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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Moustapha NIASS, Secrétaire Général de l'Afp :‘Je n’ai aucune société de pétrole au Sénégal’

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Moustapha NIASS, Secrétaire Général de l'Afp :‘Je n’ai aucune société de pétrole au Sénégal’

De retour de New York où il était en mission, le secrétaire général de l’Afp, Moustapha Niasse, a fait escale à Paris. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il soutient n’avoir aucune société de pétrole au Sénégal, contrairement à ce que pensent beaucoup de Sénégalais. Dans le même entretien, il est revenu sur l’attribution du prix Houphouët Boigny au président Wade, sur la question de la liste et de la candidature uniques de l’opposition aux prochaines élections. Il a aussi évoqué la fouille corporelle dont le président Abdou Diouf a été victime au Canada, la crise aux Ics et à la Senelec.

Wal Fadjri : Commençons par ce qui pourrait être la fin de l'entretien, à savoir la crise qui affecte les fleurons de l'industrie sénégalaise. D'abord, le cas de la Société nationale de raffinage (Sar) que vous connaissez très bien. Les autorités sénégalaises expliquent les coupures d’électricité par une rupture d’approvisionnement en pétrole. Vous qui êtes du secteur, comment l’analysez-vous ?

Moustapha Niasse : Il faut rétablir les vérités. La première, c’est que le problème fondamental de la Senelec, est qu’une entreprise qui a vocation de produire de l’énergie, l’électricité en particulier, ne peut fonctionner que si elle dispose de la matière première qui est le fuel. La Senelec n’en a pas suffisamment pour fonctionner. La question est dès lors pourquoi n’en a-t-elle pas suffisamment ? L’Etat sénégalais doit 36 milliards de francs Cfa à la société de raffinage. Quand on doit un tel montant, même si des avances ont été faites, 6 ou 7 milliards, on ne peut pas s’endetter tant qu’on ne s’est pas libéré de cette dette vis-à-vis de la société de raffinage qui a besoin d’acheter du pétrole brut, qui met les charges qu’il faut pour transformer ce pétrole brut en produits finis. C’est le premier handicap. La Sar, elle-même, au moment où ces délestages ont atteint leur paroxysme, devait 14 milliards de francs Cfa à la société française Total qui contrôle, comme actionnaire individuel, 40 à 51 % des actions de la Sar. Le gouvernement sénégalais n’a que 10 % dans le capital de la Sar. Alors, comment le gouvernement peut-il menacer la Sar ?, comme certains le prétendent. De quel pouvoir l’Etat dispose-t-il pour menacer la Sar qui est une société privée ? Le dernier bateau qui vient d’arriver à Dakar, il y a un mois et demi, avec 800 mille barils de pétrole brut nigérian n’a pu venir que parce que Total a fait l’effort de produire une lettre de crédit. Où était le trésor sénégalais en ce moment là ? Puisque les dettes de l’Etat vis-à-vis de la Sar ne sont pas payées et la Senelec n’est pas capable elle-même de rembourser les dettes qu’elle a vis-à-vis des pétroliers dont je ne fais pas partie… Je ne m’occupe pas de pétrole au Sénégal. Je n’ai aucune société au Sénégal qui s’occupe du pétrole. Qui en vend ou qui en achète. Je travaille dans l’international de la manière la plus légale et la plus régulière. Je ne m’intéresse pas de l’approvisionnement du pétrole au Sénégal.

Wal Fadjri : Pourtant, les gens pensent que vous vous en occupez…

Moustapha Niasse : Ils le pensent, mais ils se trompent. Je m’occupe de l’énergie et d’autres matières sur le plan international. Je suis administrateur de plusieurs sociétés sur le plan international qui s’occupent non seulement de pétrole, mais aussi d’autres activités depuis 1984. Je ne m’occupe pas de pétrole au Sénégal ni pour en importer, ni pour en exporter, ni pour en vendre. Ni directement ni indirectement. Je suis formel. J’ai été actionnaire de la société Oryx Sénégal qui avait eu des problèmes avec le gouvernement sénégalais. Mais pendant vingt ans, je n’ai pas touché un dollar de dividende de cette société. J’avais une petite participation de 4 % que j’ai réduite à 2 %. Je ne m’occupe pas de cela. C’est pourquoi quand le problème a surgi, j’ai vite dit que si c’est à cause de cela que les gens veulent créer des problèmes à cette société, ils perdaient leur temps. Si l’Oryx a un dossier avec le gouvernement sénégalais, c’est à Oryx de s’en occuper. Cela ne m’intéresse pas et ne me regarde pas. Je travaille à un autre niveau et ailleurs.

Wal Fadjri : Au-delà de l’approvisionnement, est-ce que ce n’est pas plutôt la vétusté des équipements de la Senelec qui est en cause ?

Moustapha Niasse : Il y a cela. Mais il y a aussi que la Senelec, depuis quelque temps, a eu l’idée, incompréhensible, d’être une société qui vend du fuel. Elle n’en a pas en quantité suffisante pour fonctionner et elle se trouve une vocation nouvelle de vendeur de fuel. Voilà un autre problème. Sans compter les autres dont je ne veux pas parler.

Wal Fadjri : D’ailleurs, le chef de l'Etat disait que le Sénégal pourrait exporter du pétrole même s'il n’en produisait pas...

Moustapha Niasse : J’ai lu ce que le président a dit. Il a ajouté que le Sénégal va stocker du pétrole brut pour le revendre. Le pétrole est une variété qui obéit à données techniques qui font qu’il y a plusieurs variétés de pétrole. Tout dépend de la nature géologique des gisements. Ce sont des formations géologiques qui sont faites il y a cinquante millions d’années, soixante quinze millions d’années, cent millions d’années, cent cinquante millions d’années. Le Sénégal ne produisant pas de pétrole, peut, s’il veut prendre des risques, importer du pétrole, puis le réexporter. Ce sera un autre échec comme nous l’avons noté dans d’autres matières et dans d’autres initiatives du gouvernement de Me Wade. Mais en terme d’analyse économique, importer du pétrole brut d’un pays producteur au Sénégal pour le réexporter entraînerait des coûts tels que la structure des prix rendrait impossible toute opération de cette nature parce que le baril de pétrole que le Sénégal va réexporter, coûtera plus cher que le baril de pétrole que le client achèterait directement chez le producteur. C’est donc illogique. Cela relève encore des effets d’annonce que recherchent si plaisamment, si complaisamment le président Wade et son gouvernement.

Wal Fadjri : Selon des informations parues dans la presse, il existerait dix-huit à dix-neuf points sur le territoire sénégalais qui regorgeraient de pétrole. L’espoir n'est-il pas permis ?

Moustapha Niasse : C’est totalement possible. Peut-être qu’il y en a plus. Mais la réalité est que, seulement 20 % des gisements qui existent dans le monde, sont connus et portés à la connaissance du public. Les 80 % sont connus, mais ne sont pas portés, pour le moment, à la connaissance du public. Ils ne sont même pas portés à la connaissance des gouvernements des pays où ces gisements existent. Je ne veux pas aller très loin dans ce domaine, parce qu’il est très compliqué. Ce qui est sûr, c’est qu'il existe certainement plus que les dix-huit points regorgeant de pétrole sur le territoire national, mais le président Wade et son gouvernement, comme tout autre gouvernement qui serait à sa place, ne pourront pas accéder à l’information technique avant qu’il n'en soit décidé là où cela doit être fait. Ce qui est sûr, c’est qu’il est prouvé que nous avons du pétrole au large du Cap-Roxo, dans la zone maritime sénégalo-bissau-guinéenne. Des indices de pétrole ont été trouvés à Diamniadio. En 1966, 1967 et 1968, du pétrole brut a été extrait de Diamniadio et raffiné à la Sar. Dans la zone du Gadiaga, dans le département de Thiès, il y a du gaz et des indices de pétrole. Il y en a aussi au large de Lompoul en off shore et en on shore entre Louga et Lompoul. Il y en a certainement ailleurs. Mais je ne veux pas faire partie de ceux-là qui veulent faire rêver les Sénégalais. Même si nous avions des gisements de pétrole en milliards de barils exportables par jour, si nous ne nous mettons pas au travail, si les dirigeants sénégalais préfèrent la mythomanie et le mensonge plutôt que de faire travailler les Sénégalais maintenant alors que le pétrole n’est pas encore sorti, nous resterons toujours enlisés au fond du marigot. Je ne veux pas faire partie de cette catégorie de dirigeants politiques.

Wal Fadjri : L’autre fleuron de l’industrie sénégalaise, c'est les Ics. Comment expliquez-vous que les Industries chimiques du Sénégal soient au bord de la faillite ?

Moustapha Niasse : Elle aurait pu être évitée. C’est un problème de gouvernance et de bonne gestion. Les Ics étaient l’un des éléments de notre tissu industriel les plus performants. Qu’est-ce qui s’est passé ? Nous saurons certainement plus tard, dans les détails, les origines du mal et les modes de déroulement de la destruction des Ics. Voilà une usine qui a deux mille cinq cents employés de toutes catégories et de tout niveau. Tout est à l’arrêt. Je vois beaucoup d’éléments dans les controverses, à travers la presse, entre la société Offnor de M. Godar, les cadres de l’administration des Ics, l’administration sénégalaise, les dirigeants sénégalais. Laissons le problème tel qu’il est et réfléchissons aux moyens les plus rapides pour faire renaître l’activité industrielle au niveau des Ics. Nous avons une mine de phosphate à Tobène et à Mboro qui est l’une des plus riches en phosphate au monde. Le phosphate se trouve à moins de quarante mètres. Ce phosphate restera là pour les générations à venir. Il faut que les Ics reprennent rapidement ses activités pour que l’on puisse exploiter cette manne que Dieu nous a donnée.

Wal Fadjri : Revenons à l'actualité brûlante. Le président de la République vient de recevoir le prix Houphouët Boigny pour la paix. Les Sénégalais sont partagés. Certains contestent, d’autres approuvent. Où vous situez-vous ?

Moustapha Niasse : Du point de vue tout à fait objectif, ce prix ne devrait pas être attribué au président Abdoulaye Wade. Les critères de base, qui avaient été élaborés au moment où feu le président Houphouët Boigny concevait ce prix, n’ont rien à avoir avec ce qui s’est passé à l’Unesco. Je le dis avec la sincérité requise et Dieu m'est témoin. Le régime politique sénégalais est un régime qui jure, de manière totale, dans les actes qu’il pose et dans l’image du Sénégal qu’il projette à l’intérieur comme à l’extérieur, avec les principes qui avaient conduit feu le président Houphouët Boigny à créer ce prix. Il faut rappeler qu’il avait décidé à l’époque, sachant qu’il était vers la fin de sa vie et de son imperium politique, de confier la pérennité de ce prix au président Henri Konan Bédié qui n’était pas encore chef de l’Etat, mais président de l’Assemblée nationale, et comme parrain du prix au président Abdou Diouf qui était chef de l’Etat du Sénégal. Abdoulaye Bathily a eu raison de dire, parce que j’ai lu son interview depuis les Nations Unies à New York où je me trouvais, que soit le jury a été abusé. Soit de bonne foi, il a pensé que l’argumentaire produit correspondait à la réalité. Je dis donc, en toute modestie, que ce prix ne devait pas être attribué au président Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : D'autres s’appuient sur son intervention dans certains conflits, comme en Côte d'Ivoire, à Madagascar et en Guinée-Bissau, la paix en Casamance pour dire qu’il mérite ce prix. N'est-ce pas plus objectif comme critère ?

Moustapha Niasse : Je ne parlerai que de la Casamance. Aucun progrès sérieux, palpable, appréciable, n’a été noté dans le traitement par le gouvernement sénégalais du dossier de la crise casamançaise. Ce qui n’enlève aucun mérite aux parties, c’est-à-dire au Mfdc qui a fourni l’effort d’accepter le principe des négociations - ce qu’il faut saluer comme comportement, comme attitude - et au gouvernement qui a accepté d’initier au moins une démarche par étape qui devait conduire, pas après pas, à la paix. Je dis bien qu’aucun progrès sensible et notable n’a été réalisé dans cette démarche. Le 30 décembre 2004, lorsqu’à Ziguinchor, a été signé ce que les autorités sénégalaises ont appelé l’accord de paix sur la Casamance, j’avais indiqué qu’on ne devait pas confondre accord de paix et accord de cessez-le-feu. L’accord de cessez-le-feu est un accord pour la paix, alors que l’accord de paix scelle définitivement un processus de négociation. Une fois cet accord de paix signé, il n’y a plus de négociation. On s’attache à appliquer les dispositions de l’accord de paix sur le terrain. A l’époque, les commentaires de certains, favorables au régime, avaient dit que c’étaient des paroles d’opposant. La Casamance ne peut donc pas être une référence pour justifier ou expliquer l’attribution de ce prix au président Wade. Le conflit en Guinée-Bissau a été réglé, pour le moment, par la communauté internationale, c’est-à-dire les Nations-Unies, l’Union africaine, avec le soutien de l’Union européenne et de la Cedeao. Ce n’est donc pas un individu, mais ce sont des équipes qui constituent la base, le soubassement des initiatives de la communauté internationale, qui ont aidé la Guinée-Bissau à retrouver la paix pour organiser des élections. Il en est de même du problème de la Côte d’Ivoire. Le problème ivoirien n’est pas encore réglé. C’est la résolution 3336 du Conseil de sécurité qui a décidé d’installer à Abidjan l’Onuci avec l’accord des autorités gouvernementales et ce qu’on appelle les rebelles. J’étais en Côte d’Ivoire il y a trois à quatre semaines ; le dossier avance, mais le problème n’est pas encore réglé. Nous souhaitons qu’il le soit rapidement parce qu’une crise en Côte d’Ivoire a des effets dans l’ensemble des Etats de la sous-région.

Wal Fadjri : Pourtant, lors de la cérémonie de remise du prix, même le président Diouf a souligné que le président Wade le méritait. Il a même cité l’intervention du chef de l’Etat, alors opposant, dans le conflit de l’ex-Zaïre…

Moustapha Niasse : Je ne vais pas trop argumenter parce que cela risque de personnaliser la question. Le président Diouf a pris ses responsabilités en disant ce qu’il a dit. Je lui en reconnais la liberté et le droit. Je ne peux pas me permettre de commenter ce que le président Diouf a dit d’autant que pour le moment je l’ignore, puisque j’étais au Etats-Unis et non à Paris. Pour la République démocratique du Congo, si le président Wade avait réglé le problème alors que Mobutu vivait encore et était président du Zaïre, qui avait un Premier ministre et un gouvernement, le 2 août 1998, il n’aurait pas été déclenché sur la presque totalité du territoire congolais une guerre qui a duré quarante-huit mois, soit quatre années, avec quatre millions et demi de victimes. (…). Il a fallu que la communauté internationale se mobilise et que l’on démarre les négociations à Sun City pendant six mois. Après quoi, on est allé à une impasse. Et j’ai été désigné comme envoyé spécial du Conseil de sécurité. J’ai passé dix-neuf mois sur le terrain jusqu’à ce qu’on aille aux accords de Pretoria du 17 décembre 2002. Si le président de la République avait réglé le problème du Congo, est-ce qu’il y aurait eu tout cela ? Aujourd’hui, les Nations Unies dépensent l’équivalent d’un milliard de francs Cfa par mois. Nous allons au mois de juillet aux élections générales qui vont définitivement installer de nouvelles institutions de la République démocratique du Congo, conformément aux accords de Pretoria du 17 décembre 2002. Vous voyez que la réalité des faits, conformément à l’histoire telle qu’elle a existé, n’a rien à voir avec un règlement du conflit de la Rdc par M. Abdoulaye Wade. Je suis désolé, mais ce n’est là que la vérité historique.

Wal Fadjri : Le président Diouf disait, en substance, que si les solutions préconisées par le président Wade avaient été appliquées, la guerre n’aurait pas eu lieu…

Moustapha Niasse : Je ne veux pas revenir sur ce débat. Ce que je sais, c’est qu’on m’a confié un dossier. J’étais à la tête d’une équipe de dix-neuf à vingt-deux diplomates internationaux choisis par les Nations-Unies. J’étais l’envoyé spécial chargé de coordonner tout cela. Ce qui est sûr, c’est que le problème congolais a été réglé par les Nations-Unies et par l’Union africaine et non par qui que ce soit d’autre.

Wal Fadjri : Pour mériter un tel prix, faut-il avoir résolu un conflit ou faut-il avoir pris des initiatives dans ce sens ?

Moustapha Niasse : Si on retourne aux travaux premiers de réflexion, d’analyse et de contact, qui ont conduit le président Houphouët Boigny à instituer ce prix, on se rappelle tout de suite qu’il s’agissait d’encourager les initiatives de paix, mais de manière permanente, en situation de conflit ou sans que n’interviennent des situations de conflit. Il s’agissait, et il s’agit toujours, concernant ce prix, d’identifier des hommes d’Etat, pas nécessairement des dirigeants, des écrivains, des chercheurs, des hommes de sciences, qui contribuent - et le verbe est extrêmement important - au maintien de la paix et du principe de la paix entre les nations et pour le respect des aspirations des peuples à disposer d’eux-mêmes et à vivre en paix entre eux-mêmes. Voilà le fondement. Il n’y pas de critères liés à des conflits que l’on contribue à faire éteindre. Et si vous regardez la liste de tous ceux qui ont eu ce prix, combien d’entre eux ont éteint des conflits quelque part ? Le prix n’est donc pas exclusivement consacré à ceux qui participent au règlement et à la résolution des conflits, mais à toutes les femmes et à tous les hommes de par le monde, quelles que soient leurs origines et leurs nationalités, qui ont apporté, de manière concrète et réelle, une contribution de qualité et de poids pour que le monde soit un monde de paix. Voilà l’explication philosophique fondamentale des origines de ce prix.

Wal Fadjri : Le président de la République n’entre-t-il pas dans ce schéma-là ?

Moustapha Niasse : Je dois éviter de personnaliser ce problème. J’ai reçu une lettre du directeur général de l’Unesco qui m’invitait à venir participer à cette cérémonie. Il soulignait dans cette lettre que c’est à la demande du président Wade qu’il me l’envoyait. Certains de mes collègues de l’Assemblée nationale, leaders de partis politiques, ont reçu la même lettre. Si je n’avais pas été retenu à New York pour préparer la tenue à Dakar, les 28, 29 et 30 mai, de la troisième session du groupe de haut niveau de l’Alliance des civilisations que coordonne mon ami Koffi Annan (secrétaire général des Nations Unies, Ndlr) jusqu’au lundi nuit, je serais venu à Paris, mais je ne serais pas allé à la cérémonie, je serais avec les manifestants, les patriotes sénégalais et autres africains qui manifestaient contre l’attribution de ce prix. Nous avons envoyé la présidente nationale des femmes de l’Afp, Mme Mata Sy Diallo, lorsqu’il s'est avéré que je ne pourrais pas quitté New-York avant la nuit de mardi. Encore une fois, j’évite de personnaliser le problème. Je considère que l’attribution de ce prix au président Wade n’aurait pas dû se faire.

Wal Fadjri : Une partie de la presse sénégalaise a annoncé que c’est le président Diouf qui vous a dissuadé de manifester…

Moustapha Niasse : Je suis très désolé. Je n’ai eu aucun contact avec le président Abdou Diouf. Personne ne m’a dissuadé. J’étais en mission aux Nations-Unies à New York pour préparer une réunion à l’ouverture de laquelle va prendre part d’ailleurs le président Wade, le dimanche 28 mai. Il avait été décidé de tenir la réunion du High level Group, après la session de Palma de Majorca, en Espagne, et avant la session de Doah, prévue en début mars. La dernière session aura lieu à Ankara en Turquie. C’est moi, membre du High Level Group, qui ai entre mes mains la préparation de cette réunion que le Sénégal accueille. C’est pourquoi, j’étais à New York. Je n’ai donc aucun contact avec le président Diouf. De toute manière, avec ou sans le contact avec Diouf ou un autre, je n’ai pas à subir d’influence. J’étais pris par mes responsabilités professionnelles internationales. Je n’ai fini les travaux avec le Conseil de sécurité que mardi nuit. Je ne suis arrivé à Paris que mercredi à 8 h du matin.

Wal Fadjri : Parlons de l’actualité politique au Sénégal. Le procès d'Amath Dansokho s'est déroulé vendredi, et le jugement a été mis en délibéré jusqu'au 20 juin prochain. Quelle lecture en faites-vous ?

Moustapha Niasse : Ce sont des actes que pose l’Etat sénégalais et qui consistent pour l’essentiel à harceler les patriotes sénégalais, qu'ils soient hommes politiques ou pas. Car passent devant les tribunaux correctionnels, aujourd’hui, non seulement des hommes politiques, mais aussi des journalistes. Si l’on dresse des statistiques, je pense qu’il y a plus de journalistes que d’hommes politiques qui passent devant les tribunaux. Tout cela est antidémocratique. C’est la lecture que je fais de ces actes que pose le pouvoir politique. Il y avait douze avocats de la défense au procès d'Amath Dansokho. Deux sont spécialement venus de Côte d’Ivoire pour prendre la défense du droit et de la loi devant le tribunal. Et les faits qui ont été rappelés, démontrés, argumentés documents à l’appui par les avocats de la défense, sont incontestables. C’est la raison pour laquelle il faut situer ce procès dans le cadre habituel où se meuvent actuellement tous les patriotes sénégalais qui considèrent que le régime est un régime de dictature, un régime autocratique. Ce qui justifie les efforts que nous faisons et la détermination qui nous anime pour mettre fin à ce régime par la voie des urnes. Et s’il plaît à Dieu, nous y parviendrons.

Wal Fadjri : Vous parlez d’élections, il se susurre que le second tour de la présidentielle opposerait quatre candidats…

Moustapha Niasse : Tout est possible au Sénégal. Qu’est-ce que cela veut dire un deuxième tour avec quatre candidats ? C’est vous qui me l’apprenez. Ce sont les hommes qui font les lois et les appliquent. Mais dans le monde, sur les cinq continents, la pratique à laquelle les citoyens électeurs sont habitués, c’est les deux premiers sortis du premier tour qui se font face-à-face au deuxième tour. Alors, le Sénégal aura, si jamais il décide de faire cela, innové dans le vaste champ de l’antidémocratisme, en créant de manière exclusive un deuxième tour avec quatre candidats. On va encore figurer au Guinness où nous sommes déjà présent sur plusieurs chapitres. Et ce serait bien dommage.

Wal Fadjri : D’après des sondages officieux, votre parti est relégué à la troisième, voire quatrième place. Quel est le poids de l’Afp ?

Moustapha Niasse : Je ne connais pas le poids de l’Afp. Je ne connais pas non plus celui des autres partis politiques. On ne peut pas imaginer, ‘virtualiser’ le poids d’un parti politique. Ce que je sais, c’est que l’Afp est un parti solide qui fonctionne selon des principes objectifs qui ne sont pas liés aux contingences, mais qui ont une permanence dans leur densité et leur réalité. Nous avons créé un parti pour poursuivre un idéal. Un idéal de démocratie et de protection de libertés individuelles et collectives. Le parti n’est pas un organe physique que l’on pèse en fonction des circonstances. Quant à la troisième ou quatrième place auxquelles les sondages nous mettent, cela ne peut pas nous concerner au point de nous déstabiliser. Même si on nous mettait premier, cela ne changerait ni le rythme du travail que nous faisons pour réaliser l’idéal vers lequel nous nous orientons. Ce que je peux vous dire, c’est que l’Afp fonctionne correctement. Elle n’admet ni les chantages, ni les acrimonies, ni les menaces, ni autre chose. Nous menons notre marche tranquillement vers les objectifs que nous visons. Et rien ne peut nous en détourner et rien ne peut nous émouvoir. Cela dit, ne pensez-vous pas que l’acuité, l’intensité, la complexité et la densité des problèmes auxquels aujourd’hui les Sénégalais font face, ne devraient pas nous amener à raisonner non pas dans le cadre de carcan de parti, mais plutôt comme Sénégalais avec grand S. Nous allons poursuivre nos démarches dans l’Afp. Nous avons une démarche de construction structurée d’une pensée qui va aboutir à l’action tous les jours. Nous nous élevons au-dessus des partis, y compris du nôtre, pour avoir une vision globale, communautaire des priorités sénégalaises pour les régler avec tous les patriotes qui partagent le même idéal que nous. Nous sommes dans un parti que nous développons, qui évolue, qui avance positivement. Mais nous ne nous cantonnons pas seulement dans ce cadre-là. Nous nous élevons au-dessus. Aujourd’hui, le Sénégal a trois priorités essentielles. Dans le contexte actuel, ce que nous devons régler, c’est la question du rapport du Sénégal d’aujourd’hui avec l’extériorité. C’est-à-dire l’image que notre pays affiche à l’extérieur telle qu’elle est conçue et comprise à l’extérieur qui n’a rien à voir avec ce que la Rts nous diffuse tous les soirs ou ce que le président Wade et ses amis disent ici à Paris et ailleurs. La deuxième priorité, c’est qu’il faut réhabiliter l’Etat. Aujourd’hui, le Sénégalais moyen a de l’Etat une perception et une vision qui sont totalement déformées parce qu’il n’y a plus d’Etat. Les actes posés ne sont pas des actes publics à contenus étatiques qui concernent l’essentiel, les Sénégalais et leurs besoins. La troisième priorité, c’est la réhabilitation des équilibres. Le Sénégal a besoin que soient réhabilités les équilibres qui ont toujours fait la force du pays, dont le premier est la solidarité. Le second, c’est le respect de l’individu et de la personne humaine. Le troisième, c’est l’éthique, la morale républicaine et l’esthétique du comportement de l’homme public. Quand vous retournez à ces priorités-là, vous oubliez presque les partis qui existent et au sein desquels il faut évoluer. Il faut s’élever au-dessus des partis. Chacun a droit à appartenir à un parti. Mais combien de millions de Sénégalais n’appartiennent-ils pas à aucune formation politique ? C’est la raison pour laquelle il faut évoluer dans les partis politiques pour ceux qui ont opté pour cela. Mais ils doivent se souvenir que ceux qui ne militent pas, sont plus nombreux. C’est cela notre démarche.

Wal Fadjri : Votre porte-parole, Me Abdoulaye Babou, a reproché à l’Afp et à vous-même, dans une émission radiophonique, de manquer de démocratie interne. Qu’en est-il ?

Moustapha Niasse : Depuis que Dieu m’a mis dans l’espace politique, je me suis doté de principes et de références vis-à-vis de la morale. L’homme public, c’est celui qui appartient à l’opinion publique et au public. Comme on le dit en wolof, ‘Mbuur bul bagne koula song, waye bagnal ku la danel’. L’initiative d’attaquer un individu relève de celui qui attaque, mais selon la qualité, le niveau de l’individu attaqué, selon les normes qu’il convient comme référence dans le comportement quotidien, selon la conception qu’il se fait de l’éthique et de la vie de l’homme public. Celui-là qui est attaqué peut décider de ne pas répondre. Je n’entre jamais dans ce genre de débat. Un militant du parti a eu un comportement vis-à-vis du parti. Le parti a pris la sanction qui convenait. Je m’en arrête là. Ce problème ne peut pas être un problème personnel à Moustapha Niasse. Depuis que je suis sur le terrain politique et dans l’engagement politique, j’ai rencontré toutes formes d’adversité. Ce qui ne m’a jamais empêcher de poursuivre mon chemin, de fermer les yeux, les oreilles et de continuer pour aller vers l’essentiel qui est de servir mon pays. Je ne personnalise jamais les problèmes. L’Afp fonctionne de manière transparente. Je n’entrerai jamais dans un débat de cette nature-là parce que j’aurais renié l’ensemble de mes convictions. Je me serais totalement dépouillé de l’habit d’homme public dont je me suis vêtu et qui est fait de morale, de respect d’autrui, de générosité et disponibilité, de transparence. C’est important. Je respecte tous les militants de l’Afp, tous les Sénégalais. C’est pourquoi je n’entre jamais dans ce genre de querelles.

Wal Fadjri : Au niveau de la Cpa, vous avez opté pour la liste unique aux législatives. Où en êtes-vous avec les modalités de sa mise en œuvre ?

Moustapha Niasse : Nous avons atteint un niveau d’avancement qui rend cette démarche totalement irréversible. Les partis, avec l’Afp, considèrent que le concept de liste unique qui a été maturé après de longues discussions, après une réflexion en immersion de longue durée, ne peut être détruit par ce pouvoir en place. Nous allons vers la liste unique pour les législatives. Nous en avons pris la décision de principe. Nous avons ficelé un programme alternatif de gouvernement. Nous allons en faire la restitution dans les semaines qui viennent pour l’expliquer aux populations dans les onze régions et les trois cent vingt communautés rurales de notre pays. Si cette liste unique est présentée à des élections libres, démocratiques, régulières et transparentes, sans combines et sans combinaisons, elle va gagner les élections législatives. Notre option est irréversible.

Wal Fadjri : Les élections seront couplées en février 2007. Vous avez adopté la liste unique pour les législatives. Mais pour la présidentielle, n'y aura-t-il pas dispersion des candidatures ?

Moustapha Niasse : Je ne pense pais qu’il y ait un risque de dispersion pour la présidentielle. Mais, sur les deux éléments du binôme, nous avons voulu d’abord régler le premier : celui des élections législatives. J’ai beaucoup d’optimisme sur le fait que, le moment venu, nous trouverons une candidature unique pour l'élection présidentielle. Pour le moment, nous n’en discutons pas parce que nous pensons que ce n’est pas prioritaire. La priorité, c'est de régler d’abord les mécanismes qui doivent nous permettre d’élaborer une liste unique pour les législatives sur des bases justes, correctes, concertées et efficaces. Je suis sûr qu’une fois cela fait, nous règlerons la question du deuxième élément du binôme, à savoir la candidature unique pour l'élection présidentielle. Il faut éviter d’anticiper, puisque la volonté qui nous anime, est tellement forte qu’il n’y a pas risque, à mon avis, de voir cette situation évoluer négativement au point qu’il y ait quatre ou cinq candidats de l’opposition face au président Wade, s’il décide de se représenter en 2007.

Wal Fadjri : Mais on est à dix mois des élections. N’est-ce pas le moment de dire clairement ce que vous allez faire pour l'élection présidentielle ?

Moustapha Niasse : Je suis sûr qu’il n’y aura pas beaucoup à attendre encore pour qu’il soit ainsi. J’ai espoir que, dans les semaines qui viennent, dans les mois qui viennent, et suffisamment à temps par rapport à l’échéance de février 2007, nous aurons réglé cette question de candidature unique. Je ne dis pas ce problème parce que ce n’en est pas un. Tout au moins en ce qui concerne la Cpa.

Wal Fadjri : Au Sénégal, se forme un autre pôle qui sera, peut-être, dirigé par l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. La Cpa pourra-t-elle se retrouver avec ce pôle dans le cadre des élections ?

Moustapha Niasse : Il serait plus sage que ce pôle soit créé, qu’il se consolide pour réfléchir afin de trouver des éléments de réponse à votre question. Ce que je peux dire, par contre, c’est que la Cpa est une coalition qui s’est constituée longuement, patiemment, au cours d’une démarche qui a duré entre deux et cinq ans. Aujourd’hui, elle regroupe vingt formations politiques. Notre logique est une logique de combat pour aller au vrai changement aussi institutionnel que dans le comportement des Sénégalais, avec un programme alternatif qui prend en charge ce que le gouvernement du président Wade et le président Wade lui-même n’ont pas pu réaliser. C’est cela la Cpa. Si demain, nous nous trouvons devant des partenaires qui veulent discuter avec la Cpa, elle est ouverte. Quant aux décisions qui vont être prises, quant aux conclusions, aux accords auxquels on aboutira, il serait prématuré, maintenant, d'en parler. Attendons que ce pôle-là existe.

Wal Fadjri : En attendant, la plupart des partis de l’opposition dénoncent le processus électoral. Quelles solutions de rechange avez-vous pour améliorer les inscriptions sur les listes électorales ?

Moustapha Niasse : Il n’y a pas nécessité d’avoir des solutions de rechange. Ce que nous demandons aux autorités sénégalaises, notamment au ministre de l’Intérieur, chargé de l’organisation des élections, et au président de la République en personne, c’est de respecter la loi et les dispositions du Code électoral telles qu’elles existent actuellement. Nous ne demandons pas plus. Ce qui, évidemment, indique et implique à la fois que les inscriptions sur les listes électorales soient régulières. Ce qui n’est pas le cas. Que les moyens nécessaires soient débloqués et mis en œuvre pour que la Cena fonctionne correctement. Que les Sénégalais de l’extérieur soient inscrits à temps. L’on me dit ici à Paris que la Commission de la Cena est arrivée depuis plusieurs jours. Interrogés, ses membres, qui sont là pour travailler, n’ont pas les moyens. Alors qu’est-ce qu’ils font ici ? Est-ce que cela ne cacherait pas un système clandestin, sous la table, d’opérations d’inscription sur les listes électorales des Sénégalais de l’extérieur qui auraient commencé à Paris et ailleurs, la nuit ou à l’aube, sans que cela soit su ? Le respect des dispositions du Code électoral implique aussi que rien ne soit fait au Sénégal et en dehors du pays pour bloquer l’inscription d’électeurs qui jouissent de tous leurs droits civiques. Ce qui a malheureusement commencé au Sénégal. Moi, qui vous parle, ne suis pas encore inscrit alors que je suis allé deux à trois fois dans ma circonscription électorale. Mais il n’y avait pas de commission, ou alors la commission travaille par intermittence. J’espère, quand je vais retourner à Dakar la semaine prochaine, pouvoir enfin m’inscrire. Si je n’arrive pas, je vous téléphonerai pour vous le dire. Ensuite, l’opacité quasi totale avec laquelle est géré le processus électoral au niveau du ministère de l’Intérieur est à dénoncer. Nous demandons seulement que les engagements pris au niveau du ministre de l’Intérieur et du président de la République soient observés. Pour le moment, il n’en est rien. Le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, a dit, le 3 ou 4 mai dernier, que déjà trois millions de Sénégalais sont inscrits. Nous lui posons la question : Comment et où ? Des milliers et des milliers de Sénégalais attendent d’être inscrits. J’ai lu, hier (vendredi, Ndlr) dans les articles de presse sénégalaise que pour ces trois millions d’inscrits, il n’y a que deux mille cartes d’électeur émises. Est-ce que ceci ne semble pas cacher quelque chose ?

Wal Fadjri : La situation préélectorale est tendue. Le président de la République a lancé un appel au dialogue. Vous avez répondu positivement. Qu’est-ce qui bloque le retour au dialogue ?

Moustapha Niasse : Nous avons répondu positivement parce que nous sommes des hommes de paix, des républicains, des citoyens. Mais c’est un oui réservé. Il ne peut pas y avoir de dialogue politique lorsque certains des acteurs, leaders politiques, sont traduits devant les tribunaux pour des propos qu’ils tiennent au nom du principe de la liberté d’expression inscrit dans la Constitution. Il ne peut pas y avoir de dialogue si le processus électoral qui devrait figurer au fronton des points de l’ordre de jour de ce dialogue, est géré tel qu’il est dans l’opacité la plus totale. Il ne peut pas y avoir de dialogue républicain lorsque la campagne arachidière de l’année 2005-2006 se trouve marquée par les difficultés que nous avons citées, expliquées, explicitées, exposées les unes après les autres. Il ne peut y avoir de dialogue politique lorsque les problèmes des universités de Dakar et de Saint-Louis restent en suspens et ne sont pas réglés. Il ne peut pas y avoir de dialogue politique entre nous le pouvoir, le président Wade en personne, alors que la jeunesse sénégalaise connaît les affres qu’elle affronte tous les jours : le chômage, les privations, les frustrations, la perte des repères. L’horizon est sombre pour la jeunesse sénégalaise. Nous avons dit que, pour éviter qu’il y ait un dialogue de sourds, un comité paritaire devra se réunir et établir les différents points de l’ordre du jour. Nous devons nous mettre d’abord d’accord sur le contenu du dialogue. Nous attendons sa réaction sur cette exigence-là

Wal Fadjri : Vous avez là beaucoup d’exigences. N’est-ce pas une manière de dire au président que vous ne voulez pas dialoguer ?

Moustapha Niasse : Nous ne voulons pas d’un dialogue qui va durer trois heures. D’où le pouvoir ne tirera qu’un avantage ...

Wal Fadjri : Lequel ?

Moustapha Niasse : Les images des caméras de la Rts qui vont balayer cet aréopage de leaders politiques autour du président Wade. Et après, qu’il se dise que : ‘J’ai mes images et cela me suffit’. Nous voulons dialoguer au profit du peuple, pour que des questions fondamentales soient réglées, pour que le Sénégal quitte l’enlisement dans lequel il se trouve dans le fond du marigot pour avancer et se projeter comme société dans l’avenir du monde. Nous ne posons pas de conditions ; nous exigeons un vrai dialogue avec une densité dans les points inscrits à l’ordre du jour, avec le temps qu’il faut, c’est-à-dire plusieurs jours. Qu’on prenne les sujets un à un, que, dans la sérénité et dans un esprit d’ouverture, qu’on dise voilà les solutions auxquelles nous sommes arrivées. Nous ne voulons pas d’un dialogue seulement pour frimer et pour les images de la Rts.

Wal Fadjri : Revenons au président Abdou Diouf, par ailleurs secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il y a quelques jours, il a été fouillé au Canada. Les autorités canadiennes ont présenté leurs regrets, mais les autorités sénégalaises exigent des excuses. Qu'inspire cet incident à l'ancien chef de la diplomatie sénégalaise et ancien Premier ministre ?

Moustapha Niasse : Le président Abdou Diouf est un homme respectable et respecté. Il est à la tête d’une organisation internationale qui est respectée aussi, qui a une vocation et une mission universelle. Je pense que, dans l’absolu et dans le principe, partout où il se rend, il lui est dû les honneurs qui sont prévus dans la pratique internationale, les égards et les actes de courtoisie qui correspondent à son rang et à son statut. C’est mon appréciation de ce qui doit être donné comme traitement à un homme de son niveau. S’il n’était pas secrétaire général de la Francophonie, son statut d’ancien chef d’Etat lui aurait donné les mêmes égards. Je ne veux pas entrer dans la controverse entre le gouvernement du Sénégal qui réclame des excuses et le gouvernement canadien qui a exprimé des regrets, mais qui, dit-on, refuse de présenter des excuses. Je laisse cela entre Dakar et Otawa. Mais je suis sûr que l’erreur, parce qu’il y a eu erreur dans le traitement qui a été réservé au président Abdou Diouf, ne se renouvellera certainement pas quelque part. Il y a également un problème de protocole. A ce niveau-là, lorsqu’on arrive dans un aéroport étranger, c’est une limousine qui vient chercher l’autorité à la coupée de l’avion, qui l’amène directement au Salon. Dans le salon d’honneur, il n’y a pas de rayons X sous lesquels on passe pour voir si l’on est armé ou non. Et puis comment peut-on imaginer que le président Abdou Diouf, l’ancien président de la République du Sénégal, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, puisse être soupçonné d’être un terroriste ou de porter des armes ou des kersters ( ?) qui peuvent lui permettre de détourner un avion ? C’est en dehors de toute logique. Disons qu’il y a eu un incident pour parler comme un diplomate et que l’incident est clos. Le président Abdou Diouf a dit lui-même qu’il était satisfait de la manière dont son séjour s’est déroulé au Canada. Alors, oublions cela et espérons que cela ne se renouvellera plus jamais.

Wal Fadjri : En langage diplomatique, quelle est la différence entre présenter des regrets et présenter des excuses ?

Moustapha Niasse : Présenter des excuses, c’est reconnaître que l’on a commis des fautes au regard des règles de la pratique diplomatique. C’est prévu dans les accords internationaux qui ont été signés en 1961 sur les égards dus aux Autorités avec grand A qui assument ou qui ont assumé des fonctions telles qu’il leur soit dû ces égards-là. Les regrets, c’est reconnaître que les services d’un Etat, à un certain niveau généralement bas, ont commis une erreur involontaire et que, devant le constat du fait que l’erreur a existé mais qu’elle était involontaire, regrettent que cette erreur se soit produite. Les excuses, c’est une convention, les erreurs, c’est une pratique. Voilà la différence en langage diplomatique.



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