Leur vie est loin d'être un conte de fées. Pour elles, chaque jour est un défi, un obstacle à surmonter. Vendeuses de poisson, gargotières ou écaillères de poissons…, elles travaillent dans des conditions extrêmes pour pouvoir nourrir leurs enfants, payer leur scolarité et soutenir leur époux. En ce 8 mars, journée des femmes, Seneweb retrace la trajectoire de trois d'entre elles.
Gueule Tapée, 3 heures du matin. Point d'ombre humaine qui serpente les rues. Juste quelques rares véhicules apparaissent, puis disparaissent dans la pénombre. Armée de sa bassine, le pagne solidement noué autour des reins, Maty Guèye pointe à l'arrêt. Elle attend la première voiture de transport en commun qui la mènera à son lieu de travail.
Elle est poissonnière au marché de Gueule Tapée. "C'est un métier pas du tout facile, prévient-elle. Quand on le pratique on n'a pas le temps de bien dormir. Il faut se réveiller très tôt le matin tous les jours pour aller chercher du poisson. Parfois on part jusqu'à Rufisque pour en trouver."
"Il arrive que mes jambes me fassent mal au point…"
Au marché de Gueule Tapée, dès l'entrée, l'odeur du poisson agresse les narines. Maty s'est bien approvisionnée. A présent, il faut attirer le chaland. La survie de sa famille en dépend : "Aujourd'hui, 95% des femmes gèrent les ménages, signale-t-elle au milieu de ses collègues. Le loyer, la dépense quotidienne et la prise en charge des enfants me reviennent car mon mari ne travaille pas. Et ces dépenses exorbitantes nous empêchent d'épargner."
Pour Maty, les difficultés ne sont pas que financières. Parfois, ce pénible travail met son corps à rude épreuve. Et c'est durant l'hiver que la dame souffre le plus. "Il est souvent arrivé que mes jambes me fassent mal au point que je ne puisse pas me lever de mon lit. Quand je suis confrontée à ce genre de situation, je fais souvent appel à une collègue pour qu'elle m'achète du poisson", confie-t-elle.
"Le jour où on m'a agressée…"
À quelques mètres du marché de la Gueule Tapée, les vagues de l'océan échouent sur la plage de Soumbédioune. Ici, pêcheurs et vendeurs cohabitent avec le spectacle hideux des restes de poissons mélangés à un tas d'ordures qui jonchent le sol. Assise devant un modeste bâtiment abritant la gargote de l'une de ses copines, Oumou Bâ affiche une mine joviale qui cache mal ses blessures.
Ses difficultés ont commencé après son divorce, il y a deux ans. "Il fut un moment où c'était difficile de mon côté. Je n'arrivais même pas à avoir quelques choses à me mettre sous la dent", confie-t-elle. Sur les conseils de deux de ses copines, Oumou décide de devenir écaillère de poissons. Mais, ce métier n'est pas une sinécure.
"Je me réveille avant l'aube, dès le premier appel du muezzin et je ne retourne chez moi qu'au crépuscule, narre-t-elle. Parfois je peux rester plus de trois jours sans avoir de clients comme parfois je peux descendre avec des bénéficies importants. Aujourd'hui, ce métier me permet de payer mon loyer, assurer la dépense quotidienne et les frais de scolarisation d'un de mes deux enfants. L'autre n'est pas encore scolarisé, faute de moyens."
Mais Oumou doit aussi faire face aux agresseurs. Elle fouille ses souvenirs : "J'ai été à deux reprises victime d'agression. Un jour, à Yeumbeul, alors que je rentrais chez moi, des individus m'ont interceptée. Ils étaient trois. L'un d'entre eux a plongé sa main dans mon sac et s'est mis à fouiller dedans. Quand j'ai commencé à crier, les deux autres ont emportés les 15 000 francs, ma recette de la journée. Je tremblais comme une feuille."
Pour éviter de s'exposer à de telles mésaventures, elle a décidé de louer une chambre à la Gueule Tapée où elle vit avec ses enfants.
"Gargotière pour aider mon mari"
Loin du populeux quartier de Soumbédioune, à la gare routière de Petersen, le vrombissement des moteurs anime les lieux. Ici, à midi, mécaniciens, chauffeurs et vendeurs se ruent vers les gargotes. Coumba Gueye gérante d'une gargote, a fait plus de 26 ans dans ce métier. Elle a suivi les pas de sa mère. Moulée dans une robe de wax, elle accueille avec un vivant sourire, sublimé par une dentition parfaite.
"Ma mère est restauratrice. C'est ce qui m'a poussée à faire comme elle, pour aider mon mari. J'ai dû arrêter les études pour ce commerce. J'invite mes sœurs au travail. Il n'y a aucune raison pour ne pas travailler, même si votre mari travaille."
Ces femmes ont un point commun : elles ont décidé de ne pas croiser les bras. De ne pas attendre une aide hypothétique. Mais surtout, de prendre leur destin en main. Ce, dans le noble but de faire vivre leurs enfants, prendre soin de leur ménage ou même épauler leur époux.
5 Commentaires
Anonyme
En Mars, 2018 (13:57 PM)Anonyme
En Mars, 2018 (14:28 PM)Anonyme
En Mars, 2018 (14:43 PM)Afrique
En Mars, 2018 (15:03 PM)Anonyme
En Mars, 2018 (09:14 AM)Participer à la Discussion