GUÉDIAWAYE : Incursion dans un temple du chanvre indien non loin de la police

S’il y a un endroit où la drogue s’écoule sans masque, c’est celui situé entre la préfecture, le lycée Limamoulaye, le collège joseph Corréa, l'hôpital Roi Baudoin et la station d’essence. Là, c’est le temple de la vente du chanvre indien. Incursion dans un club fermé… Il est 17 heures en cet après-midi de samedi du mois d’avril 2008. Le site est grouillant de monde. Le temps semble observer une pause. Nous sommes à Guédiawaye dans un coin de la banlieue. C’est l’endroit situé entre le lycée Seydina Limamoulaye qui regroupe plus de 6000 élèves environs et le Cem Joseph Félix Corréa, derrière la police et la préfecture non loin de la station d’essence de Guédiawaye plus connue sous la désignation (essence Touré). C’est là où se donnent rendez-vous les vendeurs et les usagers de la drogue. Un melting–pot indescriptible où se côtoient des gens venant d’horizons divers et aux préoccupations différentes. Baro, un des habitués de ce lieu éprouve le besoin de nous exposer la raison de sa présence dans ce milieu interlope. Sans sourciller, il déclare : "je vends et fume du chanvre indien dans cet espace sans contrainte comme les vendeurs d'arachide dans les rues. Je considère cette activité comme mon gagne pain" soutient–il.
Ne lui dites surtout pas qu’il risque gros. Sacrilège ! Il vous répondra : « Une vie sans risque est une vie cadavérer », philosophe-t-il. Pour Lingala, lui aussi vendeur dans cette même agglomération, " pas d'embarras, vous ne trouverez en aucun cas dans mes poches des sachets de « green » (expression pour signifier le chanvre indien). Dans ce cas, comment pourrais-je être arrêté ? " fait-il remarquer.

« Mes principaux clients sont les enseignants »

Même son de cloche chez les élèves fumeurs qui ne s’entourent pas de voile épais pour nous décrire la triste réalité : "Les vendeurs sont aux alentours de l'école. Facile de les voir. De temps en temps, ils nous donnent à fumer sans bourse délier. L'école leur sert de refuge ».
Le fléau a même gangrené le monde des enseignants, censés inculquer des valeurs aux enseignés. Mbirkila qui excelle dans la vente du chanvre indien ne dit pas autre chose : "Mes principaux clients sont des enseignants. Même d’autres fonctionnaires viennent se procurer notre « marchandise » renseigne ce vendeur. Et notre interlocuteur d’ajouter sans un brin d’ironie “ Le paradoxe est que ces personnes connaissent la loi mieux que moi".

«  Je gagne 30.000 Fcfa par jour »

Interpellé sur son chiffre d’affaires quotidien, il confie : "Je gagne au moins 30.000 Fcfa durant la journée. Des fois, je récolte 20.000 Frs entre 17 heures et minuit. Je ne trouve pas pour le moment un métier qui peut m’assurer tant de revenus". Cet expérimenté du « bonn » (chanvre indien) révèle que la majeure partie des élèves qui fument dans cette station n'habitent pas dans le secteur... Pour Badiya, élève dans un collège de Guédiawaye : "Au collège, on a énormément de temps. Les heures perdues, nous les consacrons dans ce coin. Ainsi, nous sommes en contact avec les vendeurs et fumeurs. Vous n’êtes pas sans savoir que le milieu détermine l'individu " argumente-t-il. Selon le professeur de français M. Diagne, "l'oisiveté est une source de perversion".Cependant, pour lui, cela ne doit pas être une excuse pour s’adonner à une des choses illicites.
Un surveillant dudit collège soutient « Qu’il est facile d'entrer dans l'école car les murs ne sont pas en hauteur. On peut passer par le mur de l'hôpital ou celui de la station pour entrer dans notre établissement. En ce qui concerne l’usage de la drogue à quelques encablures du collège, notre responsabilité n'est nullement engagée », lâche-t-il. Face à cette situation alarmante, le commissaire central de Guédiawaye Arouna Sy mène une lutte sans merci contre le chanvre indien. Selon Moussa Dieng alias Gaucher, un des collaborateurs du Commissaire Sy, ''De nos jours, ils ont des stratégies pour vendre « l’herbe qui tue ». Ils ne mettent plus le chanvre dans leur poche ou dans leur chambre. Ils dissimulent cela dans des calebasses ou dans les parages. À chaque fois, qu’ils sont épinglés, ils se débinent en faisant croire que le produit ne leur appartient guère''. Malgré la répression, le bataillon des vendeurs de chanvre indien est loin de fléchir.

500 kg de chanvre indien saisis

Pour ce policier bien connu, le chanvre indien est cédé bel et bien dans ce secteur. Selon Gaucher, plus de 400, voire 500 kg ont été saisis dans la proche banlieue uniquement. Notre homme en uniforme déplore le fait que les riverains s’adonnent à la conspiration du silence : « Les riverains sont complices. Dans les maisons et quartiers, ils connaissent les vendeurs, mais ils ne les dénoncent pas parce qu'ils font leur affaire. Les trafiquants de chanvre indien ont aussi le soutien de la famille", fulmine le policier. Dans cette même lancée, il déclare : ''Des fois, on arrête un vendeur mais sans preuve.
Parce qu'il met les choses dans un endroit éloigné, dans les poubelles, les murs de l'école », note Gaucher. À l’en croire, pour démanteler un réseau, on applique la règle de trois (petit consommateur, revendeur, grand dealer.)