LUTTE - Yékini-Tapha Guèye (dimanche, 18h, Stade Demba Diop) : Drôle de Fass à Fass

L’arène va encore entrer en ébullition, dimanche après-midi au stade Demba Diop, par la grâce de deux «dieux» : «Yékini» (écurie Ndakarou) et Tapha Guèye (écurie Fass). Un face-à-face entre deux lutteurs formatés par un seul technicien, Katy Diop, qui n’attise qu’un improbable suspense : le «Tigre» peut-il le faire ?

Ce sera donc le dernier fantasme de la saison : Tapha peut-il le faire ? Ce sera encore un après-midi de «dieux» à vénérer, de montagnes de muscles à désagréger. Ce sera aussi un duel fratricide, ce sera un terrible face-à-face. Presque un Fass à Fass. Un de ses combats qui débute par des accolades et se termine par des embrassades. Tant, le vaincu se reconnaît dans la gloire du vainqueur. Tant, le vainqueur partage la déchéance du vaincu. Tant les écuries de Ndakaru et de Fass avouent une proximité qui épouse le sympathique personnage de Katy Diop.

Le savoureux baisser de rideau de la saison, qui aura coûté la bagatelle de 250 millions de francs Cfa au promoteur Gaston Mbengue, est un combat entre deux dieux de l’arène, deux techniciens formatés par les meilleurs disques durs de la lutte : «Yékini» (écurie Ndakarou) et Tapha Guèye (écurie Fass). Deux lutteurs que tout semble unir. Pour Tapha Guèye, une technique apprise sous les ordres d’un technicien réputé dans l’arène, Katy Diop, qui a participé aux premiers coups d’éclats du futur «Tigre de Fass». Pour «Yékini», une technique pure et des statistiques qui frisent l’insolence (14 combats, 14 victoires). Qui dit mieux ? Personne. Qui a fait mieux ? Difficile d’en trouver. Alors, ce 15e combat de «Yékini», ce 30 juillet est une rencontre aux enjeux ternes. Car, «Yékini» qui a regardé le «Tigre» feuler jusqu’à perdre son souffle, semble plus frais. Plus bâti physiquement. De quoi donner des soucis aux irréductibles de Fass qui s’accrochent au miracle pour garder un infime espoir. Qui ne savent pas par quel bout Tapha Guèye, aux muscles moins arrondis, peut prendre cette perfection physique, spécimen achevé de la mutation génétique dans l’arène.

Peut-être par là où il avait réussi jadis à dompter le taureau de Ndangane Mame Ndiambane. Mais «Yékini» n’est pas seulement fort de ses kilos de muscles, il est un géant de la technique. Le profil toujours bas d’un «Tyson», roulé au stade Léopold Sédar Senghor par un mbotti d’enfer, est là pour ne rien démentir. Seulement, la proximité entre les deux écuries risque de tuer le faux-suspense d’un combat redondant de civilités, d’amabilités. Abass Ndoye, manager de l’écurie Fass, en a la gorge nouée par l’embarras : «Il est évident que l’écurie Ndakarou reste à jamais une entité de Fass. Personnellement, je suis confus, car «Yékini» reste mon ami. Il n’a jamais eu de problèmes avec quelqu’un dans l’arène. En plus, Katy et l’écurie Fass restent inséparables.» En homme civilisé, Katy, l’entraîneur de l’écurie Ndakaru, rend dans un gant de velours la politesse, malgré l’enjeu de l’heure : «Les Fassois resteront des amis.»

Pourtant, les deux lutteurs qui se feront face sur le «synthétique» de Demba Diop, dimanche après-midi, ne comptent pas exclusivement verser dans cet échange de bons procédés. Ils feront sans doute le poing. Lors de la dernière conférence de presse, les mots avaient déjà eu valeur de coups. Et, c’est Tapha Guèye, boosté par l’assurance tous risques signé avec une société d’assurance, qui ouvrit les hostilités. «Maintenant, en ayant l’esprit tranquille qu’après le combat, il y a une société qui va vous prendre en charge en cas de blessures ou d’un autre bobo, il n’y a aucune raison de rester dans son coin passif. Il faut y aller sans se poser de questions», hurlait le «Tigre» de Fass. «Yékini», dans le cynisme de son verbe froid, a juste bougé ses lèvres de mammouth : «Les gens disent qu’il s’agit de la lutte avec frappe. Je dis bien qu’il y aura des coups, beaucoup de coups. On va se battre», promettait l’enfant de Bassoul. Une volonté d’en découdre du chef de file de l’écurie Ndakaru qui trouve sur le chemin «Grand» Tapha Guèye qui est à la lisière d’une carrière parsemée de victoires incroyables. Mais aussi de chutes monumentales.

«Yékini» tombeur du «bourreau» de Fassois, Mouhamed Ndao «Tyson», est-il un bon plan pour le «Tigre  de Fass» ? «Yékini» a tout dynamité sur son passage, rendu caduc tout ce qui était venu avant lui. Et l’imaginaire de l’arène envoie très peu ce «Tigre» en bout de course lui chatouiller ses biceps de champion invincible à l’efficacité effrayante. Katy Diop, technicien avisé, anticipe sur le débat sur l’opportunité du combat qui a tout pour ressurgir dimanche soir : «C’est un combat comme un autre. Nous faisons fi de la différence de poids. Je pense que c’est un combat à prendre au sérieux. Bien que Yékini est plus assis physiquement, cela ne signifie rien, la force intérieure est plus importante que tout. Et puis, il ne faut jamais sous-estimer un adversaire.

Si vous vous rappelez, Tapha l’a vérifié lors qu’il n’avait pas trop pris au sérieux Dame Soughère qui avait réussi à le terrasser. C’est un combat qu’on va prendre très au sérieux, on ne badine même pas avec cet aspect», souffle-t-il. Lui, l’entraîneur qui a guidé les premiers pas de l’enfant de Fass, qui connaît sur le bout du doigt le génie du «Tigre». En écho, Jacques Diène, manager, fin analyste des  chocs de l’arène, acquiesce : «Ce sera une bonne chose pour Yékini de rencontrer Tapha Guèye. Car, cela risque d’enrichir son palmarès et sa cote de popularité ne pourrait plus être contestée. Quand l’arène marche à plein régime et qu’il n’y ait pas ce combat, les deux lutteurs auraient pu en être déçus, car cela aurait laissé un certain vide dans leur palmarès. Et puis entre les deux lutteurs, on ne peut plus pinailler sur la différence de poids, car aussi bien Yékini que Tapha Guèye ont rencontré «Bombardier» qui est le baromètre des Lourds.»

Dimanche, au sortir d’un combat à l’issue incertaine, l’arène ne va pas s’émouvoir d’une défaite de Tapha Guèye. Tant Yahya Diop, roi des arènes, trône encore comme favori indiscutable aux yeux des fondus de la lutte. Ce Tapha Guèye, qui semble aussi serein qu’un taureau sur la route de l’abattoir, laisse poindre des certitudes dans les discussions viriles des grand’places.

Mais l’histoire est sans doute à faire. Et, il faudra ranger les convictions acquises sur pièce. Pour apprécier le suc du face-à-face de ce dimanche, mieux vaut laisser aux vestiaires sa rationalité, écarter toute velléité de cartésianisme. Et surtout ne point pinailler sur la vraisemblance. Car dans l’arène sénégalaise, toujours en avance d’une surprise, le bon sens sort rarement vainqueur. Afin, quand ce n’est pas le Roi «Yékini» qui fait son tour de propriétaire… <17>[email protected]