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Politique

Ousmane Tanor DIENG, secrétaire général du parti socialiste : 'J'ai dépassé l'âge où je me battais pour des postes ministériels'

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Ousmane Tanor DIENG, secrétaire général du parti socialiste : 'J'ai dépassé l'âge où je me battais pour des postes ministériels'

C’est un Ousmane Tanor Dieng très inquiet de l’avenir du Sénégal qui a rencontré la presse africaine mardi en marge de la tenue du 20e symposium du Rcd, le parti socialiste au pouvoir en Tunisie. Tanor dénonce ‘les dégâts du régime libéral’ dirigé par le Président Wade à qui l’on prête l’intention de transmettre le pouvoir à son fils. Réalité ou bulle médiatique ? M. Dieng demande à Me Wade de s’occuper de l’intérêt des populations. Le leader des socialistes exclut, par ailleurs, toute entrée au gouvernement. Il a dépassé, dit-il, l’âge de se battre pour devenir ministre. Tanor Dieng annonce par ailleurs une marche des jeunes du Front Siggil Sénégal pour manifester le ras-le-bol des Sénégalais.

Wal Fadjri : M. Dieng, quel bilan faites-vous de la célébration du soixantième anniversaire du Ps qui s’est tenu ce week end à Kaolack ?

Ousmane Tanor Dieng : Nous avons tenu tous nos paris. C’est d’abord le pari de la fidélité à notre histoire, à nos mémoires, fidélité aussi aux pères fondateurs du Ps. Je crois qu’en ce qui concerne la société sénégalaise, la culture de la fidélité est très importante. Nous avons voulu donc faire preuve de fidélité envers les pères fondateurs en révisant notre histoire pour en tirer des leçons. Evaluer notre parcours, c’est ça qu’on a voulu faire depuis la fondation du Bds en 1948 et au-delà. Car l’idée socialiste est née depuis 1936. A cette date, des Sénégalais, comme Léopold Sédar Senghor, commençaient déjà à travailler au sein de la Sfio avec une Section sénégalaise. L évaluation de notre parcours nous a permis de voir entre autres, le combat que nos pères fondateurs ont mené, les outils et les instruments qu’ils ont utilisés pour lutter d’abord contre le colonialisme et faire accéder notre pays à l’indépendance. En nous adossant ainsi sur ces valeurs et sur ces outils, nous pourrons gagner notre combat face au monstre libéral. Voilà ce que nous avons voulu faire et sur la base de la fidélité, de cette reconnaissance, voir quelle attitude avoir envers les pères fondateurs et après avoir tiré tous les enseignements de cette longue période de notre histoire, après cet enracinement donc, nous projeter vers l’avenir pour utiliser leurs instruments. Bien sûr, en les adaptant à la situation d’aujourd’hui, en étant armés psychologiquement sur les bases qui forment notre conviction (justice, générosité, solidarité, courage, le diom, le Kersa etc., comme disait Senghor) pour faire face au pouvoir libéral qui est de toute façon finissant. Aujourd’hui, la preuve est faite que le pouvoir libéral a échoué.

Wal Fadjri : Alors que demandez vous à Abdoulaye Wade ?

Ousmane Tanor Dieng : Abdoulaye Wade a définitivement échoué. Ce qui lui est demandé aujourd’hui, c’est d’organiser les conditions dans lesquelles la dévolution du pouvoir se fera de manière transparente et régulière. Qu’à la prochaine élection présidentielle - Seul Dieu Sait à quelle date elle se tiendra, peut être en 2012 ou avant - les conditions soient réunies pour des élections transparentes et incontestées comme en 2000, pour que le Sénégal renoue avec sa tradition démocratique, une démocratie apaisée où la contestation des élections sera dépassée. On pourra, en ce moment-là, fédérer les énergies et faire face aux dégâts du système odieux de l’alternance.

Il s’agit donc d’organiser des élections apaisées pour les Sénégalais se mettre ensemble pour réparer les énormes dégâts du régime de l’alternance et la faillite des libéraux. Je pense que c’est cela qui est important. Il faut par ailleurs que Abdoulaye Wade comprenne que ce n’est pas à lui de désigner celui qui devra lui succéder. C’est au peuple sénégalais d’en décider. Ce que le peuple attend de lui afin qu’il laisse des marques, historiquement, c’est de faire de sorte que la dévolution du pouvoir au Sénégal soit pacifique, transparente. Ce n’est pas à lui de désigner qui que ce soit, son fils ou un autre, pour le remplacer. C’est inacceptable !

Wal Fadjri : M. Dieng, vous parlez là de Karim Wade. Ni lui ni son père n’ont fait de déclaration allant dans le sens que vous indiquez….

Ousmane Tanor Dieng : Mais, comment ! Tous les Sénégalais le pensent et le disent. Cela n’a pas été confirmé formellement, je le reconnais, mais avec les actes qui sont posés, le comportement de l’un et de l’autre, les Sénégalais ont le droit de se poser des questions. D’abord, c’est inacceptable et les Sénégalais ne les laisseront pas faire.

Wal Fadjri : Le limogeage programmé de Macky Sall de la présidence de l’Assemblée nationale, va-t-il dans le sens de la dévolution du pouvoir de père en fils ?

Ousmane Tanor Dieng : Non, je ne peux pas poser comme cela de manière mécanique. Mais, ce que je veux dire, c’est que le fait que Macky Sall soit limogé ou qu’Abdoulaye Wade pose tel ou tel acte ne changera rien à notre position de principe. C’est au peuple sénégalais de choisir celui ou celle qui doit diriger le Sénégal. Abdoulaye Wade doit se mettre dans la tête que ce n’est pas à lui de nous imposer qui que ce soit. Que cela soit son fils ou un autre, c’est pareil.

Wal Fadjri : Karim Wade a rendu visite à Amath Dansoko et selon nos confrères de Nettali, le fils du Président s’est dit prêt à servir de médiateur entre son père et l’opposition. Acceptez vous cette offre de service ?

Ousmane Tanor Dieng : Non ! Nous au Parti socialiste, nous pensons que nous n’avons besoin de personne pour établir des ponts entre Wade et nous. Nous sommes suffisamment majeurs et si nous estimons que nous devons le rencontrer, nous prendrons l’initiative de le contacter. Ce n’est pas à qui que ce soit de le faire. Et nous ne sommes demandeurs de rien, de rien du tout. Nous travaillons aujourd’hui pour le départ de Wade parce qu’il a échoué. C’est ça le vrai combat. Ce n’est pas de dialoguer, je ne sais de quoi! Ce que Abdoulaye Wade doit faire, c’est de créer les conditions pour que dorénavant les élections aient lieu à date échue et qu’elles soient transparentes et régulières pour que les Sénégalais choisissent ceux qu’ils veulent mettre soit aux collectivités locales, soit à l’Assemblée, soit à la Présidence, au niveau des institutions de la République. Mais le Sénat est une institution illégale et illégitime. Ce n’est pas normal qu’au Sénégal, il existe une institution où le président de la République nomme 65 membres sur 100. C’est honteux pour notre démocratie! C’est mauvais et c’est un précédent dangereux pour le Sénégal et pour l’Afrique.

Wal Fadjri : Que répondez-vous aux Sénégalais qui reprochent à l’opposition dite significative d’avoir laissé Abdoulaye Wade faire. N’avez-vous pas commis l’erreur d’avoir boycotté les élections législatives ?

Ousmane Tanor Dieng : Non, ce n’est pas une erreur car si nous étions allés à l’Assemblée nationale, les mêmes causes allaient produire les mêmes effets. Nous avions dit que l’élection présidentielle était tronquée avec des résultats préfabriqués, nos propres résultats ont été volés par Wade, c’est pourquoi nous avions refusé d’aller à l’élection législative pour ne pas lui donner l’occasion de rééditer le même exploit. Ce que nous avons fait, c’est de demander le boycott aux Sénégalais et nous sommes passés de 70 % de participation à 35 %. On est donc tombé de moitié ! Le peuple sénégalais nous a suivis parce que nous leur avions demandé de refuser de prendre part à cette élection. Maintenant, on nous dit que nous avons laissé le pouvoir faire. Non, c’est que Abdoulaye Wade viole allégrement tous les textes. On en est à la 14e modification de la Constitution. Que voulez-vous qu’on fasse ?

Wal Fadjri : Quand il était opposant, Me Wade n’avait pas la même stratégie de conquête du pouvoir que vous. Qu’envisagez de faire pour l’amener à cèder ?

Ousmane Tanor Dieng : L’opposition organise par exemple des marches. Samedi prochain, nous allons encore organiser une marche contre la cherté de la vie, contre les dérapages, contre les délestages, contre la répression des libertés, contre les modifications de la Constitution, contre les conditions difficile de vie des populations. C’est donc une manifestation contre le ras-le-bol des Sénégalais. Cette démarche est à l’initiative des jeunes et s’inscrit dans le cadre des activités du Front Siggil Sénégal. Mais que veulent les Sénégalais ? Qu’on fasse les mêmes méthodes que Wade ? Qu’on s’attaque au pauvre passant, qu’on brûle les véhicules, qu’on brûle les feux, qu’on casse les bus ? Qu’on mette le Sénégal sens dessus dessous ? C’est cela qu’ils veulent? Alors il faut donc qu’on sache ce qu’on veut ! Faire cela c’est aller contre la quiétude des Sénégalais qui n’en sont pour rien. Ce qui n’est pas d’ailleurs une démarche courageuse parce que même quand Abdoulaye Wade le faisait, il restait chez lui. Il ne venait qu’à la fin de la manifestation, ensuite il levait la main. C’est cela la vérité.

Wal Fadjri : Des Assises nationales ont été convoquées pour se pencher sur les problèmes réels du Sénégal. Quel bilan faites-vous de ces rencontres ?

Ousmane Tanor Dieng : Je ne vous ai pas dit tout à l’heure que je considère tout ce bavardage qui est fait autour de la succession du Président par les uns et les autres que, c’est une bulle médiatique. Au fond, c’est une construction faite par les médias et qui n’a aucune prégnance sur les réalités du pays parce ce qu’aujourd’hui ce dont il faut s’occuper, c’est de la situation des Sénégalais. Nous sommes à quatre ans de la prochaine élection présidentielle. Il faut s’occuper des Sénégalais et arrêter de passer son temps à bavarder sur celui qui doit succéder au Président. On fait beaucoup de bavardage au niveau du camp présidentiel comme si la succession devait se faire de ce côté-là.

Concernant les Assises nationales, je considère que c’est une initiative inédite. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal et même de l’Afrique, de manière réfléchie et pacifique, les fils du pays sentent qu’il y a une crise multidimensionnelle, multisectorielle et disent qu’il faut se retrouver pour échanger, faire le diagnostic, comment faire ensemble une analyse sérieuse, approfondie, sans exclusive (patronat, société civile, associations, experts, universitaires etc) avec les populations (consultations citoyennes) pour avoir ensemble quelques solutions afin de fixer certaines grandes orientations, c’est quelque chose d’extraordinaire et d’inédit ! Nous sommes à mi-parcours, nous allons commencer à collecter les données, faire une synthèse pour aboutir aux conclusions que nous allons présenter aux Sénégalais. C’est une démarche et une initiative à saluer. C’est une démarche démocratique et une forme de participation politique que nous sommes en train de faire au Sénégal.

C’est encore l’exception sénégalaise qui est en train de se manifester et si Abdoulaye Wade ne vient pas y prendre part, c’est qu’il a une conception rétrograde et enfermée de la politique. De ce point de vue, nous irons jusqu’au bout, nous finirons nos travaux. Nous aurons nos conclusions et demain si nous revenons aux affaires (et je pense que cela va arriver) dans le cadre du Front Siggil Sénégal, nous mettrons en œuvre ces conclusions. Je crois que tous les Sénégalais qui ont travaillé pour aboutir à ces conclusions doivent exiger l’application des conclusions des Assises nationales. Ce seront des conclusions sur lesquelles la majorité des Sénégalais sont tombés d’accord. Ceux qui ont travaillé depuis le 1er juin 2008, doivent exiger la mise en œuvre des résultats des Assises. Ce sera facile car le régime libéral a complètement échoué, il est à bout de souffle. Maintenant, il faut remettre le Sénégal sur les rails. Aujourd’hui, la dette intérieure se situe à plusieurs centaines de milliards. Le gouvernement reconnaît au moins 150 milliards, le Patronat 300, enfin les experts indépendants parlent de 500 milliards de dette intérieure alors que cette dette a été apurée en 2000.

Aujourd’hui, le train de vie de l’Etat est à un niveau qui n’est pas acceptable. La Pointe de Sangomar qu’utilisait Abdou Diouf est cloué au sol à Dakar. Chaque fois qu’Abdoulaye Wade voyage, il affrète un avion à au moins 100 millions de F Cfa. D’un autre côté les fameuses Agences, il y en avait une dizaine avant l’alternance, on en compte près d’une trentaine aujourd’hui. Les Ambassades, il y en avait une trentaine, on en compte près d’une soixantaine. Il y a un train de vie dispendieux de l’Etat qui fait que le Sénégal est aujourd’hui en cessation de paiement et de banqueroute. Cela ne peut pas continuer. La situation est explosive. Maintenant, quand est-ce que tout cela va s’embraser ? Personne ne sait mais cela ne peut pas continuer comme ça. Il faut qu’Abdoulaye Wade se ressaisisse, revoie les réalités sénégalaises et essaie de donner des signaux forts qui montrent qu’il est décidé à prendre en charge les choses. Enfin qu’il travaille pour le Sénégal parce qu’on a remarqué que depuis qu’il est au pouvoir le nombre de marchés de gré à gré est en hausse. Il en a fait plus en 8 ans que nous en 40 ans. Ce n’est pas possible ! ’

Wal Fadjri : Et si le signal fort dont vous parlez, vous demande de le rejoindre dans le cadre d’un gouvernement d’Union nationale, allez vous accepter ?

Ousmane Tanor Dieng : Non, pas du tout ! Aujourd’hui, la situation ne peut pas être résolue par un gouvernement d’union nationale. Il faut un projet politique commun et consensuel qui trace les grandes orientations sur lesquelles tout le monde est d’accord, la gouvernance démocratique aussi bien économique que sociale. Sur quelle valeur commencer l’action politique au Sénégal? Comment faire pour restaurer l’Etat de Droit ? Comment faire pour relancer notre agriculture? Comment faire pour recadrer et assainir nos finances publiques dans le carde macroéconomique ? Comment financer les secteurs de production : le tourisme, la pêche ? C’est avant tout cela pour avoir des orientations. Et nous sommes prêts en à discuter. Mais, quant à entrer maintenant dans un gouvernement, nous avons dépassé l’âge où on se bat pour être ministre.

Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE Directeur de publication de Continentpremier.com



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