CHOMAGE, MARGINALISATION, ETC. : Le calvaire continu des employées de maison

Pendant les vacances, obtenir une place de domestique à Dakar est un véritable casse-tête pour nombre de filles venues des villages lointains chercher du travail. Et si elles trouvent un boulot, elles subissent souvent toute sortes de brimades.

« Je suis venue chercher du travail à Dakar afin de pouvoir aider ma famille qui se trouve dans le besoin. Mon mari est maçon et c’est avec beaucoup de difficultés qu’il parvient à joindre les deux bouts. Alors, avec son consentement, j’ai voulu l’aider. C’est pour cela que je suis là », confie N. MB, originaire de Dahra Djolof. Rencontrée au Rond point Liberté VI, elle dit habiter à Ouakam, un quartier de la banlieue dakaroise. Comme les autres femmes assises sur des nattes ou à même le sol sur ce site, N. Mb éprouve d’énormes difficultés pour avoir un travail stable en qualité de domestique.

Une situation qu’elle impute en partie aux employeurs. « Mon ancienne patronne trouve que j’étais difficile à vivre », raconte-t-elle. Mais, s’empresse-t-elle de réfuter cette étiquette : « si on veut se débarrasser d’une bonne, on lui colle toujours des motifs sans raisons valables, surtout pendant la fin du mois ». Elle se défend : « quand les patrons veulent te chercher des poux dans la tête, ils nous trouvent toujours un défaut. Et Dieu sait que nous maîtrisons parfaitement notre travail de femme, d’autant que certaines parmi nous sont des épouses ». Le calvaire que vit notre interlocutrice n’épargne pas les autres domestiques. Souvent intermédiaire entre les bonnes et les patrons, Michelle Diallo, originaire de Sokone, s’indigne : « ce qui nous fait mal le plus, c’est l’accusation de vol dont nous faisons très souvent l’objet. Certes, on peut se débarrasser de sa domestique sans même la payer, mais de là à l’accuser d’un acte qu’elle n’a jamais commis, c’est une chose indigne ». Elle poursuit : « bien qu’étant à Dakar pour les besoins du travail, il n’en demeure pas moins que tous nos faits et gestes sont surveillés depuis le village ». Mme Diallo dit toute sa compassion pour ces femmes « sans défense » et souvent marginalisées et maltraitées à leurs lieux de travail. « Dans certaines maisons, c’est la bonne qui fait tout.

Le linge, le ménage, la cuisine, le dîner, les commissions et même le thé pour certaines d’entre elles » explique-t-elle. Le mois de ramadan ne constitue pas un moment de répit pour les femmes. « Dans certaines maisons, les enfants s’amusent à tout salir. Mais nous ne rechignons pas à la tâche. Nous nous plions malgré tout à leur volonté, étant entendu que trouver du travail de nos jours est très difficile », se désole Mme Diallo. Pour protéger les domestiques, leurs aînées s’organisent à l’image de Mme Diallo. « Quand quelqu’un vient ici dans le but d’avoir une employée, je suis son interlocutrice directe. Je négocie avec lui pour fixer le montant à payer mensuellement. Si nous nous accordons sur une somme, je mets à sa disposition la pièce d’identité de la fille », fait savoir Michelle Diallo.

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, les aînées s’impliquent dans les conflits qui pourraient opposer les employeurs aux bonnes. Une dernière en date ayant défrayé la chronique, le différend qui a opposé des bonnes à la famille du célèbre chanteur Youssou Ndour. Michelle Diallo déplore la forte médiatisation qui a accompagné ce problème, tout en rendant « grâce à Dieu », après l’élargissement de prison des filles incriminées.

Et Mme Diallo d’interpeller le président de la République sur la situation des bonnes. « Il faut que les gens sachent que ce sont des filles parfois démunies qui viennent dans les villes à la recherche d’un emploi rémunérateur ; emploi qui pourrait les aider à subvenir aux besoins de leurs parents qu’elles ont laissés au village ». Espérons que cet appel sera bien entendu. C’est pourquoi, l’Etat doit les assister », plaide-t-elle.