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AWA MARIE COLL SECK, DIRECTRICE EXECUTIVE DE ROLL BACK MALARIA: « Faire de la Journée africaine du paludisme une opportunité pour mobiliser la communauté internationale »

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AWA MARIE COLL SECK, DIRECTRICE EXECUTIVE DE ROLL BACK MALARIA: « Faire de la Journée africaine du paludisme une opportunité pour mobiliser la communauté internationale »

Faudrait - il encore le rappeler, le paludisme est responsable chaque année de plus de 300 millions de cas de maladie aiguë et d’au moins un million de décès dont 90% en Afrique subsaharienne et principalement chez les jeunes enfants (1 décès toutes les 30 secondes). Une journée du paludisme en Afrique a été instituée par la Communauté internationale. Dans cette interview, l’ancienne ministre de la Santé du Sénégal, le Pr Awa Marie Coll Seck, Directrice exécutive du Roll Back Malaria, nous situe l’enjeu et les défis auxquels son organisation et les pays africains doivent faire face pour gagner la bataille et réduire consécutivement de moitié la maladie en 2010.

Le 25 avril prochain, il sera beaucoup question du paludisme en Afrique. Pourquoi une journée du paludisme en Afrique ?

"La Journée africaine du paludisme est commémorée chaque année le 25 avril. Ce sont les Chefs d’Etats Africains qui ont dédié cette journée au paludisme en 2000 à Abuja, au sommet sur le paludisme. Des objectifs et des résultats ont été fixés relativement à la nécessité de se mobiliser au plus haut niveau et de faire un suivi et une évaluation de la mise en œuvre des programmes retenus. La Journée africaine du paludisme est dès lors une opportunité pour le « Partenariat Faire reculer le paludisme » de mobiliser la communauté internationale solidaire des pays africains qui luttent contre ce fléau, en soutenant divers événements et activités de par le monde. Une commémoration de cette journée aura lieu dans plusieurs pays africains au cours des jours précédents le 25 avril ainsi que la journée même. En plus, le Rwanda est le pays choisi cette année pour abriter la cérémonie officielle africaine. En Europe, de nombreuses coalitions et alliances contre le paludisme organiseront des activités de plaidoirie auprès des parlements, leaders d’opinion et autres acteurs de la société civile alors que les États-Unis commémoreront leur première « Journée de conscientisation sur le paludisme » ( Malaria Awareness Day). La Journée africaine du paludisme 2007 mettra l’accent sur la nécessité de travailler en partenariat afin de renverser la progression du paludisme et avoir un impact considérable dans les pays endémiques. Le thème est : "Leadership et partenariat pour des résultats, maintenant !"

Des médicaments existent mais sont souvent hors de portée des pauvres. Que fait votre organisation pour accompagner les pays africains ?

" La résistance contre la chloroquine et les autres médicaments antipalustres relativement bon marché s’est quasiment généralisée. Heureusement nous disposons aujourd’hui de l’artémisinine, tirée d’une plante traditionnelle chinoise. C’est le seul médicament qui nous reste actuellement pour lutter efficacement contre le paludisme. Mais elle est nettement plus chère et pour retarder le plus longtemps possible l’émergence de parasites résistants, elle ne doit être administrée qu’en combinaison avec d’autres médicaments. Ces artémisinines en combinaison thérapeutique (ACT) sont évidemment encore plus chères et donc inaccessibles pour une large partie des populations vivant dans les zones où le paludisme sévit. Pour ces raisons, le Partenariat Roll Back Malaria (RBM) œuvre pour le moment à la mise en place d’une subvention internationale à l’achat de ces ACT, qui devra ramener leur prix de livraison dans les pays au niveau de celui de chloroquine, c’est-à-dire à moins de 10 centimes de dollars. Tous les problèmes ne seront pas résolus mais l’accessibilité financière acquise, il faudra aussi trouver des solutions à d’autres obstacles identifiés pour un approvisionnement et une distribution efficaces comme pour l’utilisation adéquate des médicaments."

Le coût économique du paludisme en Afrique est estimé à 12 milliards de dollars US, comme vous l’aviez vous-même annoncé. Quelle valeur ajoutée pourrait avoir la diminution de moitié de la maladie sur le développement en Afrique ?

La diminution de moitié en 2010 du fardeau du paludisme sera le premier grand pas vers l’atteinte d’au moins 6 sur les 8 des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2015. En plus de l’aspect humain relatif à la diminution du nombre de malades et de cas de décès, la réduction du fardeau du paludisme libère des ressources financières et humaines additionnelles dans le secteur de la santé. Des lits sur-occupés dans le passé sont désormais disponibles pour accueillir des urgences ou d’autres pathologies. Le personnel trouve le temps de s’engager dans des activités négligées du passé comme l’éducation sanitaire de proximité, la formation continue, la supervision entre autres. L’impact sur l’éducation par la diminution de l’absentéisme chez les enfants comme chez les enseignants est certain. Le monde du travail pour les mêmes raisons voit sa production s’améliorer avec une conséquence positive sur les indicateurs économiques. Même les foyers les plus pauvres qui dans certains pays mettent jusqu’à 40% de leurs revenus dans l’achat de médicaments anti-palustres et de moyens préventifs bénéficieront de cette réduction de morbidité. La lutte contre le paludisme est partie intégrante de la lutte contre la pauvreté dans les pays endémiques. Aussi la diminution de moitié et encore plus l’élimination du paludisme sont des facteurs de développement."

Pensez - vous que la Communauté internationale a pris la mesure de toute l’ampleur des ravages de cette pandémie alors qu’une réponse financière internationale est aujourd’hui à une échelle où un impact réel devient possible ?

La réponse financière internationale est aujourd’hui à un niveau où un impact devient possible. Cependant je conviens avec vous que des efforts restent encore à faire pour assurer un succès à large échelle et maintenir les acquis. Il faut saluer l’engagement de la communauté internationale à travers les agences bilatérales et multilatérales, mais surtout les initiatives spéciales comme l’initiative présidentielle américaine contre le paludisme (PMI), celle de la banque mondiale encore appelée "Booster programme", les appuis des fondations particulièrement la fondation Bill et Melinda Gates et bien sûr le Fonds mondial SIDA Tuberculose et Paludisme. Quand, l’initiative Roll Back Malaria a été lancée, moins de 60 millions étaient disponibles pour la lutte contre le paludisme dans le monde. Nous avons eu plus d’1 milliard de dollars américains pour l’année 2006 dont les 2/3 viennent du Fonds mondial. Si ces montants sont en progression très importante, ils n’atteignent pas encore les niveaux nécessaires au contrôle de la maladie qui sont estimés à 3 milliards de dollars par an. Le plaidoyer pour plus de ressources financières et d’assistance technique doit se renforcer pour permettre aux pays d’avoir des succès encore plus grands

Fin 2005, l’absence de financement pour l’introduction d’ACT en Guinée où 15% des décès et 35% des consultations sont dus au palu, a conduit les autorités sanitaires à poursuivre l’utilisation de Chloroquine, qui est pourtant inefficace. Pensez-vous que Michel Kazatchkine, le nouveau directeur du Fonds Mondial, sera assez proche des préoccupations de l’Afrique alors que cette même institution avait refusé en septembre 2005 de débloquer au profit de la Guinée une subvention de 15.7 millions de dollars consécutive à un accord de financement du Global Fund (GFATM).

Les propositions envoyées au Fonds Mondial par les pays sont examinées par un comité d’experts indépendant qui les valide ou non en fonction de critères techniques et de l’évaluation de la performance des dons précédents. Il s’agit d’un processus transparent qui s’améliore de plus en plus. Concernant les médicaments contre le paludisme, des voix se sont élevées pour que des mesures soient prises par le Fonds afin qu’il n’y ait pas de rupture dans les pays, même après l’échec d’une proposition. La situation de la Guinée ou d’autres pays comme le Libéria ou le Burundi est douloureuse et nécessite la recherche d’alternatives. C’est pour cela que les partenaires de l’initiative Roll Back Malaria (RBM) ont négocié avec des institutions comme l’UNITAID (institution financière pour les médicaments dédiés aux 3 maladies que sont le SIDA, la tuberculose et le paludisme, basée sur une levée sur les billets d’avions.). En plus, nous travaillons sur une subvention internationale pour les nouveaux médicaments antipaludiques (ACT) qui permettra d’avoir au niveau des pays que ce soit dans le secteur public, privé ou les ONG, des médicaments à prix réduits équivalent à celui de la Chloroquine, donc abordables pour les personnes qui vivent dans les endroits les plus reculés et les populations les plus pauvres. Cela permettra également aux gouvernements des pays endémiques de mieux planifier leur approvisionnement et de mettre cette rubrique médicaments anti-palustres dans leur propre budget. Concernant le Pr Michel Kazatchkine, c’est un ami de l’Afrique et un grand homme. J’ai l’intime conviction qu’il sera très attentif aux préoccupations de l’Afrique.

Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE

EXERGUES

1- L’artémisinine est le seul médicament qui nous reste actuellement pour lutter efficacement contre le paludisme. Mais elle est nettement plus chère…

2- La lutte contre le paludisme est partie intégrante de la lutte contre la pauvreté dans les pays endémiques.et son élimination est un facteur de développement

3- La réponse financière internationale contre le paludisme est aujourd’hui à un niveau où un impact devient possible mais des efforts restent encore à faire pour assurer un succès à large échelle



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