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REPORTAGE SUR LES CIMETIERES AU SENEGAL : Le tombeau, selon que l'on est riche ou pauvre....

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REPORTAGE SUR LES CIMETIERES AU SENEGAL : Le tombeau, selon que l'on est riche ou pauvre....

LIBERTE DE CULTE AU SENEGAL : Obstacles autour d’un rituel 

Le rituel d’inhumation constitue un culte propre à chaque peuple ; et maintenant, à chaque classe sociale, il demeure néanmoins que cette liberté souffre d’un problème d’application au Sénégal. Les croyances et coutumes aidant, les peuples s’adonnent à cette pratique. Ce reportage montre que toute personne, quelles que soient son appartenance, sa race, sa famille, qu’elle soit riche ou pauvre a le droit de rendre hommage à ses morts…   
   
Touba, Tivaouane, Thiaroye… Un silence craintif et timoré règne dans ces célèbres cimetières sénégalais. Mais une sérénité bavarde anime les couloirs de la mort. Ici, chaque tombeau parle, chaque sépulcre montre la richesse ou la pauvreté de son locataire. Le tombeau, jadis un simple témoignage de souvenirs prolonge la lutte des classes dans cet univers particulier, le tunnel qui mène vers l’Aude-Là. Certains ne prêtent d’ailleurs aucune attention particulière envers les morts issus des foyers pauvres ou modestes. « On marche sur leurs cadavres parce que c’est accessible», regrette M. Diop. Ces morts squattent une petite portion de terre dans ces populeux cimetières où ils sont superposés sans complaisance comme une ruche. Cependant, les familles riches se targuent d’avoir enrôlé des gorilles pour veiller sur les tombes de leurs parents. Le défunt milliardaire El Hadji Ndiouga Kébé (tué dans un spectaculaire accident de voiture puis enterré à Touba depuis 1986), bénéficie des largesses de ses héritiers qui lui ont construit une magnifique tombe méticuleusement surveillée. « On ne touche pas aux lieux de repos éternel des riches », nous confie un modeste visiteur.

Un paradoxe musulman, décrié par certains Sénégalais. Dans cette contrée à forte densité musulmane, les hauts dignitaires religieux, ainsi que les riches du pays bénéficient de tombes monumentales, nées des mains fantaisistes. Dans de gigantesques mausolées à l’image des pyramides égyptiennes, reposent des érudits musulmans. Mais des islamologues, comme Khadim Ndiaye Rachid, comparent cette pratique à une forme d’idolâtrie et de blasphème. Selon lui, il est recommandé aux musulmans de ne pas ériger une tombe qui dépasse 50 centimètres. De l’avis de notre interlocuteur, les tombeaux doivent être aplanis, car la construction de ces sépulcres monumentaux est formellement interdite par le prophète de l’Islam. Les ornements, les jeux de lumière, l’encense ne seraient pas recommandés dans ces lieux. De pareilles fantaisies seraient synonymes de profanation…

« Cheikh Ahmadou Bamba, le guide spirituel des mourides, a dit un jour, Dieu ne se soucie pas de tous ces artifices. Le mort ne sent même pas la beauté ou de la laideur de sa tombe », renchérit le chercheur.

De l’avis de notre interlocuteur, à Bakhiya à Médine, les cimetières des Sabas ou apôtres de Mahomet, sont comme une plaine. Aucune tombe n’y est construite. Pourtant, dans tous les cimetières sénégalais, à Touba, Tivaouane, Thiaroye, Yoff… il existe des tombeaux qui sont érigés en monuments. La religion musulmane est très exigeante, elle ne tolère pas cette pratique selon Yankhoba Badiane. Cet islamologue relativise, et ne s’oppose pas à l’érection de certaines tombes en édifices. Certains musulmans sont prisonniers de leurs coutumes et traditions. « Il y a des tombeaux comme celui de Mahomet qui méritent une certaine attention, malgré ces interdits. A la Mecque, en Iran, en Syrie, en Irak, en Turquie et dans plusieurs pays musulmans, vous retrouvez des tombes des érudits décorées, et entretenues comme des Palais. Mais on ne doit pas les considérer comme des lieux de cultes, de pèlerinage ou de rituels », commente M. Badiane.

Tous les chemins mènent au cimetière

En construisant ces tombeaux monumentaux, chrétiens et musulmans essaient de rendre hommage à leurs morts. C’est une manière pour certains de montrer leur attachement et leur affection à leurs illustres disparus. C’est une seconde maison pour eux, une demeure qui demande entretien et salubrité. « Scientifiquement, pour vénérer un mort ou bien lui rendre hommage, on a besoin de prendre beaucoup d’espace pour construire une tombe. Vous avez tous vu que les cimetières sont presque tous pleins, parce que certaines personnes  prennent la peine de réserver de la place pour leur parent dans les cimetières. Je pense qu’il appartient aux autorités municipales de surveiller cela, car nous avons une population qui est en croissance», se désole M. Ndiaye, professeur de philosophie.

Cependant, d’autres considèrent ces tombes monumentales  comme des lieux de recueillements et de prières. « Moi, chaque vendredi, je balaie la tombe de mon père, après avoir prié pour lui. C’est juste une manière de m’adresser à lui, pour lui dire que je compte sur son soutien », balance M. Diouf. Selon l’islamologue Khadim Ndiaye Rachid, « la meilleure façon de rendre hommage à un disparu c’est de faire quotidiennement des prières pour lui».

Les sépulcres, tout un Art !

L’art funéraire a beaucoup évolué au Sénégal. Si certains autochtones s’inspirent du rituel oriental, les conservateurs sérères enterrent leurs morts avec leurs biens, dans des tombes monumentales appelées « poy » ou « nean ». D’autres imitent les bourgeois occidentaux, en décorant leur tombe avec le portrait du mort. Les bustes font ainsi leur entrée dans la nécropole sénégalaise. Né en Europe, cet art funéraire d’inspiration occidentale est connu au Sénégal avec l’arrivée des colons. En effet, contrairement aux autres tombeaux, le buste du premier député noir au Palais Bourbon, Blaise Diagne trône majestueusement dans les cimetières musulmans de Soumbédioune à Dakar, sur la corniche Ouest. Cette mode occidentale a eu son effet sur certaines stèles musulmanes, où l’on pourra lire désormais des phrases exprimant tendresse, reconnaissance et amour à l’endroit des défunts. « Nous ne t’oublions jamais… », « Repose en paix… ». De telles expressions sont souvent inscrites en lettres d’or sur les tombeaux des illustres disparus sénégalais.

Santhiaba ou le cimetière de la cohésion

Il est ni pour les riches, ni pour les pauvres. Il n’est ni catholique, ni musulman, il est simplement destiné à tous les mortels sénégalais. Voilà ce que le cimetière de Santhiaba a de particulier. Situé au quartier populaire de Ziguinchor, limité à gauche par le pont Emile Badiane, et  à droite par le rond point, tout juste à l’entrée de la ville, ce cimetière est symbole d’une cohésion sociale. Les musulmans et catholiques y sont enterrés côte à côte. Le cimetière mixte de Santhiaba est fonctionnel depuis 1975. Sa longueur est de 150 mètres et sa largeur mesure 100 mètres. Un puits haut de 25 mètres y est creusé. Selon le gardien des lieux, il y a 5 ans, les riverains venaient chercher de l’eau pour se baigner car cette eau, dit-il, est bénite. Même si les tombeaux monumentaux font partie du décor de ce cimetière, Santhiaba reste le symbole de la fraternité, de la cohésion et de l’égalité des droits. 21 frères d’armes tués à Bambonda en 1995, les 28 militaires de l’armée sénégalaise tués à Mandina Mangagne par les rebelles Casamançais, y reposent éternellement. C’est le cas des cimetières collectifs de Kantène en Casamance et de Mbao à Dakar où des milliers de naufragés (musulmans et chrétiens) du ferry « Le Joola » sont inhumés.



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