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CHEIKH DOUDOU MBAYE, TRAVAILLEUR SOCIAL : « Je ne suis pas homosexuel et je n’en serai jamais un »

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CHEIKH DOUDOU MBAYE, TRAVAILLEUR SOCIAL : « Je ne suis pas homosexuel et je n’en serai jamais un »

En entendant la voix de son mari, qu’elle reconnaîtrait entre mille, s’élever à la radio, pour dire qu’il n’est pas homosexuel et qu’il ne le sera jamais, Mme S., épouse de Cheikh Doudou Mbaye, tombe en syncope au milieu du salon de coiffure, où elle se trouvait. Mise au parfum de la photo de son fils sur un journal pour illustrer un article sur les jeux olympiques des homosexuels au Canada, sa mère pique une crise de nerfs et se réfugie chez l’une de ses filles. En sortant de sa maison, Cheikh Doudou tend spontanément la main à une voisine, qui le regarde avec dédain et lui lance : « retiens ta main, je ne salue pas les gens de ton espèce ». On est devenu dingue pour moins que ça ! Ce chapelet de frustrations en une seule matinée, Cheikh Doudou Mbaye, travailleur social, le doit à un article paru hier, 3 août dans un quotidien de la place. L’intitulé « jeux olympiques de Outgames : un Sénégalais en piste », pourrait faire penser aux lecteurs que Cheikh Doudou Mbaye fait partie de la délégation d’homosexuels qui a défilé au Canada. « Il n’en est rien », hurle presque Cheikh Mbaye. Entretien...

Parlez-nous un peu de votre travail dans le milieu de l’homosexualité.

Depuis quatre ans que je suis revenu de la Suisse où j’ai fait mes études, j’ai rejoint une grande organisation internationale qui s’occupe de tout ce qui est lié au Vih. Ces dernières années, je me suis beaucoup penché sur la problématique de l’homosexualité au Sénégal, concernant les volets prise en charge et prévention. Avant même que je ne m’occupe de ce chapitre, il m’est arrivé de faire pas mal de plaidoyer pour une meilleure prise en charge de la question sur l’angle de la santé publique pour que les gens puissent avoir accès au soin et être au même pied que tout citoyen par rapport à la lutte contre le Sida. Mais, cela a toujours été clair dans nos têtes qu’il n’est pas question d’excuser la pratique homosexuelle. Le Sénégal est un pays à majorité musulmane, nos valeurs culturelles ne nous l’auraient jamais permis. Ce qui fait que même dans nos approches préventives, on avait une démarche très éducative.

Comment vous êtes-vous retrouvé au Canada ?

Par curiosité, et pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des homosexuels. J’étais tout le temps sur Internet pour voir ce qui se passe dans les autres pays, pour comparer avec le Sénégal, savoir où nous en sommes, où nous allons, quelles sont les opportunités pour ne pas transposer ce qui se passe dans les autres pays. Un jour, je suis tombé sur une annonce faisant état d’une conférence internationale sur la problématique des homosexuels, lesbiennes, gays, bisexuels et trans-genres : un thème émergent. Peu d’Ong s’y intéressaient. A ce moment, j’étais encore dans mon ancienne Ong. Entre-temps, il y a eu une séparation à l’amiable avec mes employeurs, mais je continuais à recevoir la documentation. Je ne m’intéressais pas du tout aux outgames, les olympiades des homosexuels, mais aux divers thèmes qui seront débattus en marge de cette conférence. Ils m’ont offert une bourse et je devais payer 200 dollars pour y aller. Dans un premier temps, je ne devais pas participer à ce panel, j’ai remplacé au pied levé un Kenyan qui a eu des problèmes de visa. Ils m’ont demandé ce qui se passait dans mon pays, je leur ai dit que c’est très différent de ce qu’ils ont dit. J’ai ajouté qu’il y a une grande communauté homosexuelle, mais que ce n’est pas demain la veille qu’ils vont afficher leurs choix au vu et au su de tout le monde.

Comment un hétérosexuel peut être aussi à l’aise pour parler des problèmes d’homosexuels ?

Ils étaient beaucoup étonnés de cet aspect. Je leur ai dit que j’ai été à bonne école à l’Ong où je travaillais. J’ai été coaché par un leader dans ce domaine qui est loin d’être un homosexuel. Avant lui, d’autres membres de grandes organisations ont travaillé sur le thème. C’est un thème qui m’a toujours intéressé et qui n’a rien à voir avec ma vie privée. Je suis marié, j’ai ma fille...Je défends mon hétérosexualité, je ne suis pas homosexuel, je n’ai aucune relation intime avec les homos. Dès que j’ai commencé à fréquenter la communauté homosexuelle, j’ai reçu des menaces, mais cela ne m’a jamais fait peur, ni découragé.

Comment avez-vous réagi en voyant votre photo à la Une d’un journal et le titre : jeux olympiques des outgames, un Sénégalais en piste ?

J’avoue que lorsque j’ai écouté la revue de presse, en début de journée, cela ne m’a fait ni chaud ni froid. Ils ont juste parlé des outgames et ont dit qu’en marge de ces outgames, il s’est tenu une conférence, au cours de laquelle un Sénégalais s’est distingué. C’est vers midi que mon oncle m’a appelé pour me dire qu’il a vu ma photo en première page, dans un journal, disant que les athlètes homosexuels sénégalais sont en piste au Canada. Je tiens d’ailleurs à signaler qu’à ma connaissance, aucun Sénégalais n’a participé à ces olympiades. D’autre part, comme c’est écrit sur mon passeport, j’ai été au Canada du 24 au 31 juillet. Lorsque les outgames ont commencé, j’étais à Dakar. Je n’ai été à la tête d’aucune délégation homosexuelle pour aller à ces compétitions.

Comment votre famille a accueilli l’article ?

J’ai accordé un entretien à une radio et lorsque l’élément est passé, ma femme était dans le salon de coiffure où elle travaille. Elle s’est évanouie. Ma mère qui n’a jamais été d’accord de me voir travailler avec des homosexuels, que j’accompagnais à faire les tests de dépistage, par exemple, a piqué une crise et s’est réfugiée chez l’une de mes sœurs, loin de tout le remue-manège qu’il y avait dans la maison. En sortant ce matin, j’ai rencontré une voisine avec qui je plaisantais souvent. Je lui ai tendu la main, comme d’habitude, elle m’a dit vertement de la garder, parce qu’elle ne sert pas la main aux gens de mon espèce. Sans parler de ma belle-famille, des coups de fil qui fusent de partout depuis ce matin. C’est à devenir fou, ils m’ont fait terriblement mal ! C’est un préjudice familial énorme. Si j’avais su qu’une chose pareille allait m’arriver avec cette conférence, je n’y aurais jamais participé. Je regrette.



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