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DE GUEDIAWAYE A NIAHENE - LES « DAARAS » DU RETOUR : Une alternative à la mendicité dans les grandes villes

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DE GUEDIAWAYE A NIAHENE - LES « DAARAS » DU RETOUR : Une alternative à la mendicité dans les grandes villes

L’Etat du Sénégal a résolument opté pour la lutte contre la vulnérabilité des enfants. Et le choix s’est porté sur les enfants qui sont en situation de mendicité. C’est dans ce sens qu’il a été mis en œuvre le projet de retour pour la réinsertion sociale et scolaire des talibés des « daaras » de Babacar Niang à Niakhène et Ousmane Tall de Ndiobène Tallène. Ces enfants ont ainsi été ramenés dans leurs villages, dans leurs familles d’origine pour une réinsertion sociale et scolaire harmonieuse.

Hier, dans une situation d’extrême précarité, parcourant les rues de Dakar, partagés entre l’insécurité, l’insalubrité et l’instabilité, ne se nourrissant que de pitance à la qualité douteuse, les 102 talibés des « daaras » de Babacar Niang de Guédiawaye et Ousmane Tall de Golf Sud sont, aujourd’hui, comme dans un paradis, au milieu des leurs. Ce sont des enfants heureux, réinstallés dans leurs villages d’origine et entourés de tendresse et d’attention, que nous avons trouvés à Ndiobène Tallène et à Niahène, deux écoles coraniques du retour, expérimentées par le projet de lutte contre le traite et les pires formes de travail des enfants, en partenariat avec l’Unicef, la coopération italienne et l’organisation non gouvernementale Inter monde.

Du coup, nous sommes entrés dans l’univers renaissant d’une centaine de talibés qui, après l’enfer de la capitale, ses illusions et ses fausses promesses, tentent dans ce milieu originel, de refermer les balafres, largement béantes, causées par un exil qu’ils n’avaient nullement souhaité.

La communauté qui les entoure en est tellement consciente de sa faute, que pour s’amender et se dédouaner, elle se mobilise comme jamais elle ne l’a fait afin que ses enfants retrouvent aux côtés de leurs mamans le sourire, et cela de façon pérenne.

Etape de notre visite, Niahène est situé à une centaine de kilomètres de Kaolack. Le village qui garde encore tout son charme traditionnel est idéalement placé sur la nationale 1, entre Kaffrine, la capitale de la nouvelle région du même nom et Tambacounda. Niahène, bien ancré dans la tradition, a accepté l’offre que lui a proposée le Projet pires formes d’accueillir l’un des premiers micro-projets-tests pour le retour des « daaras », une alternative à la mendicité.

Selon Abdou Fodé Sow, coordonnateur du pôle enfants au niveau de l’Ong Enda Graphe Guédiawaye trouvé sur place, ce micro-projet a été mis en place par sa structure. « Nous nous sommes dit qu’il fallait trouver des activités génératrices de revenus devant servir de soubassement à la réinsertion sociale », a-t-il souligné avant d’ajouter que si les maîtres coraniques quittent leurs villages pour aller s’installer dans la capitale, c’est parce qu’ils sont dans une situation de précarité.

Face à ce phénomène que tous les Sénégalais décriaient, y compris l’Etat, Enda Graphe, dans la mise en œuvre d’un projet à Guédiawaye, a travaillé avec Babacar Niang dans le sens de mettre en place des activités psychosociales devant permettre aux enfants de s’exprimer et de ne pas être marginalisés. « Babacar, le serigne daara, nous a fait comprendre qu’il était prêt à retourner chez lui, une aubaine que nous n’avons pas manqué de saisir », a souligné le coordonnateur de Enda Graphe dont la structure a fait appel au ministère de la Famille par le biais du Projet pires formes et de son responsable, Bassirou Kébé.

C’est ainsi que d’état de projet, le retour du daara de Babacar, tout comme celui de Serigne Tall sont passés au stade de réalité. Du concret avec des acquis, notamment les champs de mil, d’arachides, de maïs de sésame, etc., réalisés par le maître coranique, aidé par le projet et la communauté. Il y a aussi l’école française où certains parmi les disciples du retour ont été insérés.

Dynamique communautaire

L’existence d’un comité de gestion démontre l’approche communautaire permettant d’aller dans le sens de la pérennisation de ce projet.

Le daara du retour de Serigne Babacar Niang à Niahène compte aujourd’hui 61 talibés qui sont tous de retour dans leur terroir après un séjour de la capitale. Sur les 61 enfants, il y a 28 talibés qui vivent au village avec le marabout pour des raisons diverses, souligne l’enseignant. En effet, le marabout a préféré retenir à ses cotés les enfants orphelins ou qui ont leurs familles éloignées. Par contre, tous les 33 autres talibés du retour vivent avec leurs parents dans le village, ce qui fait que l’établissement est donc devenu un espace d’apprentissage continu, comme l’école, pour la majorité des talibés de retour à Niahène, mais aussi à Ndiobène Tallène.

Au niveau de ces deux localités, l’approche « retour des daaras » commence à faire des émules, avec le souhait manifesté par les parents des talibés des deux villages restés avec leurs marabouts à Dakar de voir leurs enfants revenir à côté d’eux. Il est ainsi envisagé une extension des deux daaras du retour.

C’est dire que le retour des enfants talibés dans leurs villages d’origine a été bien apprécié dans le terroir. « Quand ils sont revenus, toutes les personnes ressources nécessaires ont été mises à contribution », déclare le chef du village de Ndiobène Tallène qui ajoute que grâce au projet, un enseignant a été engagé pour dispenser des cours en français, une monitrice pour l’alphabétisation en ouolof, un agent sanitaire pour le suivi des enfants, là où l’imam est sollicité pour venir vérifier le contenu de l’enseignement.

C’est en quelque sorte une dynamique communautaire se traduisant par une implication des mères des talibés appelées « Ndéyou daara » qui a été développée avec succès au niveau des deux villages tests. En effet, selon Abdou Fodé Bâ, les « Ndéyou daara » des deux villages se sont regroupées, spontanément, pour jouer pleinement leurs rôles de mères des enfants, une manière de se rattraper par rapport à ce qu’elles n’ont pas eu le temps de faire pour leurs enfants quand ils vivaient le calvaire loin des leurs.

Pour Khady Tall de Ndiobène Tallène, responsable des « Ndéyou daara », ces dernières sont aujourd’hui animées d’un sentiment de culpabilité par rapport aux souffrances que les enfants ont connues à Dakar. Selon elle, c’est en partie ce qui explique l’engagement sans réserve de la communauté derrière les talibés du retour. « Nous allons faire en sorte que le daara, en tout cas en ce qui concerne l’hygiène, la salubrité, le traitement sanitaire, la sécurité, etc. soit correctement pris en compte », souligne-t-elle avec force. Au-delà, ces femmes sont aujourd’hui dans une dynamique qui veut qu’aucun enfant parmi ceux qui sont retournés ne soit dans une situation de manque.

D’ailleurs, comme pour les aider à réaliser ce vœu, le projet a mis de l’argent à la disposition des femmes pour appuyer leurs activités génératrices de revenus. Deuxième niveau de matérialisation de cette dynamique communautaire, c’est la présence du service du développement communautaire qui est un démembrement du ministère de la Famille. A Niahène, le chef de ce service, une dame, a promis de se rapprocher davantage de ce projet pour apporter toute la dynamique et la dimension initiées par le département de tutelle.

Voir et agir autrement

Pour que ces enfants oublient le « cauchemar » de Dakar, il est du devoir de tous de faire en sorte que les daaras du retour, testés à Ndiobène Tallène et Niahène, soient un véritable modèle pour comprendre qu’il y a une alternative à la mendicité. C’est en tout cas l’avis de l’adjoint au préfet de Malhème Hoddar, nouvellement érigé en département, mais également du sous-préfet de Ndiédieng qui se sont tous réjouis de cette belle initiative de l’Etat du Sénégal qui, par cet acte, permet aux talibés de se réinsérer harmonieusement à la fois socialement et scolairement.

A l’école élémentaire de Niahène, 28 enfants du daara du retour de Serigne Babacar Niang sur les 61 ont été réinsérés. Ainsi, après leur passage au daara, ils fréquentent, comme les enfants de leur âge, l’école française.

A l’école du village, c’est un directeur comblé que nous avons rencontré, lui qui s’est toujours soucié du taux brut de scolarisation au niveau du département de Malhème, un taux qui n’est que de 34,5 %. « Il est bas, mais le projet peut nous aider à le relever, avec les talibés des daaras qui ont aujourd’hui tendance à fréquenter l’école française », souligne-t-il.

Pour M. Bassirou Kébé, le directeur du projet de lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants, « les croyances et les traditions du village constituent souvent des facteurs de blocages. Ici les gens sont conservateurs. Il n’en demeure pas moins que la dynamique dans laquelle nous nous inscrivons est de faire en sorte que les gens puissent penser autrement et agir autrement. Arriver au changement de comportement social ». « Nous le ferons non pas en démultipliant les daaras, mais en les consolidant dans ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils font bien, en introduisant d’autres alternatives pour leur permettre d’aller plus loin, apprendre le coran et autre chose », ajoute M. Kébé. Dix daaras existent dans la localité.

Toujours, selon le directeur du Projet pires formes de travail des enfants, il faut que les autres daaras puissent bénéficier des actes posés par sa structure. « Notre dynamique à nous est de dire que les daaras travaillent à enseigner le coran ; mais qu’ils continuent à travailler avec le projet pour en faire un projet pilote qui va s’agrandir en acceptant d’autres enfants ; également qu’ils s’agrandissent en acceptant de développer une stratégie de protection sociale des enfants, de sensibilisation et d’informations autour de la protection et des droits de l’enfant pour qu’une passerelle soit créée entre l’école coranique et l’école française, permettant de résorber le gap d’enfants non scolarisés ». Ce qui a été fait à Niakhène, dans le département de Malhème Hoddar, et à Ndiobène Tallène dans celui de Kaolack, de l’avis de Bassirou Kébé. Il s’agit donc de mettre à contribution des activités pour aller dans le sens du renforcement des maîtres coraniques et des daaras afin que les enfants restent dans leurs villages auprès de leurs familles pour bénéficier du principe de l’éducation qui est mise à la disposition de tous les enfants, l’éducation étant un droit.



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