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[ Opinion ] Formation et emploi : les jeunes piégés !

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[ Opinion ] Formation et emploi : les jeunes piégés !

Dans un contexte de massification des effectifs dans les universités du fait de la saturation de leur capacité d’accueil, les écoles de formation professionnelle exercent une forte fascination sur les jeunes. Dopées à grand renfort de publicité dans les média, ces écoles sont présentées comme les nouvelles rampes de lancement des jeunes qui veulent accéder au marché de l’emploi et aux « métiers du futur ». La publicité se décline jusque dans la tenue des étudiants. En effet, « un futur décideur » doit dégager une bonne impression à travers sa présentation. La présence d’une haute autorité ou d’une grande personnalité à la cérémonie de remise des diplômes sert de caution morale à la publicité et renforce le prestige de l’école.
La prolifération des écoles de formation professionnelle a profondément modifié le paysage urbain dakarois. Ainsi de nombreuses maisons sont transformées en écoles ou instituts privés.

Cependant force est de reconnaître que l’expansion que connaît le secteur de la formation professionnelle est en réalité nourrie par un mercantilisme et un affairisme, préjudiciables à la bonne qualité de la formation dispensée et à la crédibilité des diplômes délivrés

Ce qui est souvent pertinent dans certaines écoles, c’est moins le contenu et la qualité de la formation que les phantasmes qu’elles charrient.

Elles nourrissent des illusions et de faux espoirs chez des jeunes en mal d’une bonne orientation scolaire et professionnelle.

En effet, l’adéquation formation / emploi est l’un des défis majeurs de ces écoles qui poussent comme des champignons. Il n’existe pas, dans de nombreux cas, aucune symétrie entre certaines filières de formation pompeusement proposées et le marché de l’emploi. L’expression « filières porteuses » relève de la simple opération publicitaire.

Beaucoup de jeunes ainsi formés apprennent à leurs dépens, à la suite de longues recherches infructueuses d’emploi ou de stage qu’il n’existe pas sur le marché du travail aucun emploi correspondant à leur profil de formation. Ou bien, ils se voient tout simplement signifiés que les diplômes obtenus et / ou les établissements qu’ils ont fréquentés ne sont pas reconnus par l’Etat.

En outre, dans un contexte caractérisé par l’inflation de l’offre voire sa saturation, obtenir ne serait-ce qu’un stage devient difficile.

Les femmes à la recherche d’emploi ou de stage sont les plus exposées. Elles font l’objet de harcèlement sexuel et de chantage de la part de responsables d’entreprises à la fois peu scrupuleux et grands pervers. Les plus faibles d’entre elles finissent par céder à des propositions indécentes. Celles qui tiennent encore à leur dignité et refusent les compromissions voient leurs demandes de stage ou d’emploi rester sans suite ou leur contrat résilier.

Pour les rares jeunes qui parviennent à obtenir des stages, s’ouvre une longue période de précarité. Normalement, transitoire, le stage a tendance à s’inscrire dans la longue durée. Les entreprises utilisent le plus souvent ces stagiaires comme des « bouche trous » pour remplacer momentanément des employés en congé.

C’est du reste, dans le domaine de l’insertion professionnelle qu’on note les plus grandes injustices. La compétence seule ne suffit plus. Les réseaux familiaux constituent les principaux atouts pour accéder au recrutement dans l’entreprise. Il faut d’abord, « avoir un père, une tante ou un oncle dans l’entreprise pour y être parrainé ». L’utilisation de ce type de réseau explique « les regroupements familiaux » constatés dans certaines grandes entreprises de la place. Le privé a également son système de « quota sécuritaire », « ses protégés ». Du reste, sans qu’on ne le dise tout haut, l’emploi est devenu héréditaire en donnant la part belle à l’élitisme des « fils à papa ». Il s’agit là de la traduction de la notion de reproduction sociale au sens « bourdieusien » du terme.

Il y’a aussi lieu de s’interroger sur la validité et le sérieux pédagogique des enseignements qui sont dispensés dans certaines écoles de même que sur la qualification des formateurs qui, très souvent n’ont pas le profil.

Ceux d’entre eux qui sont présentés comme « les meilleurs formateurs » ; tels des « bûcherons » font inlassablement le tour des écoles. Leur seule carte de visite suffit à garantir « le sérieux de leurs prestations » et à asseoir leur prétendue autorité scientifique. Dès lors, certains d’entre eux usent et abusent de cette posture « de vedette ». Ils ne se remettent plus en question et ne font plus de recherche. Leurs cours se limitent désormais à de simplement fascicules ou à des polycopiés dont la plupart des contenus demeurent inchangés depuis des lustres ou sont paresseusement téléchargés à partir d’Internet.

Il en est de même de la crédibilité de certains diplômes qui y sont délivrés. En effet, lorsqu’on entend des gens qui n’ont pas obtenu, ne serait-ce que le Brevet de Fin d’Etudes Moyennes (BFEM), proclamer qu’ils sont titulaires de masters, cela ne fait que dévaloriser les diplômes.

Un conseiller en formation nous disait, un jour, que lorsqu’il consulte des CV pour départager des candidats, il s’arrête à la mention obtenue au bac, pour voir si l’intéressé était un élève bon ou moyen. En effet dans l’enseignement supérieur, on a l’impression qu’il n’y a que des « génies » avec des diplômes, parfois d’origine douteuse listés sur plusieurs pages.

Ainsi face à de nombreuses dérives notées dans le secteur de la formation professionnelle, l’Etat est interpellé. Pourtant, ce dernier dispose de services et de personnels compétents dans l’orientation scolaire et professionnelle, ce sont les psychologues conseillers. L’Etat doit renforcer les capacités de derniers pour leur permettre de mieux jouer leur rôle d’écoute et conseils à l’endroit des jeunes et mettre de l’ordre dans le secteur de la formation professionnelle.

Il convient également, à l’instar de la France de promouvoir une charte et même une « loi sur l’égalité des chances » pour prévenir entre autres les discriminations dans l’accès à l’emploi. En effet, si l’on y prend garde la prolifération de ces milliers de jeunes frustrés, « désorientés scolaires et professionnels » est une bombe à retardement.

La promotion de l’emploi des jeunes demeure encore un énorme défi dans un secteur où l’on fait rarement confiance aux débutants. En réalité, lorsque dans une offre d’emploi, les recruteurs exigent « un bac plus 5 ans et une expérience professionnelle de 10 années », autant dire que cet emploi ne s’adresse pas à des jeunes.

C’est dans ce contexte de morosité et de quête d’emploi pour des milliers de jeunes que depuis un certain temps, on entend certains syndicats de la santé agiter dans leurs doléances le relèvement de l’âge de la retraite des agents de la santé, actuellement plafonnée à 60 ans, jusqu’à 65 ans. Une telle revendication est une aberration. Elle est injuste et inopportune. Ces responsables syndicaux devraient même avoir honte de la soulever. Les raisons relatives à la modicité des pensions de retraite invoquées sont indéfendables. Au contraire, cette prolongation d’activité sert plutôt de prétexte à de syndicalistes plutôt soucieux de leur longévité syndicale. Ce n’est pas en prolongeant l’activité professionnelle jusqu’à 65 ans qu’on réglera le problème des pensions de retraite. Il existe d’autres alternatives !

Mamadou Khouma

Professeur au LEG de Diourbel

[email protected]



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