Lors de son passage à l’émission de la Rfm, Le Grand Jury, face à notre confrère Alassane Samba Diop, l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, a renoué avec ses références presque obsessionnelles au Coran et, à certains endroits, aux autres Livres saints. Sur cette question, le nouveau président de Rewmi a manifestement adopté la posture d’un homme cherchant, coûte que coûte, à exorciser en lui le démon de l’intégrisme pour se polir une image plus clean de partisan de la laïcité. Mais, une laïcité qui ne signifie pas une renonciation au Coran comme sa référence.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ex-Pm, Idrissa Seck, n’est pas insensible aux critiques et autres reproches qui lui sont faits quant au foisonnementde ses références au Coran, aux textes sacrés en général. Ce péché-Ià avait été relevé par bon nombre d’observateurs politiques, notamment lors de la publication du fameux Cd «Lui et Moi» et d’autres correspondances, alors qu’il était dans les liens de la détention. Ils sont alors nombreux les Sénégalais à vitupérer cette propension à l’utilisation parfois abusive des versets de Coran et à manifester légitimement d’ailleurs quelques appréhensions sur l’avenir de la laïcité au Sénégal si Idrissa Seck était porté à la magistrature suprême. Sans doute qu’en cette «période d’écoute», comme il a eu à en caractériser. ses derniers périples politiques depuis son retour de France, Idrissa Seck semble vouloir rassurer son monde. L’exégèse qu’il fait de ses références coraniques dans ses discours politiques, peut être perçue comme une volonté d’extirper une image d’un homme pouvant être tenté par une remise en cause de la laïcité ancrée dans l’évolution politique du Sénégal.
Ainsi, à la question de savoir les raisons pour lesquelles il mêle souvent le Coran à ges discours politiques, Idrissa Seck répond avec une simplicité, voire un simplisme trop déconcertant: «le Coran est ma référence, comme Karl Marx peut J’être pour d’autres». Relevons au passage l’analogie surprenante que M. Seck veut établir entre le Coran en tant que lieu de dogmes sacrés et peut-être Le Manifeste du parti communiste de Karl Marx qui n’a jamais été perçu~àuf par les propagandistes anti-communistes, comme un livre saint. Sur ce plan, Idrissa Seck a été victime d’un cliché rébarbatif servi à l’envi par les adversaires du marxisme, surtout du temps de la guerre froide. Idrissa Seck, pourtant, se veut l’apôtre d’une laïcité où l’enseignement du Coran, n’est pas antinomique avec l’adoption «comme source de référence, l’Evangile, la Thora, les Psaumes de David». En vérité, il veutêtre adepte d’un islamisme aussi ouvert, poreux «aux merveilles du monde, à toutes les cultures», à chaque langue de chaque peuple, que moderne puisque, capable de choisir comme supports d’éducation et de formation, de célèbres bandes dessinées et des «jeux électroniques».N’est-ce pas, dit-il, ainsi qu’il enseigne le Coran à ses enfants, «de façon fragmentée et graduelle, comme l’a reçu le prophète Mohamed (Psi),pendant 23 ans» ?
Face aux inquiétudes nourries par certains segments de la société quantà une possible remise en cause de la laïcité au Sénégal, Idrissa Seck se démarque de «ceux qui veulent ( . . .) instituer un Etat islamique où ne vivraient que des croyants musulmans».
PIECE OU PIEGE A CONVICTION ?
A ceux-Ià qui «méconnaissent le Livre», M Seck signifie que «le Coran fonde la laïcité en divers versets». Il cite quelques sourates pour illustrer son propos. Et c’est pour souligner «solennellement» qu’il «accorde une importance fondamentale à la laïcité». Son parcours, du collège catholique de Saint Gabriel de Thiès à l’Université américaine de Princetown, en passant par Sciences Pô de Paris, semble être une pièce à conviction. Pièce ou piège à conviction. En tout cas, les amitiés nouées dans toutes les religions, toutes civilisations de tous les continents durant ce parcours sont exhibées comme des cautions, des preuves d’un ancrage dans la laïcité.
Au-delà de la référence personnelle et personnalisée qui, quoi qu’on dise, n’engage que ceux y croient, Idrissa Seck se fonde, pour rassurer, sur un exemple, peut-être plus pertinent - parce que moins rivé à une expérience solitaire: «l’exemple réussi de cohabitation entre les religions et même les non-croyants». Le reste de sa justification est du domaine des pétitions de principe et d’une offre de promesse quand Idrissa Seck déclare qu’il s’emploiera «à préserver cet acquis essentiel, s’(il en est) responsabilisé». A ce titre d’ailleurs, l’ancien Premier ministre révèle son attachement «à cet équilibre, à J’occasion de la polémique engagée par le président de la République contre le clergé en 2003». C’est bien dommage que ce soit seulement, aujourd’hui, qu’il se fait audible sur cette polémique !
Et quand notre confrère de la Rfm lui demande s’il n’utilise pas le Coran pour embobiner les populations si sensibles à la religion~musulmane,Idrissa Seck consent que «même si c’était le cas, ce serait intelligent». En quoi, Diantre? Pour y répondre, M. Seck convoque Napoléon à la conquête de l’Egypte avec comme viatique le Coran «dans sa bibliothèque, au rayon politique». Mais, se retrouve-t-il dans ce Napoléon, amusant ses collaborateurs, par ses discours entamés par des «Allah, le Miséricordieux et le très Miséricordieux» ? En vérité, Idrissa Seck avoue que dans son cas, il ne s’agit pas d’«une manipulation politique», car «l’ordinateur qui a un disque dur donné ne fonctionne que sur la base de logiciels compatibles avec son système d’exploitation». Or, l’utilisation napoléonienne du Coran est plus de l’ordre d’une manipulation politique. Elle renseigne que cette convocation de Napoléon par Idrissa Seck, dans ce cas précis, est inappropriée pour servir d’illustration.
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