de ces quatre ans, je pense que tous les Sénégalais partagent mon avis, il n’a absolument rien fait pour notre pays.
Vous voulez dire qu’il n’a fait aucune réalisation…
Les deux seuls chantiers qu’il a laissés en héritage, c’est quoi ? C’est la réfection de la Maison militaire pour y loger la Primature, et c’était une façon pour lui de se rendre visible, et la construction de Thiès, et c’était une façon pour lui de se doter d’un fief politique. Donc, il n’a été d’aucun apport pour ce pays. À mon avis, aujourd’hui, il n’est même pas envisageable qu’il retourne au Parti démocratique sénégalais. Le dernier aspect sur lequel j’insiste, c’est que l’urgence, pour le parti et pour Abdoulaye Wade, c’est le retour du Pds et la fidélité du Pds par rapport à sa plate-forme politique fondatrice. C’est-à-dire abréger les souffrances du peuple sénégalais, donc créer les conditions de développement de notre pays, éradiquer la corruption, le népotisme, la concussion, les fautes de gestion, les détournements des deniers publics et des biens de la nation. Je crois que c’est vers ça que nous devons aller et non vers des combinaisons politiciennes qui ne pourront que nous conduire encore à des impasses.
Donc, comment expliquez-vous le fait que Me Wade veuille faire revenir Idrissa Seck auprès de lui ?
Personnellement, je ne sais pas quelle est la raison. Parce que lui-même il ne nous l’a pas expliquée. Le seul argument qu’il a avancé, c’est les retrouvailles de la famille libérale. Sur le principe, moi, je ne suis pas contre le fait qu’il y ait des retrouvailles de la famille libérale. Mais, des retrouvailles autour de quoi ? S’il s’agit de retrouvailles autour du Sénégal et de son développement, de mon point de vue, Idrissa Seck ne nous est d’aucune utilité. Par contre, il y a des gens qui étaient partis avec lui, qui, de mon point de vue, ont été bernés par lui-même, ces gens, je pense qu’on peut leur aménager leur retour. Mais, pour ce qui est de la personne d’Idrissa Seck, le président ne m’a pas encore convaincu de la pertinence de son retour au Pds. Je pense qu’il est important, aujourd’hui, que les militants du Pds et les responsables sortent de leurs coquilles et s’assument en tant que militants, c’est-à-dire prennent leurs responsabilités. Aujourd’hui, il est inadmissible que notre parti soit l’abri de voleurs, de gens qui pillent les biens de ce pays-là. Je crois que c’est un combat que nous devons mener. Et à mon avis, c’est le seul qui vaille. Tout le reste, c’est de la perte de temps.
Au cas où Idrissa Seck regagnerait le Pds, le débat sur la succession de Me Wade serait à nouveau relancé…
Vous savez, souvent, les gens disent qu’il ne faut pas parler de l’après-Wade. Mais, je crois que c’est faire fausse route. Et d’ailleurs, il y en a qui le disent pour mieux se préparer en catimini et s’emparer, le moment venu, du parti. Donc, pour moi, c’est une question de fond. Aujourd’hui, Abdoulaye Wade est d’un âge très avancé, je lui souhaite qu’il vive encore longtemps. Ensuite, il vient d’entamer un second mandat et je crois qu’il ne serait pas souhaitable, pour lui, qu’il soit encore en compétition en 2012. De mon point de vue, lui-même, il a intérêt à ce que son héritage soit préparé sur un double axe. D’abord, au niveau du Parti démocratique sénégalais, on doit travailler à ce que le parti soit plus uni. Mais, qu’il soit surtout fidèle à sa plate-forme fondatrice. C’est-à-dire, que le parti puisse se concentrer autour du Sénégal et de son développement. De plus, l’après-Wade doit se préparer, en laissant un Sénégal démocratique, mais surtout un Sénégal développé et uni. Je crois que les gens y pensent. De mon point de vue, penser l’après-Wade en termes de postes à occuper, c’est-à-dire le poste de Secrétaire général national du Pds ou bien de président de la République, c’est faire fausse route. Aujourd’hui, ce qu’il y a à faire, c’est de nous réunifier, mais surtout de nous concentrer autour du Sénégal. Car Idrissa Seck est un homme en crise, mais également un homme de crise. Cela veut dire que son retour va encore créer des tensions beaucoup plus vives dans le parti. Ça va encore rendre le profil du parti beaucoup plus hideux, en ce sens que nous allons continuer à faire apparaître nos querelles de positionnement. Ça va donc entraîner un autre débat, dans la mesure où, il y a déjà des schémas qui sont en train d’être mis en place autour de telle ou de telle personne. Tout cela est, de mon point de vue, un schéma faux. La question de fond, c’est qu’il y a des militants et des responsables qui sont fidèles à ce que j’appelle la plate-forme fondatrice du parti. Ces hommes et ces femmes doivent se retrouver et constituer un bloc dur pour protéger les vingt-six années du combat que nous avons mené lorsque nous étions dans l’opposition pour construire un Sénégal démocratique et glorieux.
Certains observateurs de la scène politique estiment que la nomination de Macky Sall au poste de président de l’Assemblée nationale entre dans un processus d’isolement de ce dernier. Partagez-vous cet avis ?
Écoutez, je ne peux pas penser à ça. Parce que Macky Sall a connu une promotion. Lorsqu’on l’a nommé président de l’Assemblée nationale, il était la deuxième personnalité de l’Etat. De mon point de vue, ce n’est pas une volonté de l’isoler. Parmi tous les Premier ministres de Me Wade, c’est lui qui a eu le meilleur sort, après son départ de la Primature. Mais, il y a certainement des gens qui sont dans le parti et qui le considèrent comme une cible qu’il faut éliminer pour pouvoir opérer une Opa sur le parti ou sur l’Etat. Moi, ce qui m’intéresse, ce n’est pas le sort des personnes. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le sort de notre pays, le sort de notre parti. Et je crois que le sort du Pds, ça doit être un sort collectif et non un sort individuel. En tout cas, j’invite les uns et les autres à se ressaisir, à savoir qu’un parti politique, c’est d’abord et surtout un instrument pour le développement d’un pays. Ce sont des hommes et des femmes qui, de manière bénévole, font tout pour essayer de trouver des solutions aux questions que se posent les populations. Et je crois que si nous nous inscrivons dans cette dynamique, il n’y aura pas beaucoup de dégâts en ce qui concerne les luttes de positionnement. Je crois également que nous devons méditer l’exemple de la Côte-d’Ivoire. Ce sont les querelles d’héritage qui ont conduit la Côte-d’Ivoire dans la situation où elle se trouve aujourd’hui. Les militants et responsables du Pds doivent aussi se rappeler que lorsque la famille de Houphouët-Boigny s’est querellée, non seulement ils ont perdu le pouvoir, mais pire, la Côte-d’Ivoire est installée dans une guerre fratricide qui l’a presque détruite. Je pense que nous devons méditer cet exemple-là. Nous devons faire tout pour éviter à notre pays un tel sort. Et éviter au Pds d’avoir le sort du Pdci/Rda.
Est-ce à dire que vous ne reconnaissez plus le Pds…
Nous tous, qui avons rejoint Abdoulaye Wade au cours de son chemin, nous l’avons fait, parce que nous avions estimé qu’il était le meilleur atout, pour non seulement débarrasser le Sénégal du Parti socialiste, mais également créer les conditions de développement de notre pays. Aujourd’hui, avec les comportements des uns et des autres, force est de reconnaître que nous sommes loin des raisons pour lesquelles nous avions milité dans ce parti. Sur le plan de son organisation et de son fonctionnement, il est clair que le Pds n’a plus les caractéristiques d’un parti politique. Les structures, aussi bien au niveau de la base, que les instances au niveau du sommet, ne fonctionnent plus. Les statuts ne sont plus respectés, tout comme le règlement intérieur. Je crois que tout cela fait que nous avons une masse informe, des instruments à applaudir ou bien à faire voter, et non un parti politique. Aujourd’hui, je ne reconnais plus le Pds. Et c’est parce que je ne le reconnais plus, que j’en appelle aux uns et aux autres à travailler pour le retour du parti à sa plate-forme fondatrice. C’est-à-dire s’occuper du Sénégal et de son développement.
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