COMMENTAIRE DU JOUR : Intolérance

« J’habite seul avec maman… Je fais le marché, je lave, j’essuie et je pique aussi à la machine… Je précise que seule la nature est responsable, si je suis un homo comme ils disent… » (Charles Aznavour)

De quoi je me mêle sommes-nous tentés de rétorquer assez sèchement à l’ancienne Métropole qui a déclaré au plus haut niveau se « préoccuper » vivement de nos mœurs, pardon du traitement « dégradant et inhumain » à ses yeux, que nous infligeons à nos homos depuis quelque temps. En vérité de partout dans le monde dit « civilisé » fusent des cris d’indignation contre la lourdeur du marteau de la justice sénégalaise qui s’est mise à « casser » à gros bras, de l’homo. Le lobby homo est puissant. Il le démontre. Tout comme le lobby juif…le lobby maraboutique.

On s’émeut et s’effarouche contre ces « barbares sénégalais » qui refusent de s’émanciper, de vivre leur époque, de permettre l’éclosion et le foisonnement des libertés individuelles et collectives. Au moyen-âge, ils sont, au moyen-âge, ils veulent rester, décrète-t-on de l’autre côté de l’Atlantique sans autre forme de procès. On sera désormais plus sévère dans le tri de leur arrivée chez nous, réexpédiant par fournées entières ceux qui auront pu se faufiler pour débarquer se dit-on certainement. Surtout quand on sait qu’ils sont des « bourreaux » chez-eux de ceux qui ont des choix individuels, choix qui fondent nos nations et nos règles de vie commune, trouve-t-on argument dans certains cercles bien pensants là-bas au pays de Sarkozy où le Conseil des ministres, s’est intéressé hier, mercredi 14 janvier à la répression sénégalaise des homos.

Insigne honneur d’être ainsi au cœur des inquiétudes françaises à si haut placé, en ces temps de crises multiples, multiformes et de plus en plus complexes, auxquelles, l’Occident, la France y comprise, le monde dit libre est confronté sans y apporter jusqu’ici solution idoine et durable. N’empêche, la France se sent responsable de son ex-colonie, de ce qui s’y fait aujourd’hui, du traitement dont sont l’objet ses anciens… « sujets », fussent-ils des homos. Elle ne saurait tolérer ces manquements aux libertés, à la civilisation qu’elle s’est évertuée des siècles durant à nous inculquer.

En vain, semble-t-il. Qu’elle arrête son char. Les Africains, les Sénégalais en particulier, aimeraient plutôt la voir s’offusquer de la mauvaise gouvernance de leurs dirigeants qu’elle soutient la plupart du temps ouvertement et même protège avec ses armées sur place, sans avoir à leur donner des leçons sur leurs propres us et coutumes pour barbares et arriérés qu’ils seraient ces us et coutumes à leurs yeux. Les Africains, les Sénégalais en particulier seraient heureux de faire moins l’objet de rejet et de brimade à Paris ou dans n’importe quelle ville occidentale où ils sont traqués parfois pire qu’à l’époque des négriers. Contents de savoir la France réellement engagée pour sauver les enfants palestiniens qui tombent comme des mouches sous les balles israéliennes.

Pour choquant et sélectif cependant ce tollé occidental n’en pose pas moins un problème réel de liberté individuelle chez-nous. De la faculté de disposer de soi en communauté. De cette peur de ramer à contre-courant de la meute qui nous étreint et nous empêche trop souvent de dénoncer les manquements préjudiciables à la société dans nos propres sociétés. Tant pis si de telles attitudes ont créé et créent des « rétrécisseurs de sexe » et l’inquisition qui va avec. Le choléra et son fulgurant développement depuis Touba. Les exemples peuvent être multipliés à l’infini.

La liberté est un des droits imprescriptibles de l’homme. La seule réserve est de ne pas porter atteinte aux droits d’autrui. Les libertés sont reconnues à tous. Même si leur usage ne saurait être illimité et que la loi sous toutes les latitudes prévoit des sanctions en cas d’abus de ces droits à la liberté : la liberté, ce n’est pas la liberté de faire n’importe quoi n’importe où.

Le législateur sénégalais, se fondant sur sa culture, ses croyances, les bonnes mœurs du point de vue de son entendement, a donc fourni moyen de réprimer toute atteinte à ce niveau, tout rapport contre nature. Mais, cinq ans, huit ans de réclusion… « criminelle ? », pour des actes « contre nature », certes répréhensibles, commis néanmoins par des individus assurément consentants. Il faut peut-être avouer qu’il y a quelques excès à sévir autant, d’autant plus que selon plusieurs juristes interrogés, notre droit positif réprime, il est vrai, les actes jugés « contre nature », punit l’homosexualité en tant que telle, mais seul le viol et la pédophilie devraient être ainsi criminalisés.

La loi fondamentale consacre par ailleurs les libertés, toutes les libertés qui ne nuisent point aux libertés d’autrui. Faut-il pour autant dépénaliser l’homosexualité ? Peut-être pas, pour protéger la société dans son ensemble, mais on gagnerait à être moins hypocrite, moins veule et plus tolérant. Les déviances ou considérées comme telles, sont de la nature et dans la nature.

De tout temps, nous avons vécu avec nos « déviants » dans nos maisons, dans nos quartiers, villages, hameaux et autres résidences, sans que cela porte conséquence à la bonne marche de la communauté. Aujourd’hui, que par le biais du petit écran, du poste transitoire, par les Tic et que sais-je encore, nous sommes « agressés » jusque dans notre intimité par tous les dérèglements du monde, il devient aberrant de faire dans la facilité de casser du homo parce que quelques prêcheurs attardés se sont mis à exciter la foule. Seule la nature est responsable, comme dirait Charles Aznavour…