Rencontre entre le Cdeps et le président Wade : Une audience mouvementée

Après leur séminaire à Saly, les membres du Conseil des éditeurs et diffuseurs de la presse du Sénégal (Cdeps) ont été reçus en audience par le président de la République. Au menu des discussions, présentation des condoléances au président Wade et à son fils, suite au double deuil qui les a frappés avec la mort de Mme Aïda Mariène Karine Wade et de Fatou Wade. Mais aussi, compte rendu des recommandations issues de la rencontre de Saly. C’était devant le ministre d’Etat, Directeur de cabinet du président de la République, M. Diackaria Diaw et du ministre Chef de cabinet Pape Samba Mboup... Si tout a bien commencé, il faut dire qu’il y a eu un clash à la fin de la rencontre, car Thierno Talla, le Dirpub de L’As a boudé l’audience, suite à un échange de propos durs avec le président Wade.

Après les discours d’usage du ministre Pape Samba Mboup qui explique les raisons de cette rencontre, le président du Cdeps, M. Madiambal Diagne a, au nom de ses pairs, présenté au président et à son fils les condoléances du Cdeps pour le repos de l’âme des deux disparues. Puis, il a laissé la parole au Chef de l’Etat qui lui a rendu l’en a remercié, en soulevant l’exception sénégalaise qui fait qu’en cas de malheur, "même les plus grands adversaires se retrouvent". Et d’ajouter, "d’ailleurs, il faut qu’on le dise, les relations entre la presse et le pouvoir sont heurtées. Parlons-en. Et n’oubliez pas de me faire part des recommandations de votre séminaire". Madiambal reprend la parole pour le féliciter de l’attention qu’il disait porter à la rencontre des journalistes, mais aussi pour y avoir envoyé le ministre de l’Information". Poursuivant, Madiambal Diagne reviendra largement sur la situation de la presse qui a fait l’objet d’un diagnostic sérieux avec des solutions proposées au cours de la rencontre de Saly. Ainsi, il rappellera les décisions retenues, surtout, la mutualisation des moyens des organes de presse, comme c’est le cas au Burundi et en Côte d’Ivoire, avec un fonds de garantie.

Le président réagira ensuite, avant de s’en prendre aux journalistes. Selon lui : "J’espère que vous avez aussi parlé du manque de crédibilité dans vos rangs. J’ai été surpris de lire dans un journal de la place que les travaux de l’Aibd et l’autoroute à péage ne pourront pas se poursuivre, faute de moyens. Cela décrédibilise votre travail parce que ce n’est pas vrai". Et Wade de continuer ses critiques : "II faut que vous arrêtiez de dire des choses pas vraies sur nos institutions. Heureusement que ça ne me fait rien, car tout le monde sait que je travaille bien. N’oubliez pas qu’il y a des banques et des bailleurs de fonds qui suivent ces grands dossiers. Ce que vous faîtes n’est pas bien..." Quelques minutes après, il s’arrête..., hésite un peu et dit : "Je ne sais pas si je dois le dire ou non, mais..."

Les membres du Cdeps attendent la suite qui ne tarde à venir et lui disent : "Allez-y, dîtes..." Le président ajuste sa position sur son fauteuil et dit : "On vient d’apprendre du Canada que Bara Tall et Souleymane Jules Diop ont monté une société spécialisée dans la conception des sites internet, enregistrée au Luxembourg... En connexion avec des rédactions de la place, ils..." Douche froide chez les éditeurs et diffuseurs. Les hôtes du jour sont gênés. Après cela, il leur indiquera également qu’il n’est pas disposé à accorder aux entreprises de presse qui passent leur temps à l’attaquer. Me Abdoulaye Wade a tenu aussi à dire à ses interlocuteurs, "qu’il y a au Sénégal des journalistes crédibles et d’autres qui ne le sont pas".

Madiambal Diagne reprend la parole. "Monsieur le président, justement en parlant de sites internet, je donne la parole aux administrateurs de sites qui sont ici présents. Mais avant de le faire, je voulais rappeler que ces propos, vous auriez pu les tenir en présence des concernés. C’est gênant que vous les teniez à cette occasion". Le président reprend la parole. "Ah si, il faut qu’on le dise, même si Jules Diop est au Canada, il est journaliste. Et par conséquent, il est membre de votre corporation. Jules s’en prend à tout le monde... Mais tout le monde n’est pas comme ma fille qui est un grand coeur et qui lui a pardonné..."

Il s’énerve, puis donne la parole à votre serviteur qui lui, plaide la cause des journaux en ligne qui ont des spécificités "qu’il faut prendre en compte pour leur développement, à savoir la labélisation de ceux qui se comportent comme de vraies rédactions". Il passe le micro à Madior Fall, puis à Thierno Talla. Très surpris par la tournure de la rencontre, le Directeur de L’As dira : "Autant je suis heureux par le début de la rencontre, autant je dois avouer que je suis déçu par les propos du président qui traite les journalistes de gens pas crédibles". Entre temps, Karim Wade est sorti de la salle. Le président l’apostrophe à nouveau : "Vous avouez ? Vous avouez quoi ?" "Que je suis déçu", lui répond Talla. Le patron du journal L’As, Thierno Talla dira enfin que "si je savais que j’étais invité à une rencontre pour voir les journalistes attaqués de la sorte, je ne serais pas venu. Je n’aurais pas fait ce déplacement". Et Wade de l’interrompre : "Je répète qu’il y a des journalistes qui ne sont pas crédibles, à commencer par toi. Tu veux que je développe ?" "Développe", lui dit Thierno Talla que Diackaria Diaw et Pape Samba Mboup tentent de calmer. "Je ne parle pas à quelqu’un qui me traite de journaliste pas crédible", dit-il avant de se lever et de quitter aussitôt la salle. C’est le tohu-bohu. Comprenant que ses hôtes sont en train de suivre les pas Thierno Talla, il se lève avec eux. La rencontre se termine en queue de poisson.

Alors que certains hôtes du jour étaient devant les journalistes qui les attendaient au sortir du palais pour le compte rendu de la rencontre, Karim Wade en regagnant la salle se rend compte de la situation. Il invite ceux qui n’étaient pas encore sortis à bien vouloir revenir dans la salle. Ceux qui étaient dehors comme votre serviteur, Madiambal Diagne, Yakham Mbaye, Moustapha Sow, Cheikh Kouyaté..., retournent en salle. Et après s’être des vérités sur cette partie malheureuse de la rencontre que Karim tenu responsable de cette situation par Moustapha Sow qualifie "d’épiphénomène, parce que pensant que si on veut régler des problèmes, on se dit toutes les vérités", tous s’engagent à la décrispation. Avec Karim Wade, ils promettent de se revoir en mettant très rapidement sur pied un groupe de travail pour le suivi des recommandations de Saly.