DES LAMBRIS DU PALAIS À LA CAVE DU BLOC DES MADELEINES - Diop le maire : grandeur et décadence !

Officier de l’armée française. Colonel de la gendarmerie nationale. Avocat général près la Cour suprême. Secrétaire général de la Présidence. Ministre. Maire de Dakar. Professeur de droit. Membre influent du puissant Parti socialiste d’alors. Mamadou Diop aura occupé les postes les plus prestigieux du pays. Mais, après les lambris du Palais et autres salons douillets, le voilà dans une geôle, arrêté qu’il est pour une histoire de vente illégale de terrain et d’émission de chèque sans provision. Son sort est entre les mains de ceux qu’il dirigeait jadis.

Il a un parcours éloquent, Mamadou Diop. Fils d’un dignitaire qui a beaucoup aidé l’ex-président de la République, Léopold Sédar Senghor, à s’implanter solidement à Dakar, il est né le 09 mai 1936. Il a très tôt choisi la tenue, malgré des études poussées (doctorat en droit, doctorat en philosophie…). À l’origine, sa famille croyait qu’il était destiné à une carrière d’officier après son brevet d’officier obtenu à Saint Maixent en France et son diplôme d’État-major en 1964. Incorporé dans l’armée française en 1956, il est affecté au Niger puis en Algérie avant d’être promu lieutenant en 1960. Au mois de novembre de la même année, il revient au Sénégal et intègre la gendarmerie. Il a commandé la compagnie de gendarmerie du Sine-Saloum et du Sénégal oriental ainsi que l’école de formation et d’application de la gendarmerie nationale avant d’être versé dans la réserve lorsqu’il obtient le grade de commandant. Plus tard, il arbore ses galons de colonel. Chevalier de l’ordre du mérite, Officier de l’ordre national du Lion, décoré de la croix de la valeur militaire, il abandonne, malgré tout, la tenue en 1971 pour accéder aux fonctions de magistrat. Cap ainsi à la Cour suprême où il occupe le poste d’avocat général. Il y côtoie d’éminents magistrats. Comme Kéba Mbaye. C’est dans ce temple de Thémis qu’il est remarqué par le président Léopold Sédar Senghor. En reconnaissance à l’appui de son père, le président de la République  le fait venir à ses côtés. Au Palais présidentiel. Il devient ainsi le secrétaire général de la Présidence. Y apprend à exercer des charges publiques. Avant d’être lâché dans les ministères. Il est nommé tour à tour aux départements des Travaux publics, du Transport, de l’Urbanisme et enfin de la Santé. Fonction qu’il exerce jusqu’au départ du président Senghor de la présidence de la République. En 1984, il devient maire de Dakar. Poste qu’il occupe pendant 17 ans. Poste qui l’a rendu célèbre. Et qu’il a occupé jusqu’en 2002, remplacé qu’il a été par Pape Diop. Mais lorsqu’il quitte la ville de Dakar c’est pour présider aux destinées de la commune d’arrondissement de Yoff.

Descente aux enfers

Professeur de droit social, mais membre influent du Parti socialiste, il commence à subir les contrecoups de l’accession à la magistrature suprême du Parti démocratique sénégalais (Pds). Il est ainsi sommé de libérer son logement de fonction. Chose qu’il fait après avoir résisté. En vain.  Il se fait oublier par la suite pendant un certain temps. En 2006-2007, il est subitement revenu au-devant de la scène. Et de quelle manière !

Après avoir créé, avec d’autres dinosaures du Ps, un courant au sein de leur formation politique originelle, Mamadou Diop finit par  claquer la porte et porter sur les fonts baptismaux son propre parti :  le Bloc pour la démocratie et la solidarité (Bds) du nom de la formation politique créée en 1948 par Léopold Sédar Senghor qui venait ainsi de quitter la Sfio de Lamine Guèye. Comme poursuivi par la guigne, il commence à être cité dans des histoires de vente illégale de terrain. Un certain El Hadji Thiaw et une dizaine d’autres personnes à qui l’ex-maire de Dakar aurait vendu des terrains appartenant à autrui lui adressent une citation directe. Le jour du procès devant le tribunal correctionnel de Dakar, Mamadou Diop brille par son absence. Le verdict du juge, tombé 15 jours après les débats d’audience, est tranchant: 6 mois ferme assorti d’un mandat d’arrêt et 50 millions à payer aux plaignants. Mandat d’arrêt qui a été exécuté, plus tard, par la Brigade de recherches de la gendarmerie. Mais l’ex-maire ne fait qu’un tour à Rebeuss pour les formalités de recevabilité de l’appel que ses avocats ont interjeté. Il est remis en liberté.

Une autre affaire, similaire à celle qui lui avait fait franchir le portail de Rebeuss, vient de le conduire dans la chambre de sûreté de la section de recherches de la gendarmerie. À deux reprises. Déféré au parquet, il a passé une journée dans la crasseuse cave du Bloc des Madeleines. Il lui est reproché, cette fois-ci aussi, d’avoir encaissé 50 millions d’une dame à qui il avait promis un terrain. Arrêté et gardé à vue par les gendarmes, il a émis un chèque de 50 millions. Chèque qui est revenu impayé. Une infraction qui a contraint ceux qu’il dirigeait jadis à l’arrêter et à le mettre à la disposition du procureur en application de la loi qu’ils sont chargés d’appliquer.