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Politique

Wade dicte sa loi

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Wade dicte sa loi

La loi l’y oblige. Le décret de répartition des sièges à l’Assemblée nationale doit répondre au seul critère démographique. Pourtant, le président Wade l’a ignoré dans le partage des 90 députés des listes majoritaires entre les 35 départements du pays. Le « Sopi » n’a plus confiance en sa représentativité et remet en cause l’égalité entre les citoyens.

Les dispositions du code électoral, en son article L 143, sont on ne peut plus claires : « Dans chaque département, seront élus cinq députés au plus et un député au moins. Le nombre de députés à élire dans chaque département est déterminé par décret en tenant compte de l’importance démographique respective de chaque département. (…) ». Ce texte nous édifie au moins sur deux faits : d’une part, le nombre d’habitants est le seul critère déterminant dans la répartition des siéges à l’Assemblée nationale entre les différentes circonscriptions électorales. D’autre part, aucun département ne peut ni disposer de plus de cinq députés dans le Parlement, ni être laissé en rade dans la représentation parlementaire. Si, pour ce qui est du deuxième aspect de la question, le chef de l’Etat s’est conformé à l’esprit de la loi, il s’en est complètement détourné en décidant de léser certaines localités au profit d’autres. L’étude comparative de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt) est assez édifiante. « Bakel 222 945 habitants 01 siège, Vélingara 211 636 habitants, soit moins de 11 309 que Bakel, 02 sièges, Kébémer 218 592 habitants, soit moins de 4 353 que Bakel, 02 sièges ; Linguère 221 036 habitants, soit moins de 1 909 habitants que Bakel, 02 Sièges, Dagana 213 342 habitants, soit moins de 9 603 habitants que Bakel, 03 sièges ;Ziguinchor 195 141 habitants, soit moins de 27 804 habitants que Bakel, 2 sièges ; Saint-Louis 231 228 habitants, soit 8 283 habitants de plus que Bakel, 04 sièges ».

Ainsi, le décret du président de la République qui ne devait être que complémentaire des dispositions préétablies dans le code électoral, s’est-il mis à équidistance de la loi. Des raisons subjectives ont guidé son élaboration qui ne vise, en définitive, qu’à amoindrir les obstacles qui se posent sur le chemin de la victoire du « Sopi » en 2007. Abdoulaye Wade a « surchargé » les localités où il espère recueillir le plus grand nombre de suffrages tout en limitant les dégâts liés aux investitures. Le cas de Saint-Louis en est l’exemple type. Dans cette circonscription électorale, le Pds dispose d’une kyrielle de responsables qu’il lui sera presque impossible d’investir en même temps, à moins qu’il fasse recours à la liste proportionnelle pour y caser certains. L’opération « d’élargissement et de sécurisation » du Pds menée par le secrétaire national adjoint du Pds, Macky Sall, avait donné un avant-goût des difficultés qui se poseraient aux libéraux dans la vieille  ville.  Il a fallu attendre la veille du départ de Macky Sall, soit 48 heures de négociations, pour que les responsables locaux lâchent du lest et trouvent un consensus de sortie de crise. Le Pds qui comptabilise pas moins de quatre ministres dont le directeur des structures, Ousmane Masseck Ndiaye, le très politique, Ousmane Ngom, le président de la fédération, Cheikh Tidiane Sy, et au moment où on parle de parité, Maïmouna Sourang Ndir, en plus de responsables dont Ameth Fall Baraya ayant déjà manifesté leur ambition, le Pds donc, devra faire preuve de beaucoup de tact pour satisfaire toutes ces sensibilités.

Deux Mbourois pour un Fatickois

L’autre contradiction que livre le décret n° 2006-1350 du 8 décembre 2006 est relative à la position très privilégiée qu’occupe Fatick, le département du Premier ministre, Macky Sall, dans la répartition des députés sur la liste majoritaire.

Comment comprendre que les circonscriptions électorales de Fatick et de Mbour aient le même nombre de siéges (trois) ? Alors que le département d’où est originaire le Premier secrétaire du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, avec ses 529 000 habitants et 215 801 inscrits, accueille près du double de la population de Fatick (271 139 habitants) et des électeurs (102977 inscrits) de la localité du Premier ministre, Macky Sall.

Ainsi donc, la voix d’un Fatickois compterait pour deux Mbourois. L’égalité des Sénégalais est en cause. Et ce n’est pas le seul privilège fait à Fatick. Avec 287 996 habitants, donc plus que Fatick, Nioro, département d’origine du leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp), Moustapha Niasse, compte deux députés. La volonté du président de la République d’affaiblir les leaders de l’opposition est manifeste. Et l’on ne peut être que dubitatif quand il dit vouloir une opposition forte au Parlement. L’acte de Me Wade est d’autant plus troublant que le chef de l’Etat a enfilé le manteau de Secrétaire général national du Pds en signant le décret de répartition des siéges à l’Assemblée nationale. La marge d’erreur est pourtant très réduite pour n’importe quel chef de l’Exécutif soucieux de se conformer à la loi dans la clé de répartition des députés. Suivons, à cet égard, les indications du responsable socialiste, Serigne Mbaye Thiam, dans une interview accordée au journal « Le Quotidien » : « Il suffit de prendre la population totale du Sénégal qui est environ de 11 millions d’habitants, de le diviser par le nombre total des députés, soit 90 et vous avez un quotient national. Vous faites le rapport entre la population de chaque département et le quotient national. Vous avez une première répartition et les restes. Ensuite, vous répartissez les restes ».

Le président de la République a bien quelque chose à craindre des prochaines élections en se livrant constamment à un tripatouillage des textes. Au cours de ces derniers mois, le Parlement a subi pas moins de trois modifications de loi qui fragilisent les institutions. Les Législatives ont été reportées de près d’une année et jumelées à la Présidentielle ; sous Wade, le nombre des députés est passé de 140 à 120 avant d’être ramené, cinq années plus tard, à 150 ; la deuxième chambre, le Sénat, dissout aux premières heures de l’Alternance, est remise sur les tablettes. Que craint donc Wade sinon que d’être mis en minorité à l’Assemblée nationale ? Beaucoup d’évènements défavorables à l’Alternance se sont passés depuis les dernières Législatives de 2001 au terme desquelles la coalition «Sopi» a remporté 89 des 120 siéges, soit 49,6 % des suffrages exprimés. Aujourd’hui, Wade ne peut plus se prévaloir d’une telle représentativité. Non seulement l’un de ses alliés, la Ld/Mpt a, entre-temps, rallié l’opposition, mais Wade ne fait plus rêver les Sénégalais, confrontés présentement aux plus dures périodes de leur existence. « Ni gaz, ni électricité, ni charbon. Où va le Sénégal ? ». Ce slogan, utilisé par des jeunes de l’opposition comme moyen de propagande contre l’actuel régime, résume pourtant la situation de paupérisation des Sénégalais. Sans oublier les scandales à répétition qui sont le lot quotidien du système « Sopi ». « Goorgorlu » (crève-la-faim) et « Ndioublang » (roublard) restent le symbole du Sénégalais. Wade a bien quelque chose à craindre de cette situation.

Sa décision d’affaiblir l’opposition, notamment les partis de moindre envergure, s’affirme dans le partage des députés entre liste majoritaire et liste nationale. Les électeurs sénégalais, habitués à avoir le même nombre de « députables » sur les deux listes, seront surpris de constater que 90 siéges reviendront aux listes départementales et 60 seulement à la liste nationale. Déjà que la formule du « raw gadou » qui permet à une formation ou à une coalition sortie première dans une circonscription électorale de remporter tous les siéges mis en compétition était dénoncée du temps de Diouf, qu’adviendra-t-il de cette propension de Wade à renforcer les listes majoritaires au détriment de la liste nationale ? Aux dernières législatives, l’opposition s’était partagé 31 sièges sur les 120 disponibles. L’Afp en a raflé 11, le Ps 10, l’Urd 3, et And-Jëf/Pads 2. Les défuntes formations du Pls de Me Ousmane Ngom et du Ppc de Me Mbaye Jacques Diop, l’Apj/Jëf-Jël de Talla Sylla, le Rnd de Madior Diouf, le Pit de Amath Dansokho s’en sont sortis avec chacun un député. Et parmi tous les partis et coalitions de l’opposition qui étaient en lice en 2001, seules l’Afp de Moustapha Niasse dans le département de Nioro et l’Urd de Djibo Kâ à Linguère ont remporté une circonscription électorale. Tout le reste avait dû leur présence au Parlement à la liste nationale. On sera loin du compte en 2007. Une régression démocratique.



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