Vendredi 26 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

PETITS METIERS - « Mère thiéré », un quotidien assuré par la vente du couscous

Single Post
PETITS METIERS - « Mère thiéré », un quotidien assuré par la vente du couscous

Khady Ndiaye, plus connue sous le nom de « Mère thiéré » (la dame au couscous), habite à l’Unité 6 des Parcelles assainies dans la proche banlieue de Dakar. Dès 17 heures, elle s’installe dans son coin favori au lieu communément appelé « Premier garage. » A cette heure de la journée, cet endroit est très fréquenté.

Des piétons passent leur chemin. Des vendeuses d’eau et des marchands ambulants de fruits guettent l’acheteur. Des taxis « clandos » et autres « cars rapides » sont stationnés dans un total désordre sur la route qui mène vers Pikine et Guédiawaye. Des bruits, des odeurs, des couleurs. « Premier garage » vit au rythme des départs et des arrivées de véhicules. « Mère thiéré » travaille dans le silence, mais ses premiers clients ne vont pas tarder. Nous sommes allés à la rencontre de cette vendeuse dont le bureau est un bout de trottoir et le gagne-pain une calebasse remplie de couscous. Native de Fatick, « Mère Thiéré », ou la dame au couscous, Khady Ndiaye de son vrai nom, a quitté cette ville du centre du Sénégal pour rejoindre son mari à Dakar. Agée d’une soixantaine d’années, elle se livre au commerce de couscous depuis près de vingt ans. Cette activité lui a valu le surnom affectueux de « Mère thiéré », un mélange de wolof et de français qui signifie la dame au couscous.

Mère de sept enfants, Khady Ndiaye s’occupe seule de ces derniers, tous au chômage. Après le décès de son mari, un ancien employé de la Sias, l’ex-société de nettoiement, sa situation a empiré.

« Comme de nombreuses femmes sénégalaises, je m’occupe de mon foyer. Déjà, quand mon mari était vivant, je contribuais à la dépense quotidienne. Je rends grâce à Dieu qui m’aide à prendre en charge mes enfants. Malgré cette précarité dans laquelle je me trouve, des parents quittent le village pour s’installer chez moi. C’est le cas de mon oncle maternel et de deux cousins à mes fils qui vivent sous notre toit. Et fort heureusement, la maison nous appartient », confie-t-elle.

Khady Ndiaye est une Sérère bon teint : taille moyenne et teint noir. Elle est très énergique. Ses longues journées commencent au lever du soleil. « Mère thiéré » achète d’abord le petit-déjeuner pour sa famille. Ensuite, elle donne la dépense quotidienne pour faire bouillir la marmite. Toutes les heures qui suivent sont consacrées à son commerce de couscous. « Je dépense tous les jours 2.500 francs Cfa pour l’achat du mil sorgho et du charbon, entre autre. Le soir, je me retrouve avec un bénéfice de 1.500 francs Cfa. Je gagnais plus avant car les bénéfices pouvaient atteindre 4.000 à 5.000 francs Cfa », indique-t-elle. « Aujourd’hui, mon commerce marche en dents-de-scie », se désole « Mère thiéré ». Selon elle, cette baisse de ses revenus s’explique par le coût élevé de la vie à Dakar. Le kilogramme du mil est passé de 200 francs à 350 francs. Le kilo de charbon a augmenté, la bonbonne de gaz également. « C’est vous dire que tout est cher aujourd’hui. Malgré cette situation, je suis tenue de fidéliser mes clients. Je vends l’équivalent de quatre kilos de mil par jour », ajoute la commerçante.

Une activité en dents-de-scie

Ses clients adorent manger du couscous le soir. « Pour éviter que d’autres vendeuses de couscous ne me les prennent, j’accepte de leur faire du crédit, même si cela ne m’arrange pas très souvent », précise-t-elle. Cela n’est pas du goût de certaines vendeuses, des concurrentes plutôt jalouses. « J’ai commencé à vendre du couscous à la cité Fadia. Une cohabitation difficile avec d’autres personnes m’a poussé à quitter cette cité. Il y avait une femme qui ne m’aimait pas. Elle me cherchait des noises tous les jours parce que simplement les clients préfèrent mon couscous », révèle-t-elle.

Cette jalousie n’émeut guère Khady Ndiaye. Elle vit plutôt cette situation avec dignité. Sa conviction est simple : la pauvreté n’est pas une fatalité. « Il suffit d’être méthodique pour que tout marche. Je suis contre la facilité. C’est pourquoi j’ai initié mes filles à ce commerce. Quant aux garçons, l’un est apprenti mécanicien et l’autre vient d’être reçu au concours de la Police ».

Fière de sa situation, « Mère thiéré » invite les femmes à se battre pour leur autonomie financière, la seule bataille qui vaille à ses yeux. Pour elle, la politique de la main tendue doit être bannie dans ce pays. « Je préfère travailler dur plutôt que de tendre la main », dit-elle avant de rejeter l’idée qui fait dire à certains - et à tort - que seuls les hommes sont capables de gérer des foyers.

Le couscous de Khady Ndiaye est très prisé par les clients, surtout en période de fête de « Tamkharite », (10ème jour du nouvel an musulman célébré dans certains pays comme le Sénégal). Son savoir-faire, les fins gourmets parlent d’art culinaire, lui a permis de gagner la confiance des clients. C’est le cas de Alioune Fall. « Mère Khady prépare bien son couscous. En plus, elle n’est pas cupide comme les autres vendeuses qui passent leur temps à faire de la spéculation sur leur produit. Avec seulement 200 francs, je mange à ma faim. En plus, je n’ai pas d’inquiétude sur la qualité de son produit », confie M. Fall, rassuré par l’hygiène de la vendeuse. « Elle est propre », indique-t-il.

Une autre cliente témoigne : « Depuis que j’habite l’Unité 6, c’est mère Khady qui me vend du couscous. Elle est propre, même mon époux le reconnaît. D’ailleurs, c’est elle qui m’a apprise comment préparer le couscous. Pour votre information, sachez que cette femme fait aussi du social. Elle donne gracieusement du couscous à trois talibés (petits mendiants) tous les soirs », révèle la cliente. A ce sujet, « Mère thiéré » déclare que toute bonne action ne se perd jamais. « Je suis une femme et j’ai du mal à regarder ces petits enfants mourir de faim. Ma conviction est qu’une personne doit faire du bien, qu’elle soit riche ou pauvre. C’est ce qui justifie mon geste vis-à-vis de ces talibés », explique-t-elle.

Il est difficile d’être femme et chef de ménage, soutient « Mère thiéré ». « Mais par la grâce de Dieu, mes enfants ne manquent de rien. Et comme dit l’adage, il faut faire du bien pour espérer une récompense. Aujourd’hui, ce commerce m’a permis d’acheter une télé, un frigo et de payer chaque année un mouton pour la Tabaski, tout ceci grâce à mes tontines Je suis convaincue qu’il n’y a pas de sot métier. Il suffit juste d’avoir la confiance en soi et de la persévérance », explique-t-elle..

Cette conviction, elle la démontre au quotidien



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email