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RESPECT DES DROITS HUMAINS : Amnesty épingle le Sénégal

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RESPECT DES DROITS HUMAINS : Amnesty épingle le Sénégal

Au cours d’un point de presse, hier au Cesag, l’Ong Amnesty International a présenté un rapport brûlant sur l’impunité au Sénégal. Des témoignages poignants de victimes ou de parents de victimes et de leurs avocats ont donné corps aux souffrances dues à l’absence de réparations.

« Ce rapport est chaud ». Ce bout de phrase prêté à un officiel réagissant à la lecture du fascicule présenté hier par Amnesty International est certainement justifié au vu des dossiers brûlants dont il traite. Sous l’intitulé « Sénégal, terre d’impunité », l’Ong de défense des droits de l’homme met, en effet, le doigt sur au moins trois problématiques sensibles : des cas de torture non résolues, perpétrées tant par les forces de sécurité que par des éléments de l’irrédentisme casamançais, suivi d’amnesties avant jugement ; le retard accusé pour le procès d’Hissen Habré ; et l’absence de réparations aggravant le traumatisme chez les victimes et leurs familles souvent économiquement éprouvées par la perte d’un soutien. Partant du fait que la Constitution du Sénégal en son article 7 sacralise « le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, à l’intégrité corporelle (...) », les auteurs présents aux côtés de Seydi Gassama, le président de la Section sénégalaise, ont dit leur souci d’arriver à un dialogue fructueux avec les autorités pour « reconstruire » et pour faire respecter les conventions internationales signées par le pays qui est considéré comme un champion des ratifications. Le Sénégal est notamment partie à la convention contre la torture depuis le milieu des années 80 et a incorporé son interdiction dans le code pénal en 1996 (art. 295 alinéa 1). La présence dans la salle des avocats des droits de l’homme comme Mes Assane Dioma Ndiaye de l’Ondh et Demba Ciré Bathily, ancien Directeur d’Amnesty Sénégal, et de victimes ou parents de victimes venus tous apporter des témoignages poignants, a permis de donner un contenu à ces cas illustrant le rapport qui s’est voulu concret, selon les présentateurs dont deux enquêteurs venus d’Europe. Derrière les violences en Casamance, y compris des cas de viols dont les victimes traînent encore les séquelles et des cas de torture en détention (garde-à-vue) à Guédiawaye, Kaolack, Matam, Karang, Kédougou et Kolda, voire des morts suspectes non élucidées, Amnesty International a voulu rappeler que la convention contre la torture fait obligation au parquet d’ouvrir une enquête, même en l’absence de plainte.

Les conséquences psychologiques du silence

Or, d’après les avocats, aucun des cas cités n’a fait l’objet de poursuites, alors que les fautifs identifiés sont simplement réaffectés ailleurs. Ce qui pose, selon eux, la question du blocage que constitue le verrou des « ordres de poursuites » nécessaires pour enquêter sur les agents fautifs et, qui relèvent du pouvoir discrétionnaire des ministères concernés. A ce niveau aussi, la rédition de ses rapports périodiques par le Sénégal depuis quinze ans est regrettable. Même si « l’intensité du conflit en Casamance s’est notablement réduite au cours de la dernière décennie », l’amnistie générale de 2004, comme celle de 2005 « visant à apaiser le débat politique » empêchent la reconstruction psychologique et le travail du deuil chez les familles des victimes. Ainsi, la réparation qui peut être simplement symbolique ( une statue, par exemple), mais aussi le soutien par des prestations sociales, permettraient d’alléger les conséquences économiques et psychologiques souvent graves, comme en attestent les larmes que des témoins ont versées devant les caméras hier. Pour autant, sur deux questions au moins, Amnesty International a ouvert des brèches d’espoir. Il s’agit de la proche conclusion du dossier Hissen habré dont le jugement est attendu vers le mois d’octobre (selon une dépêche de l’Aps), le budget ayant été ramené de 18 à 12 milliards Fcfa. Il s’agit aussi de la création d’un Observateur des lieux de détention dont le décret serait dans le circuit. Enfin, sur la question tout aussi sensible de la dépénalisation de l’homosexualité, il n’y a encore comme éclaircie que cette réponse des autorités après la libération des 9 condamnés pour actes contre nature (article 319), comme quoi, « aucune disposition de la législation n’incrimine l’homosexualité ». Bien vrai aussi qu’aucune « personne ne se trouve actuellement en détention en raison de son homosexualité ». Il n’en demeure pas moins que le combat des droits de l’homme vise ni plus ni moins que la dépénalisation et la non discrimination envers des personnes « en raison de leur identité sexuelle ».


MOUSTAPHA GUIRASSY, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT : « Notre pays est loin de constituer une terre d’impunité »


Le gouvernement a donné une réponse provisoire sur le rapport d’Amnesty pour donner ses avis et observations portant sur la pratique de la torture et le respect des droits humains.

Joint au téléphone par nos soins, le porte-parole du gouvernement, Moustapha Guirassy, a indiqué qu’en attendant son point de presse, il livre un document contenant une réponse provisoire où il tient à rappeler que le Sénégal est un Etat de droit soucieux de la préservation et de la défense des libertés individuelles et des droits pour tous. Revenant sur les différentes actions menées par l’Etat du Sénégal pour la promotion et la défense des droits humains, le ministre a cité un ensemble de dispositifs mis en place par le gouvernement du Sénégal.

Sur les griefs soulevés par celui qui est considéré malgré tout comme un partenaire au développement, en l’occurrence Amnesty international, le ministre de la Communication a répondu sur certains points précis, notamment les affaires Dominique Lopy, Alioune Badara Diop, Ndèye Oury, Adja Camara, Modou Bakhoum, Aboubacry Dia. Sur chaque point, le gouvernement du Sénégal a pris, selon son porte-parole, des mesures nécessaires à leur clarification et des enquêtes ont été ouvertes pour les cas de décès dans les locaux de la police. Moustapha Guirassy cite le cas de Alioune Badara Diop, décédé en décembre 2007 dans les locaux du commissariat de Ndorong, pour lequel le commissaire de police a été traduit devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Kaolack qui a prononcé à son encontre le retrait de sa qualité d’officier de police judiciaire. Le document souligne que pour la plupart des cas de décès dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, les enquêtes étayées par des autopsies ont conclu à des cas de mort naturelle ou de suicide par pendaison. Sur l’Affaire Hissène Habré, le porte-parole du gouvernement a rappelé qu’en collaboration avec l’Union européenne et l’Union africaine, tous les actes nécessaires à la tenue du procès ont été posés.

A propos du recours à la torture cautionné par la justice, le ministre a répondu que les statistiques ont démontré que tous les cas de torture avérés connus des autorités judiciaires ont fait l’objet de poursuites et de sanctions appropriées. En somme, « l’essentiel des récriminations contenues dans le rapport d’Amnesty international ont fait l’objet de débats houleux devant le Conseil des Droits de l’Homme de Genève où les autorités sénégalaises, preuves à l’appui, ont démontré que notre pays, loin de constituer une terre d’impunité, est un exemple dans la protection, la promotion et la sauvegarde des droits humains ». Le ministre de la Communication annonce que « sans occulter l’existence de cette pratique, quoique minime, le Sénégal renouvelle ici son engagement à ne ménager aucun effort pour réaliser, sous sa juridiction, une société de justice conforme à la plus haute aspiration d’un Etat de droit, et à participer à l’œuvre internationale et communautaire destinée à l’éradication de la torture sous toutes ses formes ».



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