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REPORTAGE - Obsèques du chef du Mfdc : Requiem pour l’Abbé Diamacoune

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REPORTAGE - Obsèques du chef du Mfdc : Requiem pour l’Abbé Diamacoune

Le théologien de la libération a été enterré, samedi, au Cimetière des prêtres de Brin. Une foule nombreuse a accompagné l’Abbé Diamacoune Senghor dans sa dernière demeure. Une page vient d’être refermée à Ziguinchor où la messe d’enterrement a été dite à la cathédrale Saint Antoine de Padoue. Le Mfdc n’a plus de guide. Il est orphelin. La question de sa succession n’a pas encore été réglée. Mais, des vérités ont été dites au cours de la messe devant l’étonnement de tous. Avec la disparition de celui qui incarna, à lui seul, pendant longtemps, le séparatisme casamançais, plus rien ne sera plus comme avant.

Trois images, toutes très fortes. La première : Jean-Marie François Biagui, le secrétaire général du Mfdc s’approche lentement du cercueil, s’incline et pose une main sur les rebords. L’homme reste immobile pendant quelques minutes puis s’avance et rejoint sa place. La seconde : au cimetière de brin où repose désormais l’abbé Diamacoune Senghor, son cercueil est recouvert d’un linceul blanc sur lequel une main anonyme a posé un joli bouquet de fleurs. La troisième : juste après l’enterrement, la cathédrale de Ziguinchor qui a été prise d’assaut par une foule très nombreuse, s’est vidée de toute présence humaine. Les pleurs, les policiers, la foule de fidèles, les prêtres et religieuses, tous semblent s’être volatilisés. Toutes ces images sont le symbole d’une fin. Une page vient de se refermer, une autre va sans doute être ouverte. Tout est fini. Tout. Samedi, le Sénégal a enterré un de ses fils, fut-il rebelle dans le respect de la tradition chrétienne.

SOUS LE REGARD DE DIEU ET DES HOMMES

Très tôt le matin, les ziguinchorois, par petits groupes ou individuellement prennent la direction de la cathédrale Saint Antoine de Padoue où doit être dite la messe d’enterrement de Diamacoune Senghor. Devant l’imposante bâtisse, un impressionnant cordon sécuritaire a été installé par la police. En tenue de combat, les éléments du Gmi canalisent la foule. A l’intérieur de l’église, de nombreux fidèles et curieux défilent devant le cercueil du défunt. Sur fond de chants grégoriens, entrecoupés des pleurs des proches de l’ancien leader charismatique du Mfdc, l’ambiance est empreinte d’émotion.

«C’est maintenant que je réalise», lance en diola la voix tremblotante d’une jeune dame tout de noir vêtue, sans doute une proche de l’ex-chef du Mfdc. Partout dans l’église, se lisent sur les visages, tristesse, inquiétude ou curiosité. Dans un coin de la maison de Dieu, quelques combattants que l’on reconnaît, facilement, avec leurs «rasta», sont assis sagement et attendent le début de l’office.

Peu avant 10 heures, une religieuse invite la foule à la prière en lançant un «je vous salue Marie» repris par l’assemblée. Dans la foule, il y a aussi des jeunes et vieux, venus du village de Sengalène, accompagner leur frère, oncle ou parent, l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor. Certains sont arrivés la veille, d’autre le samedi même. «On ne voulait pas rater ça», confie un jeune du village du défunt. C’est aussi le cas pour de nombreux ministres de la République, avec ou sans portefeuille. Mbaye Jaques Diop, président du Craes, qui a dirigé la délégation, est en effet entouré de Georges Tendeng, , de Me Bassène de l’Anrac, du Pr Christian Sina Diatta, de Joseph Ndong, de Youba Sambou, de Abdoulaye Baldé, Secrétaire général de la Présidence, de Robert Sagna, maire de Ziguinchor et de quelques autres anciens ou nouveaux princes de la République. L’évêque de Ziguinchor, devant cet aréopage de ministres a remercié le chef de l’État et la nation sénégalaise pour avoir soutenu le clergé dans cette épreuve. Mais aussi pour avoir pris en charge les frais d’hospitalisation, de pompes funèbres et de rapatriement de la dépouille mortelle de Diamacoune.

LA VERITE MEME DANS L’EPREUVE

Monseigneur Maixent Coly n’a pas mâché ses mots dans son homélie. «Diamacoune a gêné le sommeil de plus d’un ici. En principe, un prêtre ne doit pas avoir d’engagement politique parce qu’il est censé ne pas avoir de langue de bois. On lui a, à plusieurs reprises, rappelé que l’unité du pays doit primer sur tout», a lancé à la foule le chef de l’église de Ziguinchor. Imperturbable, l’homme de Dieu, qui prend au mot Diamacoune qui, de son vivant, s’est fait le chantre de la vérité et de la justice, a dit «sa vérité», samedi au peuple sénégalais. «La devise de notre pays n’est-elle pas : ‘’Un peuple, un but, une foi’’ ?», s’est-il interrogé à haute voix. Un des diacres a aussi reconnu devant la foule des fidèles, lors de la «prière universelle» que «beaucoup en Casamance ont été victimes du conflit», tout en invitant tout le monde à des prières pour le repos des âmes des uns et la guérison des autres. Toujours sur le même ton et dans un silence de cathédrale (et c’est là un euphémisme), Mgr Maixent Coly a aussi coupé court à la rumeur, selon laquelle, le village de Sengalène, le Mfdc et le clergé se sont disputés à propos du lieu de l’enterrement du défunt prêtre. «Il n’y a pas eu de tiraillements entre le Mfdc, le village de Sengalène et l’Eglise sur le lieu de l’enterrement de Diamacoune», a-t-il insisté.

L’office a démarré par la procession des prêtres venus du Sénégal, de la Guinée-Bissau et de la Gambie. Un chant en Diola, qui invite à entrer «dans Jérusalem, chez nous», a ouvert la procession des ecclésiastiques. Juste après, la chorale a entonné le Requiem, un émouvant chant de prière en latin pour les défunts. Le concélébrant, Mgr Jean-Pierre Bassène, évêque du diocèse de Kolda a par sa présence représenté ses confrères du Sénégal, du Mali, de la Mauritanie, de la Gambie et des deux Guinée.

LE MONDE DU SILENCE

«La mort n’est jamais une fin en soi», a rappelé l’évêque de Ziguinchor, Mgr Maixent Coly. Sans doute pour donner de l’espoir à tous ceux qui, torturés par la douleur de la disparition de Diamacoune, ont eu du mal à retenir leur émotion. Tout au long de la route emprunté par le cortège funèbre, de nombreux anonymes sont aussi sortis de leurs maisons et certains ont versé des larmes. Au cimetière de Brin (à une dizaine de kilomètres de Ziguinchor), la même émotion a rythmé l’enterrement du défunt prêtre. Des hommes et des femmes ont, à l’arrivée du cercueil, fait un salut de la main avec des mouchoirs blancs. Le blanc, ici, est symbole de paix. A Brin aussi, la foule est venue nombreuse. Quelques policiers, sont postés sur le toit des bâtiments du Grand Séminaire. Ils ont le doigt sur la gâchette et la mine sombre. Un haut-parleur diffuse la douce mélodie de quelques chants du regretté Julien Jouga.

Le cimetière est un concentré de quelques carrés. Une bonne douzaine si l’on compte le tombeau de Diamacoune Senghor. Ils sont tous peint en blanc, encore la couleur de la paix chez les catholiques. Avant l’ultime prière des morts, les séminaristes entonnent un «Oui je me lèverai…», qui rappelle à tous qu’un jour, chacun d’entre nous rejoindra la maison de Dieu.

Pour un dernier au revoir, les prêtres, puis les religieuses et enfin les laïcs, un à un, bénissent avec de l’eau le cercueil et le tombeau du défunt. Un chant à la gloire de Dieu déchire le silence. Tout est fini, maintenant. Quelques âmes sensibles tombent, vite secourues par les scouts et guides. A la fin de la cérémonie, des prêtresses de la religion traditionnelle ainsi que des imans s’avancent eux aussi, jettent un rapide regard sur le tombeau, puis, s’en vont. Au loin, on entend le bruit des voitures. C’est le branle-bas pour le retour à Ziguinchor.

A Djibelor, à quelques encablures de Ziguinchor, sur la route de Brin, un inconnu fait sonner la cloche à notre passage. Puis c’est le silence.

Celui, qui a voué sa vie et son sacerdoce à la lutte pour l’indépendance et qui a toujours donné de la voix jusqu’au soir de sa vie, s’en est allé dans le monde du silence, celui des âmes.



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