ROBERT SAGNA : « Je suis pour une candidature de l’unité, mais lorsqu’il y aura une multiplicité de candidatures, je serais candidat »

Robert Sagna, qui séjourne depuis le week-end dernier dans son fief, à Ziguinchor, dans le cadre d’une visite politique, avertit qu’il sera candidat à la présidentielle, au cas où Bennoo n’arriverait pas à trouver un candidat de l’unité. Le leader du Rassemblement pour le socialisme et la démocratie/Takku defaraat Sénégal (Rsd/Tds) jette également un regard sur la gestion libérale, analyse la sortie de Me Wade contre l'ambassadeur des États-Unis et aborde le processus de paix en Casamance.

Présidentielle 2012

J’ai dit que si Bennoo n'arrivait pas à avoir une candidature de l'unité, ça peut pousser le président, effectivement, à supprimer le deuxième tour. C'est une hypothèse parmi d'autres. J'ai simplement exposé les arguments de ceux qui sont pour une candidature unique et les arguments qu'ils avancent. J'ai également avancé les arguments de ceux qui sont pour une candidature multiple. Les deux parties, chacune a ses arguments. J'ai opté, moi et mon parti, pour une candidature de l'unité. Ça me paraît souhaitable. Mais, à l'impossible, nul n'est tenu. Je suis pour une candidature de l'unité, mais lorsqu'il y aura une multiplicité de candidatures, je serais candidat.

Gestion du régime libéral

Un regard très attentif, un regard vigilant, mais un constat d'échec. Vous savez, même les gens du Pds ne se font pas d'illusions. Ils savent très bien que ça ne marche pas, parce qu'ils le vivent au quotidien, dans leur famille. Je vous dit qu'on ne cultive que 2,5 millions d'hectares dans ce pays, mais le potentiel, c'est 12,5 millions d'hectares. Prenez le secteur industriel, c'est la catastrophe. Les Ics, c'est l'échec. La pêche est en faillite, ça ne marche pas. En Casamance, pratiquement, tous les réceptifs du Cap-Skiring sont fermés. Le tourisme, cette année, c'est la catastrophe. Mais, vous allez me dire qu'il y a un bilan positif. Non. Il y a la crise partout. La crise s'est installée durablement, la pauvreté s'est également installée de manière galopante. Donc, je ne vois pas où l'on peut parler de succès. Ces routes qu'on fait à Dakar, ces autoroutes, ces échangeurs, mais le Sénégal, ce n'est pas que Dakar. Prenez la Casamance, et dites-moi qu'est-ce qui est fait ici ? L'hôpital dit de la Paix qu'on devait inaugurer en juillet 2000, n'est même pas terminé, le Pont Émile Badiane est en train de s'écrouler. Vous allez au marché Saint-Maur que j'ai reconstruit après son incendie, regardez les cantines, c'est déjà révélateur. Et enfin, on parle de corruption dans ce pays, on parle de mal-gouvernance.

Sortie de Wade contre l'ambassadeur des Etats-Unis

Vous ne pouvez pas tendre la main d'un côté et de l'autre côté, soulever l'autre main pour vouloir taper sur celui qui vous aide. C'est gênant. Tous les Sénégalais dans leur chair étaient gênés par cette manière de réagir. Ce n'est pas une manière de réagir. Je crois qu'il y a sur le plan des relations diplomatiques des formes qu'il faut mettre, même si, il a été vexé, il a été choqué, parce qu'on a accusé le régime, n'est-ce pas d'un pays corrompu ? Mais, le président Wade dit qu'il ne veut pas qu'on ridiculise son pays. Ce n'est pas le Sénégal qui est ridiculisé, il faut être clair. Non. C'est son régime qui est mis en cause, ce n'est pas le pays qui est mis en cause. Les Américains savent très bien que tous les Sénégalais ne sont pas corrompus. Ils reprochent au régime de Wade la mal-gouvernance, ils lui reprochent d’avoir encouragé ou de rester indifférents à la corruption. Ce n’est pas le Sénégal. Malheureusement, c'est le Sénégal qui en subit les conséquences. Quand Senghor était là, quand Abdou Diouf était là, jamais au grand jamais, nous n'avons été accusés aussi frontalement de corruption et de mal-gouvernance. J'étais dans le régime de Senghor, dans celui de Abdou Diouf. Il faut changer.

Processus de paix en Casamance

À force de vouloir être l'innovateur, je crois que Wade a enfoncé la Casamance dans une longévité de guerre qui aurait pu être évitée. Wade a cru annuler toutes les démarches pour recommencer à zéro. Ça nous a retardés. Malgré cela, aujourd'hui, nous pouvons dire que ce qui se passe laisse penser que les chances de la paix existent. Je suis d'autant mieux placé pour le dire que la paix en Casamance occupe les 3/4 de mon temps quand je suis à Ziguinchor. Je connais la réalité, je sais ce qui se passe, et aujourd’hui, je peux dire que les chances pour aller à la paix sont là. Mais, on ne les saisit pas. Parce qu'il y a une nonchalance ou une indifférence qui frise le mépris. Mais, aujourd'hui, je crois que tous les Casamançais sont conscients qu'il faut aller rapidement vers la paix. Ce qu'on souhaite, c'est que le Mfdc, lui-­même, aspire à la paix, soit entendu, et que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires pour aller à cette paix. Mais, je reviens toujours à cette interrogation : allez à la table de négociation et négocier quoi ? La paix. C'est suffisamment important pour qu'on le fasse. Il faut négocier la paix, parce qu'on ne l'a pas. Quelle est l'alternative à l'indépendance ? Quelle alternative le gouvernement de Wade propose-t-il à la revendication indépendantiste ? Le jour où le président Wade répondra à ces questions, nous ferons un très grand pas vers la paix.