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Bara Tall : " Pourquoi j’ai assigné l’État en Justice et pourquoi mes entreprises quittent le Sénégal, mon pays"

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Bara Tall : " Pourquoi j’ai assigné l’État en Justice et pourquoi mes entreprises quittent le Sénégal, mon pays"
Tout d’abord, je sollicite la compréhension de tous ceux qui me liront ce jour et certainement m’entendront parler les jours à venir à la première personne du singulier, dérogeant ainsi au principe de silence médiatique que je me suis toujours imposé. C’est la situation qui l’exige car beaucoup doivent savoir à partir de maintenant. De ma propre plume, de ma propre bouche.

L’entreprise Jean Lefebvre est installée au Sénégal depuis 56 ans, donc avant ma naissance. Bien que de droit français, son agence fut confiée en 1987 à des cadres sénégalais qui avaient fini d’y faire leurs preuves et j’eus la chance d’en être le premier Directeur non français. Moins de dix ans plus tard, en 1996, cette agence de droit français fut transformée en filiale de droit sénégalais avec ma prise de participation dans le capital, et, quatre ans plus tard, après en avoir fait un des leaders du Btp dans la sous-région, j’en deviens l’unique propriétaire, avec la bénédiction et le soutien de mon ancien employeur français, le Groupe Vinci, N°1 mondial du Btp. Ce statut de major entièrement sénégalais a renforcé le rôle citoyen de mon entreprise, qu’elle n’a du reste jamais cessé de jouer. Ce qui m’a souvent conduit à m’engager corps et âme dans la concrétisation de projets majeurs, sans que les moyens financiers de l’État ne suivent. Ceci m’a valu à plusieurs reprises d’être encouragé, félicité et cité en exemple, publiquement, par les plus hautes autorités de cet État. Du jour au lendemain, cet engagement citoyen a été retourné contre moi, pour des raisons que l’Histoire jugera. Pensait-on que je ne pouvais rien refuser à cet État ? Croyait-on que j’étais le plus malléable, car n’étant plus sous la tutelle d’une puissante multinationale étrangère ? Je fus accusé, harcelé, puis jeté en prison pendant soixante-douze (72) jours. J’ai été alors contraint de me défendre avec mes arguments et aujourd’hui, si cela s’avérait encore nécessaire, je continuerais de me défendre avec beaucoup plus d’arguments. Je suis sorti de prison sans réellement savoir pourquoi j’y étais entré et, sans récrimination aucune, je suis retourné à mon travail et j’ai essayé de panser mes blessures et celles des miens, de recoller les fissures infligées à toutes mes activités qui vont au-delà du Btp, décidé que j’étais à ne pas me retourner, car ayant la conscience tranquille d’avoir fait exactement ce que j’avais à faire, si j’en jugeais par le soutien populaire dont j’ai bénéficié. J’en profite pour dire, encore une fois, MERCI à tous. Ce regard tourné vers l’avenir, dans le cadre strict de mes activités professionnelles, fut partagé, je dois à la vérité de le dire, par le président de la République, lors de l’audience fortement médiatisée qu’il m’a accordée à ma sortie de prison. Malheureusement, comme du reste on me l’avait fait comprendre sans que j’y accorde un crédit quelconque, d’autres avaient décidé, au nom d’un supposé règlement de comptes ( ?), qu’il n’en serait rien. Mon avenir et celui de mes entreprises devraient forcément en pâtir. J’ai entendu dire, sans y croire, qu’on allait me détruire, moi et mes entreprises. Pour cela, la consigne aurait été la paralysie totale de l’activité, accompagnée d’une asphyxie financière. Traduction concrète : Que je ne gagne plus de marché et que l’on bloque mes paiements des travaux déjà exécutés qui me permettraient de survivre. J’ai beau ne pas avoir cru à pareille chose, mais, un an et demi plus tard, force est de constater que je dois me résoudre à cette réalité :
  Nous avons été systématiquement écartés de tous les appels d’offres sur lesquels nous étions les moins-disants – et qui devraient normalement nous revenir – pour des raisons diverses et variées, parfois complètement farfelues. Les paiements de travaux exécutés et réceptionnés depuis deux ans ont été bloqués, utilisés à d’autres fins, bien qu’étant inscrits dans les budgets successifs de 2007 et 2008. Ayant été privés d’un chiffre d’affaires d’une centaine de milliards, équivalent à plus de trois années d’activités, nous allions nous retrouver dans quelques mois avec une activité zéro dans notre propre pays où, pendant la même période, les entreprises étrangères qui étaient derrière nous se vantent aujourd’hui d’avoir triplé leur chiffre d’affaires. Cette situation de privation délibérée d’activité et de rétention abusive de paiements nous a causé des préjudices énormes qui vont jusqu’à menacer la survie de nos entreprises. C’est pourquoi nous avons procédé à une estimation de ces préjudices et en demandons réparation à l’État qui, à l’origine et en dernier ressort, en est responsable. Il est très important de préciser que nous n’avons pas fixé le montant de la réparation demandée. Nous avons simplement tenu à évaluer le préjudice que nous estimons avoir subi, pour que ceux qui certainement n’auront pas la possibilité de tout réparer, compte tenu de la situation où le pays est plongé, sachent néanmoins ce qu’ils ont détruit. En effet, en intentant cette action, notre priorité réside d’abord dans les principes et la morale de l’Histoire. Après la procédure administrative infructueuse, nous avons épuisé toutes les voies de négociation et de conciliation possibles et nous nous sommes toujours heurtés à un mur d’indifférence. Nous sommes donc aujourd’hui conduits à introduire, au nom de ces principes, une procédure contentieuse en assignant l’État sénégalais en Justice pour avoir le droit élémentaire de travailler honnêtement dans notre pays et de pouvoir jouir du fruit de ce travail. Tout simplement. Nous ne renoncerons jamais à ce droit. Nous ferons face. Judiciairement, médiatiquement. En attendant, nul n’étant apparemment prophète en son pays, nous avions décidé par anticipation de nous délocaliser pour survivre, en attendant de revenir. Nous organisons notre émigration en renforçant notre installation en Gambie et dans les pays de l’Uemoa où nos investissements seront transférés. Nous remercions très sincèrement les autorités gambiennes de nous avoir grandement facilité la tâche en respectant, parfois même à l’avance, tous leurs engagements financiers. Notre siège reste et demeure néanmoins au Sénégal car, comme il en a été ainsi jusqu’à ce jour, tout ce que nous aurons reviendra dans notre pays qui nous a tout donné. Ceci pour dire, contrairement à ce que pensent certains, que nous ne déposons pas le bilan, nous ne disparaissons pas. Notre activité continue. Elle ne fait que se déplacer. En attendant des jours meilleurs.

Bara TALL Ingénieur Polytechnique de Thiès Chef d’entreprises sénégalais



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