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[ DOSSIER ] UNION LIBRE OU DÉSIR De " S'essayer " Le Concubinage Dans Toutes Ses Facettes

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[ DOSSIER ] UNION LIBRE OU DÉSIR De " S'essayer " Le Concubinage Dans Toutes Ses Facettes
Décrivant la situation des couples non mariés, le concubinage a, pendant très longtemps, été assimilé à l’adultère. Du point de vue religieux, cette forme d’union est considérée comme de la fornication. Toutefois, la libéralisation des mœurs fait en sorte que ces états de fait sont, désormais, tolérés dans la plupart des sociétés. Même sous nos cieux, où la religion est profondément ancrée, il est difficile de résister à ce qui paraît être, aujourd'hui, être un besoin de «s'essayer» avant de convoler. Reste à savoir si cela marche à tous les coups !

Étymologiquement, concubin (e) signifie «qui a une relation avec». Seulement, le concubinage a sa particularité. Il caractérise une union libre entre un homme et une femme. Et, dans une moindre mesure, entre des individus de même sexe. En quelque sorte, il correspond à une union hors mariage marquée par une certaine continuité, voire une stabilité. Une communauté de vie est donc nécessaire pour qu'il y ait concubinage.

Le couple vit ainsi maritalement. L'union de fait peut- être accompagnée d’un pacte civil de solidarité (Pacs). C’est le cas dans beaucoup de pays d’Europe où il a déjà séduit plus de 4000 personnes. C’est un contrat conclu entre deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, au titre duquel elles déclarent vouloir vivre ensemble. La loi pose des conditions concernant les personnes pouvant conclure un Pacs. Par exemple, ne peuvent conclure un Pacs, les mineurs, ceux qui sont déjà mariés ou liés par un Pacs, ou encore les personnes sous tutelle.

A la lisière de d’adultère

Comme on peut le constater, le concubinage est une notion vague, pas encore ancrée dans la juridiction. Toutefois, au Sénégal, bien que le concubinage ne soit pas prévu par la loi, il est souvent vu comme un délit au-delà du péché qu’il constitue du point de vue religieux. En effet, Musulmans comme Chrétiens proscrivent le concubinage. Il faut aussi noter qu’il peut être condamné par la loi, lorsque l’un des deux amants est uni avec une tierce personne par les liens du mariage. Il s’agit, là, du cas bien précis de l’adultère. Les deux concubins sont passibles d’une peine répressive. Naguère, les coupables d’adultère étaient lapidés à mort. Aussi, le concubinage, comme une union de fait, doit nécessairement passer par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes qui vivent en couple. Vivre ensemble, mais sans mariage : voilà la simple définition du concubinage

Seul bien commun, le lit

Le concubinage, en tant que tel, présente plusieurs éléments. Ils peuvent varier et c'est cela qui rend cette notion difficile à définir. En premier lieu, entre les deux conjoints, on observe une liberté et l’absence de devoirs réciproques. La seule contrainte qui pèse sur les concubins est l'obligation de vie commune. À la différence des couples mariés, les concubins ne sont nullement tenus d'un quelconque devoir réciproque de fidélité ou d'assistance financière ou morale. Chacun est libre de gérer à sa guise son patrimoine. En quelque sorte, les concubins partagent leur lit et non leurs biens économiques

Relation rose et libertine

Le concubinage peut aussi être vu comme le fait de faire plusieurs conquêtes. En effet, la personne qui pratique le concubinage est un libertin qui fréquente plusieurs personnes à la fois, ou une à la fois seulement mais chacune de courte durée. Épicuriens de nature, les gens qui pratiquent le concubinage sont libres de leurs actes et ne font guère de promesse d'engagement. Les concubins sont liés par un sentiment d'appartenance émotionnel. En d'autres termes, les concubins s'aiment. Et c'est ce qui complique la situation. Les fiançailles, soit la promesse d'un mariage futur, changent le statut juridique d'un couple, même sans bague ou sans que l'entourage soit au courant.

À défaut de mariage…

Dans bien des cas, les amoureux se mettent en ménage pour des raisons liées à des problèmes familiaux. Soit, parce que leur relation est mal vue par leurs parents respectifs, soit leurs deux familles ne se portent pas dans leur cœur. Dans le premier cas, qui est assez fréquent, ils sont issus de castes ou de religions différentes. Et cet état de fait est connu pour être le commun des Sénégalais, profondément ancrés dans les coutumes et traditions. Également, il peut arriver que des générations de deux familles se vouent une haine mutuelle et que leurs enfants tombent éperdument amoureux. Il est quasiment difficile pour les parents d’envisager une union entre eux. C’est ainsi qu’ils préfèrent se retirer loin de leurs proches et vivre leur amour.

Vous avez dit «test d’adoption» ?

De plus en plus, les jeunes apprécient davantage le concubinage que le mariage. Par rapport aux autres pays, cette pratique d’union libre qui se répand de mieux en mieux en Afrique a fini de séduire les Sénégalais. En effet, le concubinage est présenté comme une étape pour la constitution d'un couple chez beaucoup de jeunes qui songent au mariage dans un avenir proche. Les concubins veulent en résumé se connaître avant de s’unir pour le meilleur et pour le pire. Ils rencontrent le plus souvent une forte désapprobation de la part de leur entourage. Zeïna de son petit nom, pense que «le concubinage reste le meilleur moyen pour savoir si un partenaire est violent ou frivole. Bien que cela ne soit pas bien vu par la société Sénégalaise qui jette automatiquement le discrédit sur vous, cela reste néanmoins un excellent moyen de sonder son conjoint».

La part diabolique du «Dieu» argent

Même si les raisons sont nombreuses, il reste évident que l’argent joue un rôle non négligeable dans la propension de nos compatriotes à se mettre au concubinage. Dès lors, il ne faut pas être surpris de voir les hommes qui, d’ordinaire, prennent en charge tous les besoins de la femme, succomber à cette tentation. Car, ils arrivent, ainsi, à économiser des sous, dans la mesure où ils ne prennent aucun engagement vis-à-vis de leur partenaire. C’est le cas de ce natif d’une ville de l’intérieur du pays. Préférant garder l’anonymat, il poursuit : «Je vis en concubinage avec ma copine. Je n’ai pas assez de moyens pour l’épouser car j’arrive difficilement à joindre les deux bouts. Sans compter ce que je dois envoyer chaque mois à ma famille, qui n’est bien sûr pas au courant de ma situation». Aussi, dans bien des cas, des jeunes, pressés de vivre ensemble, se mettent en ménage, avant de se marier. Après avoir économisé assez d’argent, ils finissent par se marier. Malgré tout, les unions informelles sont mal tolérées au Sénégal. «Le concubinage ne fait pas partie de notre culture», c’est la même rengaine qui revient à chaque fois, sur un échantillon de 8 personnes sur 10. Les quelques couples concubins rencontrés essuient mépris et mauvaise réputation de la part de leurs proches voisins. Ainsi va le Sénégal, écartelé entre des considérations puritaines et une dégradation évidente des mœurs de ses enfants mondialisés !

JUGEMENT SANS APPEL DES RELIGIONS : Les 100 coups de fouet ou le bannissement»

Les religions les plus représentées au Sénégal, l’Islam et le Christianisme, interdissent le concubinage. Il n’est pas permis à un homme et à une femme de vivre en couple sans être mariés. C’est purement et simplement de la fornication dans les deux communautés qui punissent sévèrement cet acte.

Pour les musulmans, étant donné que le mariage en Islam n’est pas un secret entre un homme et une femme mais un contrat social, on ne peut entretenir une liaison secrète et appeler cela un mariage. Pour que le mariage soit valide, il doit remplir certaines conditions. Le mariage doit être exprimé en des termes clairs et sans équivoque signifiant le consentement des deux parties (l’homme et la femme), oralement ou par écrit. Selon Oustaz Mor Thiam, prédicateur à la Rfm, «le concubinage est sévèrement réprimé, car il est synonyme de débauche». D’ailleurs, a-t-il précisé, les concubins recevaient 100 coups de fouet. S’il arrive que l’un des concubins soit marié, c’était à coup sûr la mort qui l’attendait. Toutefois, de nos jours, dans le contexte de relâchement des mœurs, il est plus judicieux de moraliser les deux amants, dans le but de les ramener à de meilleurs sentiments. Idem pour les Chrétiens qui assimilent le concubinage à une fornication, un péché, tout ce qu’il y a de plus grave. On ne peut pas vivre en concubinage et adorer le Seigneur. La religion considère qu’il faut impérativement le mariage religieux, c’est-à-dire devant l’Église, pour que les conjoints songent à se mettre en ménage. Donc, le concubinage ne correspond pas à ce que l’Église attend du fidèle Chrétien. L’Abbé Alphonse Seck, Vicaire de l’Archidiocèse de Dakar, soutient que ceux qui pratiquent cette union libre sont en porte-à-faux avec l’Église. Même s’il s’agit d’un mariage coutumier ou civil, des formes d’union que respecte la religion, c’est toujours un péché. Ainsi, des personnes qui vivent en concubinage n’ont pas le droit de recevoir le corps du Christ (Eucharistie). Ce qui revient à être banni à l’Église.

TÉMOIGNAGE : BINTOU REGRETTE SON UNION LIBRE : «Si c’était à refaire…»

«Si je pouvais revenir en arrière, je ne vivrais pas en concubinage avec mon copain». Cette phrase est revenue, sans cesse, dans le discours de cette femme abattue par le poids de l’âge. Mais aussi et surtout par les aléas du métier de bonne. Qu’elle est obligée d’exercer pour nourrir ses trois rejetons qu’elle a eus lors d’un ménage, hors mariage. Une union qui a duré 14 ans et qui aurait pu se terminer en heureux mariage. Si son amant, qui lui avait promis monts et merveilles, donnait suite à ses engagements. Finalement, il l’a abandonnée comme une vielle chaussette.

C’est dans les rues de Niary Tally, un quartier populeux de Dakar, qu’elle nous a accueillis. Après avoir marché quelques mètres, elle nous invite à prendre place, sur un banc du jardin public qui fait face à une célèbre dibiterie. Hésitante, elle se lève et balbutie «on devrait laisser tomber». Ce n’est qu’après l’avoir rassuré qu’elle pouvait cacher son identité, qu’elle s’est décidée à parler. Vêtue d’une camisole délavée, elle laisse entrevoir ses épaules éraillées par des vergetures. Son visage est ridé, ses yeux sont ternes. Comme si elle avait fini de pleurer toutes les larmes de son corps. Bintou, un nom d’emprunt, commence son récit sur une triste note : «Si je pouvais retourner en arrière, je ne vivrais pas en concubinage».

«Il m’a laissé trois enfants»

Mère de trois bouts de bois de Dieu, elle a rencontré son amant en 1991. Elle venait tout juste à l’époque d’avoir 22 ans. Issue d’une famille conservatrice, Bintou, elle-même très à cheval sur la tradition, a connu Issa, appelons le ainsi, par le biais d’une de ses amies. Elle est automatiquement tombée sous son charme et c’était réciproque. Ils vécurent ainsi une idylle sans pareil et décidèrent d’unir leurs vies. Toutefois, le seul hic, c’est qu’Issa était un misérable peintre aux yeux de ses parents qui n’ont pas voulu consentir à ce mariage. Par dépit, elle fuit la maison familiale et va vivre avec son amoureux dans une chambre de location. Pendant des années, ils ont vécu du maigre salaire d’Issa et des revenues qu’elle tirait d’un commerce de légumes. Et, ils ont tenu, par leur amour, jusqu’à donner naissance à une petite fille. Pendant ce temps, elle n’avait plus aucun contact avec sa famille, qui a tout fait pour essayer de la faire revenir. Puis, un deuxième enfant, encore une fille et le dernier qui est un garçon. Bintou et Issa avaient tout pour être heureux et se donnaient l’un à l’autre. Ils se sont battus pour envoyer leurs enfants à l’école. Grâce à Dieu, ce sont des êtres très doués. Seulement, il leur arrivait de ne pas avoir de quoi leur acheter des manuels scolaires et que leurs enfants soient renvoyés de l’école. Ils gardaient quand même l’espoir. Aussi infime soit-il.

Au bout du rouleau

Cet espoir va se concrétiser lorsqu’Issa va décrocher un contrat d’un an avec un entrepreneur pour qui il avait déjà travaillé. C’était précisément en 2005. Il devait se rendre dans un pays de la sous-région pour y effectuer des travaux de peinture, à la charge de l’entrepreneur. Ceci étant, il promit à Bintou la fin de son calvaire. «Je vais ramener beaucoup d’argent, nous allons déménager et vivre dans de bonnes conditions. Nous allons nous marier à mon retour», lui disait-il. Sur son petit nuage, elle a pris pour paroles d’Evangile tout ce que lui a raconté son «petit mari». Après deux mois d’absence, Issa daigne enfin donner signe de vie. Alors qu’elle se faisait du mouron pour lui. Il lui raconta que la communication était un peu chère et qu’il n’avait pas encore perçu de l’argent de la part de son employeur. Raison pour laquelle, il ne lui encore rien envoyé. Il lui a servi cette version toutes les fois où il l’a jointe. Après trois années entières, elle n’a toujours rien reçu de lui. Pis, elle n’a pas plus de ses nouvelles. Elle aurait appris, plus tard, par un collègue d’Issa qui faisait partie du voyage, que ce dernier vivait en concubinage avec une autre. Abandonnée à son sort, au bord de la quarantaine, elle élève seule ses trois enfants. Son aînée a repris son commerce de légumes, tandis qu’elle a trouvé du travail comme bonne. Bintou n’ose en aucun cas demander de l’aide à sa famille.

KALY NIANG, SOCIOLOGUE : «Le concubinage est une fuite en avant des hommes qui n’ont pas confiance en eux et qui préfèrent verser dans le banditisme sexuel»

Phénomène gagnant de plus en plus de terrain sous nos cieux, le concubinage est perçu par le sociologue Kaly Niang comme «une cohabitation juvénile qui froisse la morale et l’éthique». Mieux, il prolonge sa pensée en affirmant que «les concubins se dérobent car ils n’ont pas confiance en eux». Mais aussi parce qu’ils penchent plus pour le libertinage.

Quel est le point de vue sociologique sur le concubinage ?

Il fut un temps où le concubinage était le lot de filles perdues ou le choix d'individus voulant défier la société par des pratiques qui froissent la morale et l’éthique. L'on pouvait analyser le concubinage comme une simple cohabitation juvénile, comme la vie commune de deux jeunes gens qui, après cette période initiatique, retrouveraient l'institution du mariage. Ne serait-ce qu'à l'arrivée du premier enfant. C’était une période test pour des adultes voulant mener une vie commune. Ce nouveau mode de conjugalité, qui a gagné toutes les tranches d'âge, est-il lié à la déstabilisation de l'image traditionnelle du couple et de la famille ? Reflète-t-il la dérive des valeurs morales et religieuses sur lesquelles étaient fondés leurs régimes ? Exprime-t-il la victoire de la relation amoureuse sur l'institution sociale ? Illustre-t-il cette transformation fondamentale du rapport au temps qui caractérise nos sociétés ? Le problème est complexe car il met en jeu tout un ensemble de comportements individuels et collectifs. Où sont ici engagés les désirs des hommes, la sexualité, la conjugalité, le mariage, la famille, le divorce, la quête du bonheur et les traumatismes causés par des échecs divers, ainsi que le poids des traditions, la force des institutions et tous les présupposés sociaux que reflètent les systèmes de droit.

Selon vous, qu’est-ce qui explique cet état de fait?

Le concubinage peut être appréhendé sous deux angles. Si d’aucuns pensent que la pratique est sui generis à l’évolution des peuples, aux cadres sociaux, comme étant une survivance d’une pratique ancestrale, qui se rebelle contre toute union dont la loi civile fixe impérativement les conditions, les effets et la dissolution (mariage formel). D’autres évoquent, par le truchement du diffusionnisme des traits culturels, une pathologie de l’acculturation, de l’occidentalisation progressive des valeurs et civilisations. C’est donc une résultante de la crise des valeurs morales, consécutives à la faiblesse des garants méta-sociaux.

Autrement dit, c’est la société qui s’effiloche

Oui. En effet, nos sociétés - devenues très vulnérables aux agressions culturelles, à la mondialisation de la culture et des pratiques - ont fini par perdre tout repère. Le concubinage, comme stratégie de survie individuelle face aux difficultés économiques, est également une grille d’analyse. Les familles sénégalaises fonctionnent, pour la plupart, selon le principe de minimum économique permettant tout juste une couverture vitale minimale pour ses membres. D’un point de vue sociologique, il existe des processus d’individualisation à la marge qui sont une résultante de contraintes externes (crise économique, précarité, pauvreté) et des conditions de vie difficiles. S’y ajoute l’affaiblissement des solidarités dans un contexte de compétition accrue. Ce qui pousse un certain nombre de jeunes à se débrouiller hors des lois et des normes, à élaborer des stratégies individuelles pour s’en sortir. Le concubinage serait donc une fuite en avant des hommes qui n’ont pas confiance en eux, et qui préfèrent verser dans le «banditisme sexuel» !



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