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NOUAKCHOTT 21 ANS APRÈS LES ÉVÈNEMENTS : Carnet de Voyage d’un Réfugié

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NOUAKCHOTT 21 ANS APRÈS LES ÉVÈNEMENTS : Carnet de Voyage d’un Réfugié

Notre reporter est reparti à Nouackchott 21 ans après les douloureux événements entre le Sénégal et la Mauritanie. Il revient ici sur les changements de la ville, mais surtout sur la politique de l’actuel président qui semble tenir à un retour organisé des réfugiés et au respect des droits humains et du citoyen.

J’ai revu Nouakchott 21 ans après les tristes évènements de 1989. La capitale de la République Islamique de Mauritanie (RIM) me semble devenue trop grande. Une urbanisation sans pareille, avec un développement extraordinaire des quartiers traditionnels et la création d’autres. De belles maisons sortent de terre et la ville se modernise. Comme toutes les grandes villes, l’urbanisation est très forte : gens et véhicules se côtoient comme des fourmis dans la capitale où sont représentées les quatre ethnies composant ce pays au Sud du Sahara : Arabes, Pulaar, Soninkés et des Wolofs. Ceux-ci avaient, en 1989, connu l’une des pages les plus sombres de leur histoire commune, si bien que, 21 ans après cet épisode douloureux pour ces tourmentées populations, l’heure est à la réconciliation. Il reste tout même beaucoup à faire, car l’ethnocentrisme, cette tendance que l’on a de faire de son propre ethnie la référence, y a encore droit de cité. Si des mesures hardies ont été prises au plus haut niveau, il n’en demeure pas moins qu’une sorte de servitude réglée, douce et paisible se trouve à l’ombre même de la souveraineté de l’État. Et l’étranger qui foule ce sol mauritanien en est frappé.


Le Président Aziz, un homme de rupture

Celui que les Mauritaniens désignent comme « le Président des pauvres » (son slogan durant la dernière campagne) est un général de l’armée qui a préféré tronquer sa tenue pour une candidature présidentielle. Un pari risqué ou une volonté de franchir le Rubicon ? Un vieux dicton dit que « Qui côtoie les pauvres, charrie leur nombre ». Mohamed Ould Abdel Aziz a été élu le 18 juillet 2009 à la tête de la Mauritanie, par 403.100 voix soit 52,58 % (Source : le quotidien national HORIZONS N° 5034 du lundi 20 juillet 2009). A travers les colonnes de ce journal, il soulignait qu’il sera « le Président de tous les Mauritaniens » sans exclusive et compte œuvrer pour que « tous les moyens soient consacrés à l’amélioration des conditions de vie des citoyens ». Il a poursuivi, toujours selon le quotidien national mauritanien, qu’il compte faire de son pays « une nation démocratique, dotée d’institutions pouvant travailler dans la transparence » après ces élections « qui ont vu dans leur déroulement après les conclusions de l’accord cadre de Dakar » a-t-il souligné. Un président soutenu par des personnes ressources à l’image de l’ancien président Khouna Ould Haïdallah, qui bénéficie d’une large estime auprès de la population négro-mauritanienne et du vice-président de l’Assemblée Nationale, le Dr Hamidou Baba Kane, président du Mouvement pour la Refondation (MPR) et qui avait été son adversaire lors des dernières présidentielles. Selon ce docteur en communication, « Aziz est en train de mettre en pratique son discours de campagne ». Le président est, en effet, engagé dans un combat contre la gabegie. « La pauvreté, l’exclusion, la marginalisation et la gabegie » qu’il compare à une « maladie causée par la négligence et la culture des détournements de fonds publics » seront combattues, rassurent ses partisans. Mais le général aura fort à faire pour sa vision d’un mauritanien de type nouveau. Son prédécesseur avait bien commencé à assainir les mœurs dans ce pays totalement musulman mais qui n’utilise pas la religion comme un piédestal pour la consolidation de son unité nationale. Si l’ancien Président Sidy Ould Ckeikh Abdallah avait commencé à raffermir la cohésion sociale par le retour organisé des réfugiés, l’actuel s’inscrit aussi dans la même dynamique.

Organisation du retour des réfugiés

L’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des réfugiés (ANAIR) a, à son actif, le retour organisé de quelques 2000 réfugiés Mauritaniens. Cette agence, créée dans un cadre tripartite entre le Haut Commissariat aux Réfugiés et l’État mauritanien pour un rapatriement entamé le 29 janvier 2008, est dirigée par un ingénieur, Madine Bâ. Ce dernier souligne que « S’ils (les réfugiés) étaient quelques 4.000 à l’entame du processus, à la date du 31 décembre dernier, ils sont 19.048 personnes, organisées en 4.726 familles, réparties dans cinq wilayas (régions -ndlr-) qui se trouvent le long du fleuve Sénégal » Dans ces régions, c’est 177 villages qui ont vu le jour et l’ensemble des familles ont reçu des parcelles pour s’adonner à des activités champêtres, voire agro-pastorales. Car l’appui des autorités mauritaniennes est allé du quota d’insertion au permis d’occuper au nom du chef de famille d’un site, à celui de la construction de classes, à l’aménagement de la terre, à de mini-fermes pour l’élevage ; le problème de l’eau aura été le premier à être résolu, souligne M. Bâ. Notre visite dans les P K de Rosso confirme ses propos. Dans ces sites dispersés dans le pays, par une proportion graduelle, on assiste à une installation discrète face à des changements encourageants. « Là où les conditions permettaient de faire un forage nous l’avons fait, notamment au Brackna ; certains sites ont été connectés au réseau courant d’eau », explique Madine Bâ. C’est aussi le cas de ceux qui sont à proximité de la ville de Boghé. Dans d’autres sites, ce sont des puits et des citernes qui désaltèrent les réfugiés. Pour ces familles, ce sont plus de dix mille têtes de bétail qui auront été délivrés par les autorités mauritaniennes par le biais de l’ANAIR, de même que les aménagements des réserves pastorales. Concernant les fonctionnaires de l’État, M. Bâ souligne que « le conseil des Ministres dans sa session du 15 octobre 2009 a pris la décision du recensement d’abord de tous les fonctionnaires et agents de l’État victimes des événements de 1989. Il a été décidé d’intégrer immédiatement 1444 enseignants dans le ministère de l’Education nationale. Ces enseignants sont encore, de par leur âge, à même de servir selon un recensement que nous avons déjà entamé en Mauritanie et à l’étranger ». Le directeur de l’ANAIR dit avoir en sa possession les résultats dans son pays et qu’il attend, par le biais des missions diplomatiques, la liste des enseignants Mauritaniens vivant à l’étranger. Madine Bâ affirme qu’il y a une réelle volonté politique de résoudre ce problème. Dans les organismes des droits de l’homme comme le Forum National des Associations pour les droits Humains (FONADH) ou la Rencontre Pour la Citoyenneté -RPC - ont est du même avis.

L’indispensable question des droits de l’homme

Quand on n’obéit plus par contrainte, mais par devoir c’est que le bon sens aura conduit au respect des lois. Maintenant en Mauritanie, des structures luttent pour que ce qui est juste apparaisse comme tel. C’est dans cette dynamique que des organisations non gouvernementales oeuvrent. Le RPC, dirigé par l’universitaire Amadou Sall, regroupe un ensemble d’organisations de diverses composantes de la société civile mauritanienne et qui a pour cheval de bataille : « le développement humain durable, la bonne gouvernance, l’État de droit, la promotion de la citoyenneté, entre autres, pour une réponse aux préoccupations majeures de la société civile », souligne cet anthropologue dont la structure compte à son actif « le renforcement des capacités institutionnelles ». Sur le plan international, ces organismes coordonnent avec des institutions d’envergure internationale, à l’image du Comité d’annulation de la dette du monde qui s’est tenu du 1er au 10 décembre 2008 en Belgique. Le Pr Amadou Sall n’a pas manqué de faire l’état des lieux en Mauritanie. Il participe activement « aux combats qui ont jalonné notre chemin pour promouvoir la culture civique dans notre pays ».

Ces organismes abattent un travail titanesque pour les droits de l’homme, longtemps bafoués dans ce pays et c’est le bénévolat qui prime dans leur action. « Mais que ne ferions-nous pas pour la reconversion des mentalités, sinon le sacrifice de soi » dit M. Sall, qui estime que dans une société de rencontre comme c’est le cas en Mauritanie, où quatre ethnies cohabitent, « le droit a à jouer un rôle essentiel, celui de matrice d’un monde en train de se faire et celui d’un autre encore à faire ».



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