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Laveur de voitures: Un boulot qui n’a pas la côte à Dakar

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Laveur de voitures: Un boulot qui n’a pas la côte à Dakar

«Il n’y a pas de sot métier», a-t-on coutume de dire. Même bon nombre d’individus préfèrent tirer le diable par la queue et rester sans travail plutôt que de faire de petits boulots. Cireur, vendeur de journaux, laveur de voitures et autres sont aujourd’hui de petits boulots qui nourrissent pourtant bien leur homme et leur assurent une vie décente. Cependant, force est de reconnaître qu’il est extrêmement rare de voir, au Sénégal, des jeunes issus des villes s’adonner à ce type de travail. Si les jeunes citadins disent que «ces boulots ne permettent pas d’avoir une vie correcte», leurs compatriotes qui sont issus des zones rurales font le contraire et ne se plaignent pas outre mesure. Métier mal côté, le lavage de véhicules apparaît cependant comme un métier doublement avantageux. En effet, il représente une économie pour les clients. Mais, également, une porte de réussite pour les jeunes laveurs.

Laveur de voitures! Un métier comme tant d’autres et qui fait vivre son homme tant bien que mal. Nombreux sont les jeunes aventuriers, issus de milieux précaires qui en ont fait un job à Dakar. Ils squattent différents secteurs de la capitale. C’est comme qui dirait, à chaque secteur une nationalité. Si en ville, on retrouve surtout les Diallo, comprenez par là, les Guinéens de souche, au terminus Liberté V, l’endroit est le lieu de prédilection des jeunes «Baol Baol» issus de leur Lambaye natal.
Il est 10 heures u terminus Liberté V. En ce début de matinée, le soleil se dispute l’espace avec des nuages éparpillés çà et là. A l’abri des hangars, des clients attendent patiemment le prochain bus en partance. Vous l’avez bien compris, nous sommes à un point stratégique de point de départ et d’arrivée des bus Dakar Dem Dikk (DDD). Plus loin, des bus sont stationnés attendant leur tour pour s’ébranler à travers les artères de la capitale. Une odeur pestilentielle d’ordures ménagères picote les narines. Des pneus jonchent un grand terrain vague. Des gravats sont entassés pêle-mêle. Quelques magasins squattent l’infime espace commercial disponible. Mais me terminus Liberté V, ce n’est pas uniquement l’odeur nauséabonde des ordures ménagères et du mazout, une délicieuse senteur de pain se répand aussi taquinant les ventres affamés de ce matin de mardi. La canicule, notre lot quotidien depuis le début de l’hivernage, impose sa loi. Insuffisamment cependant pour obliger les citadins à se terrer chez eux. Lieu réservé originellement aux bus de Dakar dem dik (Ddd), l’endroit est aussi le lieu de prédilection de quelques voitures de particuliers et des taxis «jaune et noir». Mais, rassurez vous, ils ne sont pas là pour faire la concurrence aux bus de Christian Salvy. Ces véhicules sont stationnés là, attendant leur tour pour passer au lavage. Un métier dans lequel excellent ces jeunes ados, venus des zones ruraux du Sénégal à la quête d’un avenir meilleur.

Une auto-école pour les laveurs
Ils sont jeunes et ils ne sont pas devenus laveurs de voitures par vocation. Mais plutôt parce qu’ils n’ont pas le choix et préfèrent cela, plutôt que de rester les bras croisés. Ils, ce sont les jeunes laveurs de voitures qui ont pignon sur rue au Terminus liberté V. Un boulot mal côté, du point de vue appréciation mais qui leur permet quand même de s’en sortir tant bien que mal. En attestent les propos de ce jeune «xoosluman» (débrouillard). Saliou a 18 ans et il a choisi le métier de laveur de voitures pour gagner sa vie. Casquette vissée sur la tête, il fréquente le terminus de liberté V. Selon lui, ce métier est réservé aux jeunes qui ambitionnent de devenir chauffeur un jour. Une sorte d’apprentissage qui permet de rester en contact avec les chauffeurs professionnels qui, non seulement, les sollicitent pour laver leurs bagnoles, mais également leur apprennent à conduire. «Le métier de laveur de voitures est un passage obligé pour tout jeune qui fréquente Le terminus Liberté V. Quand tu débarques ici, ce qui n’est pas donné à tout le monde car il faut que tu sois recommandé, les anciens te prennent en charge sous leur aile protectrice et te confient des voitures à laver monnayant 500 francs. Quelquefois, je gagne presque 3.000 francs par jour et l’argent, c’est pour ma nourriture et pour mes autres besoins primaires. Le rêve de tout laveur de voitures, c’est d’avoir un permis de conduire et pour arriver à notre fin, nous mettons de l’argent de côté». Saliou ne se plaint pas puisqu’il nous a confié que l’argent obtenu à la sueur de son front lui permet d’offrir des cadeaux à sa copine et payer des fringues. «Si je mets la moitié de ce que je gagne de côté, il m’arrive d’avoir 30.000 francs. Je n’ai pas de problèmes pour satisfaire les besoins de ma copine. Je m’achète des habits neufs. Cela fait trois ans que je fais le boulot de laveur de voitures, mais dans deux ans, j’aurais de quoi passer mon permis de conduire et un jour j’aurai un véhicule à ma disposition pour gagner plus d’argent et fonder une famille».
Mais, hormis le fait de se faire des sous, le métier de laveur de voitures leur permet aussi d’apprendre les rudiments de la conduite par le biais des voitures qu’on leur donne à laver et qu’on leur prête de temps à autre pour se faire la main. Si le lavage de véhicules leur permet de régler quelques problèmes quotidiens, il n'est pas pour eux une fin en soi. Ce travail constitue, tout simplement, un passage pour apprendre à conduire. «Nous ne sommes pas là pour laver des voitures éternellement. Le lavage de véhicules est juste pour nous une passerelle pour devenir chauffeur», précise Assane Ndiaye.
Et si pour Saliou, les affaires marchent bien, tel n’est pas le cas pour M. G. Taille moyenne, ce jeune Kaolackois de 19 ans lance ceci : «Ça ne marche pas bien. Il n'y a pas beaucoup de clients. J'en suis à ma deuxième voiture depuis ce matin. Pour cette journée, je n'ai gagné que 600 Fcfa, alors qu'il arrive que je descende avec 3 000 Fcfa de gain», dit-il. Même son de cloche du côté de ses camarades. Pour ces derniers qui, du fait de leur habillement, ressemblent à des apprentis «car rapides» ou à des mécanos, les clients se font rares les jours ordinaires. «Les clients viennent surtout les dimanches et après la pluie'» affirme Assane Ndiaye, un jeune de 20 ans, originaire de Khombole. Comme pour dire, après la pluie, c’est le beau temps pour les laveurs de voitures.

Une source d’économie pour les clients
Le lavage de véhicule est une auto-école pour les jeunes laveurs, mais il est également une source d'économie pour les clients. Les prix varient en fonction de la taillent du véhicule explique Alioune Ndiaye. Pour un scooter, c’est 300Fcfa, 500 Fcfa pour une petite voiture et 1000 Fcfa pour une 4X4.
«Les laveurs ont des prix abordables. Leurs tarifs varient entre 300 et 1000 Fcfa. Et ils lavent toute la voiture, à l'extérieur comme à l'intérieur. C'est mieux par rapport aux stations d'essence où les prix varient entre 1000 et 2 000 francs», se réjouit Cheikh Lamine Sow. Le bon marché n'est pas cependant le seul motif d'attraction des clients. A cela vient s'ajouter la propreté des travaux. «Les jeunes laveurs font du bon travail. Après le lavage, la voiture devient propre. Ils font le travail avec engagement et détermination. J'apprécie bien leur travail», témoignent bon nombre de clients. Mais comme dans toute histoire, il y a l’envers et l’endroit. Le boulot de laveur de voitures n’est pas sans désagréments. «Nous travaillons dans des conditions difficiles. Les agents de Ddd nous interdisent souvent le lieu. Dès fois, c'est la police qui vient nous chasser. Nous avons aussi un problème d'approvisionnement en eau. Pour avoir un seau d'eau, nous payons 50 Fcfa aux propriétaires de restaurant d'à-côté» affirment les laveurs. A la question de savoir s’ils n’arrivent pas quelquefois qu’on les accuse de vol, ils s’arc-boutent et sont sur la défensive, «nous ne sommes pas des voleurs» tonnent-ils à leur corps défendant.

De bels exemples de réussite
Des réussites, il y en a aussi. Samba Ndiaye en est une belle illustration. Ancien laveur, il est devenu chauffeur embauché. «J'ai commencé par le lavage de voitures avant de devenir chauffeur pour un particulier. J'ai exercé ce métier pendant deux ans. C'est dans ce métier que j'ai appris à conduire une voiture. C'est ça l'avantage du lavage. Avant d'être embauché, j'étais chauffeur de «clando». Je faisais des courses entre Parcelles assainies et Pikine. Ces jeunes laveurs qui sont là, ont pratiquement tous leur permis de conduire. Mais ils n'ont pas encore la chance d'être embauchés. Ils patientent encore», explique Samba Ndiaye, 32 ans.
Il y a aussi l’exemple de D (il a requis l’anonymat) le sérère qui est chauffeur. Il est venu à Dakar adolescent, se faire laveur de voitures. Il a pratiquement appris les rudiments de la conduite par promiscuité intense avec celles-ci. Puis il a passé le permis, sésame vers les métiers de la conduite et du transport. Pour quelqu’un qui ne lit pas le français (il déchiffre l’arabe, appris à l’école coranique), l’obstacle n’était pas mince. Il a ensuite conduit clandestinement, de nuit, un taxi avant de finir chauffeur chez un particulier. Sa volonté est toute tendue vers un autre type de permis qui lui donnera l’accès aux poids lourds. Il se rêve conducteur de camions dans une usine je crois. Comme pour dire que pour arriver au sommet, il faut forcément passer par la première marche. De bels exemples de réussite à suivre et qui méritent d’être encouragé.



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