Vendredi 26 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

Dr YAKHAM DIOP SUR LA MONTÉE DU NIVEAU DE LA MER : « Dakar risque de perdre 54 % de ses plages d’ici 2100 »

Single Post
Dr YAKHAM DIOP SUR LA MONTÉE DU NIVEAU DE LA MER : « Dakar risque de perdre 54 % de ses plages d’ici 2100 »

Enseignant au département de Géographie, Dr. Yakham Diop, par ailleurs membre du Comité national du changement climatique, est formel : la biodiversité des régions de Kédougou et Kolda sera durement frappée. Dakar risque de perdre 54 % de ses plages. Saly, Djiffer, Diogué, Carabane et Abéné, principaux sites touristiques du Sénégal, sont également menacés. Dans cet entretien, Dr. Diop fait également remarquer qu’il faut investir 1.200 milliards de dollars pour limiter les gaz à effet de serre.

C’est quoi le changement climatique ?

C’est l’augmentation de la température moyenne terrestre qui a été évaluée sur un siècle. Elle se situe entre 1,8 ° et 4° C et est principalement causée par l’utilisation accrue d’énergie, la coupe des forêts et certaines pratiques agricoles. Autrement dit, des activités anthropiques. Sur le terrain, elle se manifeste par l’accroissement d’émissions des gaz à effet de serre. Il faut dire que les pays riches, grands pollueurs, s’étaient engagés à réduire ou ne pas augmenter ces émissions mais ils n’ont pas tenu leur promesse. Des pays comme la Chine ont accru leurs émissions de l’ordre de 54 %. Il en va de même pour l’Espagne, alors qu’elle avait promis d’en réduire. Donc, ce ne sont pas des problèmes simples. D’un côté, il y a les pays riches qui tiennent des positions égoïstes. De l’autre côté, on demande aux pays sous-développés de faire beaucoup d’efforts et d’arrêter certaines habitudes.Malheureusement, les conséquences se posent en termes de menaces, de risques et il va falloir les résoudre de manière urgente.

Quelles sont les manifestations de ces changements dans des pays comme le Sénégal ?

C’est d’abord ces effets de serre. Tout le monde a l’impression d’être étouffé et donc ressent cette augmentation ambiante de la température. Au Sénégal, ces dérèglements climatiques se manifestent à travers l’élévation du niveau marin mais aussi et surtout sur les zones côtières. C’est le cas à Saly, Djiffer, Diogué, Carabane et Abéné en Basse Casamance. Un centimètre d’élévation du niveau marin équivaut à un mètre gagné sur les rivages. Depuis le deuxième Plan de développement économique et social du Sénégal qui fait du tourisme une priorité dans les investissements notre rivage a reçu une destination spéciale. Et qui dit tourisme, parle essentiellement du littoral. Des localités comme Kédougou ou Kolda seront durement frappées quant à la quantité et la qualité de la biodiversité. Il faudra donc, toute suite, trouver des semences et des espèces adaptées. Ailleurs, des sols seront gagnés par le sel et l’érosion côtière. Cette réduction des sols entraînera forcément la réduction des surfaces emblavées. A cela, il faut ajouter la menace qui pèse sur les ressources hydriques.

Certains lient les inondations qu’ont connues Dakar et d’autres capitales africaines à ce phénomène de changement climatique...

A juste titre. A Ouagadougou, il a plu, en trois jours, ce que la ville sénégalaise de Louga ne peut recevoir en une année. Là-bas, il y a eu non seulement des catastrophes mais aussi des pertes en vie humaine. A Dakar, notamment en banlieue, vu les conditions d’installation des populations, les défauts d’assainissement, d’aménagement, de terrassement, l’insuffisance d’équipements de manière générale et le caractère indigent de certaines couches de la population qui habitent ces zones, il faut prévoir des lendemains incertains. Je pense qu’il est du devoir des autorités, des partenaires au développement, des scientifiques et des collectivités locales de discuter sur les politiques de développement économique, notamment dans la banlieue. Il faut trouver un autre système d’installation des gens pour qu’ils puissent vivre dans un cadre assez acceptable. Il ne s’agit pas de promettre le bonheur mais le bien-être. Ce que nous constatons aujourd’hui dans la banlieue dakaroise est lié à une philosophie qui tourne autour de la déviance et de l’anomalie. Depuis 4 ans, plus de six mémoires de maîtrise sont consacrées aux conditions de vie en banlieue, notamment sur les questions des inondations. Et je puis vous dire que parfois les illustrations contenues dans ces mémoires nous laissent un peu froids. Tout cela pour dire que négliger les conditions d’installation des populations, c’est aider ces dernières à vivre dans l’insécurité parfaite.

Vous voulez dire que la banlieue dakaroise est menacée avec ces changements climatiques ?

C’est plutôt un certain style de vie qu’il faut revoir. Vivre en banlieue dans ces conditions vaut-il la peine ? C’est la principale question. Je pense qu’il y a beaucoup d’efforts à faire, notamment en matière d’équipement et d’assainissement. Il est urgent de mettre dans ces quartiers des équipements adéquats. C’est la question de la viabilité de Dakar qui se pose à terme. Déjà, certains prédisent que nous allons perdre 54 % des plages si ce rythme continue.

Evidemment, les autorités sont conscientes et ont mis en place beaucoup de comités pour réfléchir sur comment solutionner ce problème. Aujourd’hui, il s’agit de mettre en place des politiques hardies tendant à aménager d’une autre manière le territoire national.

Est-ce à dire qu’il faut revisiter les modèles de développement économique ?

Aujourd’hui, il y a un déséquilibre énorme. Malheureusement, il y a un comportement égoïste de la part de certains pays riches et des firmes qui ne cherchent que le gain. Cette quête de profit immédiat hypothèque le devenir des populations. Il y a un combat commun à mener. Les politiques actuelles n’assurent plus le bien-être des populations. Elles ont lamentablement échoué car elles ont généré leurs propres contradictions. Il faut les corriger en mettant en place des politiques qui favorisent l’épanouissement de l’être humain.

La planète entière retient son souffle. Pensez-vous que cette fois-ci les dirigeants réunis à Copenhague sont conscients des menaces qui pèsent sur le monde ?

Beaucoup de gens avaient dit que le sommet de Kyoto n’était qu’un grand show. En revanche, le sommet de Copenhague suscite un grand espoir dans le monde. Je pense que de ce sommet, sortiront des propositions concrètes. Tout le monde est conscient que le modèle de développement actuel n’est plus viable. Le système mondial est déjà en péril. Copenhague doit prendre en charge l’ensemble des appréhensions des pays, notamment ceux en développement. Rien que pour limiter les gaz à effet de serre, il faut un investissement de près de 1.200 milliards de dollars. L’équivalent de 1 % du Pib mondial. Et ces investissements doivent nécessairement être faits dans les pays en développement. Mais au moment de passer à des choses concrètes, tout le monde sort sa petite calculette. C’est ce qui est malheureux. Ces pays soumis très longtemps à des exploitations humaines doivent être appuyés pour faire face à ces mutations climatiques. Car, c’est dans ces pays, qui ont de grandes surfaces de forêts, que nous avons encore la chance d’atténuer ou de capter les gaz à effet de serre. Malheureusement, d’autres logiques seront développées. Tout compte fait, je suis heureux d’entendre que des projets africains comme la Grande muraille verte seront présentés au cours du sommet.

Pensez-vous que les Sénégalais manifestent un grand intérêt pour ces questions climatiques ?

Bien entendu, même s’il faut distinguer deux types de Sénégalais. Il y a d’un côté, le milieu intellectuel, lettré qui a accès aux nouvelles technologies. Autrement dit, les Sénégalais qui s’informent et qui vivent les choses en temps réel. Ces Sénégalais sont plus ou moins conscients des enjeux climatiques. De l’autre côté, il y a le milieu des Sénégalais qui attendent la pluie pour produire. Même si ces concitoyens commencent à être conscientisés, il reste qu’il y a une grande campagne de sensibilisation à mener.

Quelles solutions préconisez-vous, à court terme, à ces variations climatiques ?

Il faut d’abord faire de telle sorte que la production alimentaire soit moins exposée au changement climatique. Pour cela, le concours des scientifiques et des praticiens du développement est requis. Tout comme du milieu de la communication. Ensuite, il faut promouvoir une agriculture et un élevage intensifs. Sur ce point, l’Etat est en bonne voie. Il a lancé une campagne d’insémination artificielle, la stabulation et beaucoup d’efforts ont été faits pour les variétés culturales. Toujours est-il que dans les stratégies de développement économique, il faut nécessairement voir si la rubrique « changement climatique » est bien prise en compte. Aussi, il faudra que les collectivités locales jouent leur partition. Elles doivent s’investir dans ce domaine et participer, à côté de l’Etat qui doit aiguillonner, à la mise en place d’une véritable politique.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email