La nouvelle est tombée samedi, à la fin de la réunion du Cercle général permanent, l’équivalent d’un bureau politique pour le Rassemblement pour le peuple (RP) de Serigne Mamoune Niasse : le parti tourne le dos à Idrissa Seck. Hier, sur les ondes, Mme Awa Guèye Kébé, lieutenant de l’ancien Premier ministre, a juste parlé de « malentendus » qui sont appelés à se dissiper. Sur la base de cette information, d’aucuns en étaient fondés à soutenir que la rupture n’était pas consommée. Joint par « Le Soleil », M. Oumar Khassimou Dia, numéro deux du Rp, confirme la séparation « définitive », en donne les causes et dresse les conditions d’une future alliance avec une autre formation ou pôle.
Aux premières heures de ses démêlées avec la justice sénégalaise sur la gestion des fonds des chantiers de Thiès et l’accusation d’atteinte à la sûreté de l’État, l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, a pu compter sur le soutien moral du Rassemblement pour le Peuple (Rp) dont le Premier serviteur (l’équivalent de Secrétaire général ailleurs) est Serigne Mamoune Niasse. Interrogé par nos soins hier, le numéro deux de cette formation politique, Oumar Khassimou Dia, le rappelle : « Le Sénégal peut témoigner de ce soutien moral. Depuis le début de son conflit avec le président Wade, nous avons demandé que le Pds trouve une solution au plan politique ou judiciaire, sinon il y aurait des répercussions portant préjudice à la bonne marche de l’État. On ne nous a pas écoutés ». Dans la foulée de ce soutien, les responsables du Rp ont tenu une conférence dans un hôtel dakarois pour affirmer, selon M. Dia, « Idrissa Seck pouvait rendre service à l’État ». « À sa sortie de prison, poursuit notre interlocuteur, il nous a rendu visite à Kaolack, le 16 avril 2006, au domicile de notre leader ». En ces temps-là, l’alliance se portait bien. Rien ne laissait présager un grain de sable dans la machine. Le Rp s’était promis de créer un troisième pôle, après la Cap 21 pour la majorité présidentielle et la Cpa pour l’opposition. « La convocation a été lancée pour le 28 avril, au Cices. Idrissa Seck nous a demandé de suspendre cette convocation, car il voulait être là, pour la création de ce troisième pôle. L’attente a duré cinq mois. Il nous a bloqués. Nous nous sommes posé des questions par la suite », explique M. Dia.
« La considération a manqué… »
À ces questions, ce sont… les médiats qui apporteront des réponses ! « C’est à travers les médiats que nous avons appris la création d’un parti politique dénommé « Rewmi » et d’un troisième pôle sans concertation. C’est le plus dramatique », s’indigne le numéro deux du Rp. Les deux parties tenteront d’arrondir les angles à travers des « rencontres de protestation ». « Mais rien n’y faisait ! », certifie M. Dia. Au contraire, les responsables du Rp, alliés d’Idrissa Seck, déplorent le fait d’avoir été « convoqués à Ziguinchor (au cours de la tournée de l’ancien Premier ministre, ndr) comme un chef de parti convoquerait ses propres militants ! » Puis, arrive ce qu’il appelle « la goutte d’eau de trop » : « La publication annoncée du programme de redressement national ». Le Rp ne se reconnaît pas dans une telle démarche adoptée par M. Seck. « La considération a manqué » dans les relations entre les deux parties, regrette encore M. Dia.
Alliance avec Wade si…
Et samedi dernier, est arrivé le jour de la séparation. Le parti convoque son Cercle général permanent, l’équivalent du bureau politique. Deux points à l’ordre du jour : la mise en place des comités techniques pour les élections et les relations avec Idrissa Seck. Le premier point permet de passer en revue l’investiture, les micro-finances, l’évaluation du potentiel, etc. Mais le deuxième point ravit la vedette à toute autre question ! Et, à l’unanimité de ses membres, ce bureau politique du Rp vote la fin du compagnonnage politique avec l’ancien Premier ministre.
Selon notre interlocuteur prenant le contre-pied de Madame Awa Guèye Kébé qui parlait hier de malentendus à surmonter très vite, la séparation est définitive. Il n’y a pas un malentendu. Un malentendu, c’est quand cela n’a pas atteint un certain niveau. Il y a des sommes de malentendus. C’est ce qui a engendré cette séparation avec Idrissa Seck. Nous avons voulu régler ces problèmes pendant six mois. Il y a eu des rencontres dans un hôtel de la place, au siège du Rp, à Kaolack ou dans des domiciles privés. De malentendu en malentendu, de règlement en règlement, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il était temps de mettre fin à cette alliance », soutient-il. La séparation est-elle donc définitive ? Pour démontrer la pertinence de cette séparation, le numéro deux du Rp se livre à une explication de sens : « Une rupture est un acte brutal et pas réfléchi. Il y a l’idée d’un acte résultant de l’émotion. Pour notre cas, cela a été réfléchi de longue date et à l’unanimité du bureau politique. Jusqu’à maintenant, nous utilisons le terme « séparation ». Nous disons simplement que nous avons mis fin à nos relations avec Idrissa Seck, nous nous démarquons de lui, etc. Que les gens disent « rompre », la finalité peut être la même ».
Exit Idrissa Seck, bonjour le président Wade pour une nouvelle alliance ? Réponse de M. Dia : « La porte n’est fermée à personne. L’essentiel, c’est l’orientation que nous donnons à notre action politique. Nous n’avons tendu la main à personne, mais si nous trouvons des plages de convergence, rien ne s’opposera à une alliance. Nous sommes là pour servir et non pour nous servir. C’est la raison pour laquelle, dans notre parti, nous ne nous appelons pas camarades ou frères. Nous nous appelons serviteurs ». Le dialogue politique, après l’appel lancé à l’opposition par le chef de l’État, retient l’attention du Rp. « Personne ne peut refuser ce dialogue politique », assure M. Dia.
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