EXPRESSION …Mme Yayou Bayam Diouf, présidente du Collectif des femmes pour la lutte contre l’émigration clandestine : «Les clandestins morts en mer étaient partis faire le Jihad»

Le Collectif des femmes pour la lutte contre l’émigration clandestine est une association composée essentiellement de 350 mères de victimes et de disparus dans ce fléau. La présidente, Yayou Bayam Diouf, accompagnée des rescapés a tenu à être présente, hier, lors du forum consacré au Plan Reva afin de demander à M. Le ministre ce que le plan Reva avait prevu pour eux.

A votre avis, qu’est ce qui a amené les jeunes, en particulier, vos enfants, à choisir l’émigration clandestine ?

Imaginez un fils de lébou qui n’a pas fait des études, qui n’a pas appris un métier ; ces jeunes-là ne connaissent que la mer. Et un beau jour, ils se réveillent avec un matériel de pêche vétuste sans revenus et ayant en charge toute une famille. Que voulez-vous qu’ils fassent ? Sinon braver la mer par dignité et par peur de perdre la face.

Comment avez-vous vécu la perte de votre fils unique ?

Je m’en suis remis à Dieu, bien que cela ait été très dur. Car, il m’aidait beaucoup à la maison. Cependant, ce qui me fait le plus mal, c’est quand j’entends des leaders d’opinion dans ce pays dire que ces jeunes se sont suicidés. Au contraire, ils étaient partis faire «le jihad» (Ndlr : guerre sainte en arabe) pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs familles.

Qu’est ce qui vous a motivées à créer le collectif de lutte contre l’émigration clandestine ?

Je n’avais qu’un seul fils et il est mort, lors de sa traversée pour rejoindre l’Europe. Cependant, je ne suis pas seule dans cette situation car, mes voisins et parents lébou ont vu, eux aussi,leurs progénitures périr en mer. Dans le but de sortir leurs familles de la misère, ils ont préféré braver les océans en défiant la mort avec comme unique solution l’émigration clandestine. Par rapport à cela, nous nous sommes dit que cela ne servirait à rien de rester là à pleurer sur notre sort bien que rien ne soit plus douloureux que de perdre un enfant.

Cela étant, les mères des victimes se sont dit qu’il fallait plutôt réagir en essayant de dissuader les autres qui veulent prendre la mer pour rejoindre l’Europe. En effet, nous parcourons la plage du matin au soir pour sensibiliser les jeunes. D’où la mise en place de ce collectif constitué de 350 femmes, composées essentiellement de mères de victimes ou de disparus.

Mis à part le rôle de sensibilisation et de dissuasion des jeunes, quelles autres activités avez-vous menées, depuis la création de cette association ?

Compte tenu du fait que la majeure partie des mères, dont les enfants sont morts, dans la traversée m’ont interpellée pour me faire savoir qu’elles ont l’impression, en allant vendre du poisson sur la plage, d’entendre les voix de leur fils qui leur demandent de l’aide, l’association les a reconverties en transformatrices de produits locaux. En ce moment, elles s’investissent dans la vente de coucous, semoule de mil et des jus locaux. A notre siége à Thiaroye, on se tue au travail pour oublier nos peines.

Quel est le but de votre présence à ce forum ?

Nous sommes venues demander au ministre Farba Senghor ce que le plan Reva a prévu pour l’association et les jeunes refoulés.