
Le GPS a émis un long bip sonore. Séjour plus que privé en Europe. Où était donc passé le président Wade ? C’est que question, aussi simple de libellé que lourde de sous-entendus, qui n’a pas encore connu de réponse. Mystère. Les journalistes ont baissé les armes devant le verrouillage systématique opéré par l’entourage du vieux président.
Un violent no comment, entre pudeur, impuissance et désolation. Le produit le plus attractif pour la presse sénégalaise, le personnage hors-normes déclaré inclassable dans le palmarès de « l’homme de l’année » au Sénégal en raison de sa fréquence d’apparition à la « une » des journaux, on veut nommer le président Wade himself, a ainsi échappé de longues heures à la vigilance des radars médiatiques, si prompts à le suivre à la trace. L’écran de contrôle est resté immaculé de longues heures, sans nouvelles, long comme un jour sans électricité…
TRAÇABILITE.
Mercredi 26 janvier. Dakar. Le président de la République reçoit les dirigeants d’entreprises de presse, bizarrement appelés d’ailleurs « patrons » au palais de la République. Selon les participants à la rencontre, le « Pape du Sopi », El Hadj Abdoulaye Wade, ne plane pas sur son monde comme à son habitude et il n’en mène d’ailleurs pas large. Il n’est pas fringant mais l’esprit reste alerte. L’animal politique sourd toujours chez lui et en ces temps de mauvaise passe au sein de l’opinion, avec la crise ambiante, vaut mieux caresser dans le sens du poil la plèbe médiatique.
Il contrôle les débats et dit à ses interlocuteurs ce qu’ils étaient venus entendre : liberté de la presse, apaisement, exonérations fiscales, mais il ne saurait être homme de concessions à tout-va : l’affaire du terrain du groupe Sud Communication ? Non, non, « ces gens-là veulent ma perte ; le groupe Sud, c’est quelque par Abdou Latif Coulibaly qui veut m’a causé beaucoup de tort ; l’homme qui m’a le plus fait mal. C’est une question d’honneur. Ils n’auront rien », raisonne t-il à moins que ce ne soit une défaillance dans l’analyse et là, il faudrait trouver une explication rationnelle à la volonté du pouvoir de couler « Sud », à l’instar de ce qui se passe avec l’entreprise Jean Lefebvre Sénégal. Négociations sur le prix du mètre carré foncier à Dakar.
Les programmes ? « Un ami à qui je montrais des images des télés sénégalaises a remarqué qu’on dansait beaucoup au Sénégal ! C’est parce que ses habitants sont heureux… » Rires dans la salle des banquets du palais de la République du Sénégal en l’an de grâce 2011. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes. Enfin, la perle wadienne, le propos qui pourrait faire le top au best-off : « il y a trop de Tatou Laobé (Ndlr – danse salace et suggestive) sur vos chaînes de télévision ! » Tout le monde rentre content et une partie de la presse peut titrer le lendemain qu’elle a soldé ses comptes avec le pouvoir libéral et que le pays est sur les rails de l’émergence…
Mais comme des torches dans une nuit d’hivernage en pleine brousse, des publications notent la fatigue du chef de l’Etat. Récemment, Mme Marie Faye, une ancienne membre des Cadres libéraux, présentée comme délurée par « les gens du Pds » –ainsi que les appellent les plus irréductibles de leurs adversaires-, a été condamnée par les tribunaux pour avoir déclaré publiquement que Me Wade était souffrant et que ses proches le bourraient de médicaments pour qu’il puisse tenir. Sacrilège !
Pour rassurer ses compatriotes, -il n’a jamais baissé les bras dans sa vie, sauf peut-être les mois qui ont précédé sa victoire en 2000, quand, selon Amath Dansokho et les animateurs du feu « Pôle de Gauche », il avait fallu le trouver à Versailles pour le convaincre du fait que le pouvoir socialiste de Diouf était cramé et que le pouvoir était à ramasser lors des prochaines élections, - fissa fissa il s’en va effectuer le petit pèlerinage à La Mecque et courts à petites foulées devant les caméras, que dis je, les loupes de la Rts, lors du fameux circuit de Saafa et Marwa aux Lieux saints de l’Islam. Pour que nul n’en ignore. Quand le chef de l’Etat quitte le Sénégal pour la France, au lendemain de sa rencontre avec les éditeurs et diffuseurs de presse, ça ronronne tranquillement. La couverture des voyages de Wade est devenue routinière, mais cette fois-ci, la presse sénégalaise découvre qu’elle était tombée dans la facilité.
Depuis 2000, le président Wade n’invitant qu’exceptionnellement des confrères dakarois pour l’accompagner lors de ses voyages, le public sénégalais se contente des produits de la Rts et des médias européens, surtout français, à qui Gorgui accorde la primeur de ses déclarations ou initiatives médiatiques. Par procuration, Wade étant devenu également une attraction pour les médias occidentaux, à l’affut de la moindre « originalité », surtout par paresse ou manque de moyens, les journalistes sénégalais ont donc dû se résoudre à l’évidence. Ils ne peuvent pas contrôler ses déplacements et le président Wade a les moyens de les semer. Ne garderons nous pas à l’esprit pour toujours le label « Ndiombor » -le rusé- qu’a affublé Senghor à Wade ?
MINUTAGE
Mardi 01er février. Auschwitz-Birkenau. Pologne. 130 personnalités d’Europe et du monde arabo-musulman ont fait le voyage. Il y a là des maires de grandes villes du Maghreb et d’Afrique, plusieurs chefs d’Etat à la retraite, des imams, des intellectuels, des historiens. Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco, l’ancien chancelier Allemand Gerhard Schröder, l’ancien président Mauritanien Ely Ould Mohamed Vall, font également partie de ce "voyage historique" aux côtés de rabbins et de survivants de la Shoah. Point de Wade qui était pourtant bien présent la veille à la mairie de Paris, aux côtés du maire Betrand Delanoë pour préparer une visite mémorable au plus sinistre camp d’extermination de juifs lors de la seconde guerre mondiale.
A Paris, il plaide d’ailleurs pour le non-oubli d’une autre tragédie : l’esclavage… L’absence de Wade étonne naturellement. Radio-France International, justement, avait un envoyé spécial sur les lieux, en Pologne. Damien Simonart écrit : « A l’exception du président sénégalais, Abdoulaye Wade, retardé à la dernière minute, l’ensemble des personnalités ont répondu présent ce mardi matin 1er février devant l’entrée du camp d’extermination de Birkenau. » A Dakar, c’est la confusion et les plus folles rumeurs courent dans la nuit du lundi 31 janvier au mardi 01er février. Il rate l’inauguration à Dakar d’une clinique spécialisée… »Cardio-Life » que ça s’appelle comme un clin d’œil… Seul, son ministre-conseiller et porte-parole, Serigne Mbacké Ndiaye, monte au créneau pour faire taire les rumeurs. Quelle gageure !
Le gouvernement préfère demeurer aphone. Effectivement, il n y avait pas de quoi fouetter un chat. La preuve ? On est passé par-dessus le blitz, et Me Wade est revenu en grandes pompes à Dakar, la presse disséquant ses moindres faits et gestes, sa démarche, sa gestuelle, l’intonation de sa voix. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! Voyeurisme ? Non, demande légitime. Le président de la République, on ne le répétera jamais assez, n’est pas n’importe qui ! Il y a déjà eu un précédent, en novembre 2005. Alors qu’il se trouvait en vacances en France, une rumeur avait envoyé Gorgui ad patres.
Et c’est Me Wade en personne qui avait apporté un démenti cinglant à cette rumeur en appelant directement au téléphone le président-directeur général de Wal Fadjri, Sidy Lamine Niasse, au cours d’une concertation entre le Premier ministre d’alors, Macky Sall, et le collectif des journalistes pour la défense des libertés de presse. « Je suis vivant et je suis à Paris », avait déclaré Me Wade au bout du fil. Cette fois-ci, on a dû se rendre à l’évidence. Quoi cacher ? Ne parle-t-on pas d’un homme ? Défaite des médias, mais aussi incurie communicationnelle du pouvoir. Les Sénégalais seraient donc de grands enfants, immatures pour ne pas endosser des informations « sensibles ». Ce n’est plus le droit de savoir, c’est l’exigence de respect que l’on doit aux populations. De la rumeur, on en sait que trop de ses méfaits. Où s’arrête la vie privée des chefs d’Etat ? Quid des bulletins de santé ?
Un « simple » communiqué de presse aurait-il été de trop pour éclairer la lanterne des Sénégalais ? Il faudra bien s’y habituer : certains n’acceptent toujours pas que cacher une ombre est un exercice fort vain. Pendant ce temps, le principal concerné, depuis son retour sur la terre de Dakar, déroule comme d’habitude. Au pas de charge, il a recommencé à honorer son agenda et le Forum social mondial est tombé bien à propos. Wade, un éternel marathonien…
12 Commentaires
Loko
En Février, 2011 (08:34 AM)Dioufin
En Février, 2011 (08:38 AM)Ndar
En Février, 2011 (08:42 AM)VIVE WADE VIVE WADE VIVE WADE
Hibou
En Février, 2011 (08:46 AM)Xoslu Cincinnati
En Février, 2011 (08:52 AM)Kabre
En Février, 2011 (08:58 AM)Nandité
En Février, 2011 (09:11 AM)Jack
En Février, 2011 (09:39 AM)Ibou
En Février, 2011 (09:44 AM)Ca vaut aussi bien pour ceux qui s'éternisent là-dessus que pour ceux qui cherchent à le nier
Xalaas
En Février, 2011 (09:52 AM)Xalaas !
Xalaas
En Février, 2011 (10:18 AM)Xalaas !
Dvd
En Février, 2011 (12:03 PM)Participer à la Discussion