(Correspondant particulier à Madrid) - Combien de jeunes sénégalais ont péri en mer en voulant se rendre en Europe? Mystère ! Car, jusqu’à présent, aucun chiffre officiel n’est disponible sur ce sujet. ‘Aucun chiffre, aucune statistique n’étant disponible, les témoignages restent l’unique source d’information pour avoir une idée sur l’ampleur de ce drame des temps modernes’, croit savoir Ibrahima Mbaye, le chargé des affaires sociales et culturelles de l’Association des Sénégalais de Fuerteventura. De ses explications, il ressort que souvent, ce sont les rescapés qui les renseignent sur la disparition de certains de leurs compagnons de traversée. Mais là où le bât blesse, c’est que ‘les rescapés mettent toujours du temps avant de parler’, se désole Ibrahima Mbaye . Et d’ajouter : ‘C’est à croire qu’une fois sauvés par les garde-côtes espagnols, les jeunes sénégalais candidats à l’émigration par la Méditerranée perdent la mémoire ou deviennent comme par enchantement aphones’. En tout cas, ils n’accepteront de verser dans les confidences qu’une fois la demande d’asile acceptée.
En attendant, ils sont plus de 1 500 subsahariens à laisser leur vie dans les eaux atlantiques depuis le début de l’année 2006, selon la Croix rouge espagnole. Des morts parmi lesquels il y a bien sûr des Sénégalais, mais qu’on aura du mal à identifier car, avant d’embarquer dans les pirogues lothios, les passagers de nationalité sénégalaise sont obligés de déchirer leurs passeports et autres documents d’identification. Et pour cause : ‘Ceux qui sortiront indemnes de la traversée, devront solliciter l’asile politique et comme le Sénégal ne figure pas sur la liste des pays éligibles, ses ressortissants ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugié politique en Espagne. Alors, nos compatriotes déchirent leurs papiers et se prévalent d’une autre nationalité’, explique une autorité consulaire.
Les candidats sénégalais à la traversée des côtes canariennes sont ainsi des anonymes que la mer peut engloutir sans que personne ne soit au courant. Sauf peut-être des compagnons d’infortune ou leur famille. Des familles qui ne sont pas souvent au courant des intentions de leur progéniture. ‘Récemment, une famille restée sans nouvelle de leur fils pendant une longue période, nous a envoyé une photo de celui-ci. Et grâce à l’aide des autorités canariennes, nous avons pu identifier le corps du jeune homme, avant de procéder à son rapatriement’, confie Alassane Cissé, Consul général du Sénégal à Madrid pour qui, il est très difficile d’avoir une idée exacte sur le nombre de jeunes sénégalais morts noyés. S’y ajoute que les corps qui échouent souvent sur les plages canariennes sont la plupart du temps dans un état de putréfaction très avancé. Quoi qu’il en soit, ils sont de plus en plus nombreux à payer de leur vie leur désir d’évasion. Pour combien de temps encore ?
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